Vous arrive-t-on parfois à vous représenter ce que signifie fuir du jour au lendemain, avec seulement les vêtements que vous portez ? Au Mozambique, des centaines de milliers de personnes n’ont plus le choix.
Depuis juillet, au moins 300 000 civils ont été contraints d’abandonner leur maison à cause de l’intensification brutale des violences dans le nord du pays. Et les quinze derniers jours ont été particulièrement terrifiants : près de 100 000 nouvelles arrivées dans les zones supposées sûres.
Une flambée de violence sans précédent
Le conflit, qui ravage la province de Cabo Delgado depuis 2017, a changé de nature. Ce qui était autrefois des attaques ponctuelles est devenu une offensive coordonnée et simultanée sur plusieurs districts.
Les groupes armés frappent désormais au même moment dans des zones éloignées les unes des autres, rendant impossible toute anticipation ou protection efficace. Et le pire, c’est que la violence déborde : elle atteint maintenant la province voisine de Nampula, jusqu’alors relativement épargnée.
Des chiffres qui donnent le vertige
Reprenons calmement les données communiquées par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés.
- 100 000 personnes déplacées rien que sur les deux dernières semaines
- 287 000 déplacements enregistrés officiellement depuis trois mois
- Estimation réelle supérieure à 300 000 depuis juillet
- Plus de 1,3 million de personnes déplacées depuis le début du conflit en 2017
- Plus de 6 200 morts recensés selon les observateurs indépendants
Ces chiffres ne sont pas que des statistiques. Ils représentent des familles entières qui marchent des jours entiers, des enfants séparés de leurs parents, des villages entièrement abandonnés.
Sur le terrain, une réalité brutale
Les témoignages qui remontent des zones d’accueil sont déchirants. Les centres communautaires et les écoles sont pris d’assaut. Il n’y a plus assez de place à l’intérieur. Beaucoup dorment dehors, sous les arbres ou dans des abris de fortune faits de bâches.
Et la saison des pluies a commencé. Les chemins deviennent des rivières de boue. Les maladies se propagent rapidement dans ces conditions d’hygiène précaires. L’accès à l’eau potable est limité, la nourriture manque cruellement.
« Nous ne parvenons pas à répondre aux besoins de la population. L’aide humanitaire fait défaut. »
Représentant du HCR au Mozambique
Cette phrase résume à elle seule l’urgence absolue de la situation.
Pourquoi cette crise passe-t-elle sous les radars ?
Plusieurs raisons expliquent le relatif silence médiatique autour de cette catastrophe.
D’abord, l’éloignement géographique. Cabo Delgado est une région isolée, difficile d’accès, où les journalistes indépendants peinent à se rendre. Ensuite, la complexité du conflit : un mélange d’insurrection jihadiste locale, de trafics en tous genres et de tensions autour des gigantesques projets gaziers offshore.
Enfin, la concurrence tragique de l’actualité mondiale. Quand plusieurs crises majeures éclatent en même temps, certaines finissent malheureusement reléguées au second plan.
Les conséquences à court et moyen terme
À court terme, c’est une catastrophe humanitaire pure. Les communautés d’accueil, déjà pauvres, se retrouvent submergées. Les ressources s’épuisent. Les tensions montent parfois entre déplacés et populations locales.
À moyen terme, le risque est immense : une génération entière d’enfants qui ne va plus à l’école, des traumatismes profonds, une économie locale à l’agonie, et un terreau malheureusement fertile pour de nouvelles formes de violence.
L’appel désespéré des humanitaires
Les organisations sur place ne mâchent pas leurs mots. Sans ressources supplémentaires immédiates, elles ne pourront tout simplement pas tenir.
Il faut protéger ceux qui fuient, renforcer les communautés qui les accueillent, et surtout empêcher que la situation ne devienne encore plus incontrôlable. Car oui, elle peut encore empirer.
« Les acteurs humanitaires ne peuvent maintenir la réponse sans soutien et ressources supplémentaires. »
Cet avertissement est clair. Il ne s’agit pas d’une simple demande de fonds supplémentaire. C’est un cri d’alarme avant que la situation ne bascule complètement.
Que peut-on faire, concrètement ?
À notre niveau, plusieurs gestes sont possibles.
- S’informer et relayer l’information (le silence est le premier allié de l’oubli)
- Faire un don à une organisation reconnue qui travaille sur place
- Interroger nos responsables politiques sur la position de notre pays face à cette crise
- Garder en tête que derrière chaque chiffre se cache une histoire humaine
Car 300 000 déplacés en quelques mois, ce n’est pas une statistique. C’est 300 000 vies bouleversées, 300 000 futurs incertains, 300 000 raisons d’agir avant qu’il ne soit trop tard.
Au moment où vous lisez ces lignes, des familles marchent encore sous la pluie, espérant trouver un endroit où poser enfin leurs affaires. Elles comptent aussi, quelque part, sur le fait que le monde ne les oubliera pas complètement.
Le Mozambique a besoin d’aide maintenant. Pas dans six mois. Pas l’année prochaine. Maintenant.
Parce que chaque jour qui passe sans réponse massive creuse un peu plus le fossé entre l’espoir et le désespoir pour des centaines de milliers de personnes.
La communauté internationale a les moyens d’agir. Reste à savoir si elle en aura la volonté.









