Il y a des essais qui font basculer une soirée… et parfois une saison. Samedi soir, sous les projecteurs d’Ernest-Wallon, Matthis Lebel aplatit une deuxième fois face au Racing 92. Le public exulte, le score enfle, Toulouse domine. Et puis, dans l’euphorie, l’ailier reste au sol un peu trop longtemps, la main gauche serrée contre lui. Le sourire laisse place à la grimace. Ce qui ressemblait à un chef-d’œuvre offensif vient de se transformer en cauchemar médical.
Un coup dur au pire moment pour le champion en titre
Le diagnostic tombe rapidement : fracture d’un métacarpe de la main gauche. Direction bloc opératoire dès le lundi suivant. Lebel est out pour au minimum un mois et demi, ce qui le rend indisponible jusqu’à mi-janvier 2026 au mieux. Dans le rugby moderne, où chaque week-end ressemble à une finale, perdre son meilleur finisseur n’est jamais anodin.
Avec huit essais en onze journées, Matthis Lebel caracolait en tête du classement des marqueurs du Top 14. Il devançait des joueurs comme Damian Penaud ou George Bridge. Son ratio minutes jouées/essais marqués était tout simplement effrayant. Et surtout, il apportait cette polyvalence rare : vitesse pure, lecture du jeu, finition sous pression, et une défense de plus en plus solide.
Un effectif déjà amputé à l’arrière
Ce n’est pas la première mauvaise nouvelle pour les lignes arrières toulousaines. Juan Cruz Mallía, l’Argentin aux 70 matchs avec le Stade, a vu sa saison s’arrêter net après une rupture des ligaments croisés du genou avec les Pumas. L’absence de l’arrière ou centre polyvalent était déjà un casse-tête. Celle de Lebel complique encore plus les plans d’Ugo Mola.
Derrière, Toulouse doit désormais composer avec :
- Thomas Ramos, souvent utilisé à l’ouverture en l’absence de Romain Ntamack (blessé lui aussi plus tôt dans la saison)
- Blair Kinghorn, précieux mais parfois irrégulier
- Ange Capuozzo, génial mais encore tendre défensivement
- Des jeunes comme Léo Banos ou Paul Costes qui montent en puissance
- Et des joueurs comme Melvyn Jaminet en prêt, mais pas forcément à l’aise à l’aile
Autant dire que les solutions de rechange existent, mais aucune ne possède le profil complet de Lebel.
Un calendrier infernal à venir
Regardez les prochaines semaines :
- Déplacement à Durban face aux Sharks (Champions Cup)
- Réception de Clermont
- Déplacement à Toulon
- Match retour contre les Sharks
- Reception de Bordeaux-Bègles pour le Boxing Day
Des rencontres où chaque point compte, où la moindre erreur se paie cash. Sans Lebel, Toulouse perd son principal détonateur sur les ailes. Les défenses adverses vont pouvoir recentrer un peu plus leurs rideaux, laisser moins d’espaces sur les extérieurs. Et quand on sait que le jeu toulousain repose beaucoup sur l’alternance et les décalages, on mesure l’impact.
« On perd un joueur qui pèse énormément dans notre animation offensive. Matthis est dans la forme de sa vie », confiait un membre du staff toulousain en privé.
Qui pour prendre le relais ?
Plusieurs noms circulent déjà en interne. Ange Capuozzo pourrait être aligné à l’aile pour libérer la place d’arrière à Blair Kinghorn. Paul Costes, révélation de ce début de saison, pourrait connaître ses premières titularisations en Top 14. On parle aussi d’un possible retour plus rapide que prévu de certains blessés légers ou d’un repositionnement temporaire.
Et puis il y a la carte Dimitri Delasalle ou Théo Ntamack, les jeunes loups qui frappent à la porte. Lebel absent, c’est aussi une opportunité pour eux de se montrer. Le rugby est ainsi fait : une blessure ouvre toujours des portes ailleurs.
Et maintenant, la question du contrat
Car au-delà de l’aspect sportif immédiat, cette blessure relance aussi le débat sur l’avenir de Matthis Lebel au club. En fin de contrat en juin 2026, l’ailier de 25 ans n’a toujours pas prolongé. Formé au Stade Toulousain, international à six reprises, il représente l’ADN du club. Mais les sirènes d’ailleurs existent, et certains clubs anglais ou même japonais seraient attentifs.
Cette longue indisponibilité pourrait-elle accélérer les discussions ? Ou au contraire refroidir certains prétendants ? Beaucoup de supporters appellent déjà Didier Lacroix à sécuriser rapidement leur ailier star. Parce qu’un Lebel en pleine possession de ses moyens, c’est un joueur de classe mondiale. Et Toulouse a rarement laissé partir ses joyaux sans combattre.
Un joueur sous-côté en Bleu ?
Paradoxalement, cette blessure arrive alors que Matthis Lebel réalisait enfin la saison qui pouvait le propulser durablement en équipe de France. Souvent appelé, rarement titularisé, il traînait cette étiquette de « bon joueur de club » sans jamais avoir eu une vraie chance sur la durée avec les Bleus.
Ses performances cette saison avaient changé la donne. Sa vitesse, sa lecture, son état d’esprit collaient parfaitement au rugby prôné par Fabien Galthié. Beaucoup pensaient qu’il allait enfin s’installer dans le groupe France lors de la tournée d’été 2026. Cette fracture repousse l’échéance… et laisse la porte ouverte à la concurrence (Penaud, Bielle-Biarrey, Moefana repositionné, etc.).
Comment Toulouse a déjà surmonté ce genre d’épreuves
Ce n’est pas la première fois que le Stade Toulousain doit composer avec une cascade de blessures. Souvenez-vous de la saison 2020-2021 : Ntamack, Dupont, Kolbe, Ahki, Placines… tous absents à différents moments. Et pourtant, le Brennus et la Champions Cup au bout.
Le secret ? Une profondeur d’effectif exceptionnelle et une culture de la performance qui transcende les individualités. Antoine Dupont, de retour à son meilleur niveau face au Racing, va devoir encore plus porter l’équipe. Les cadres comme Marchand, Mauvaka, Aldegheri ou Cros vont devoir montrer l’exemple. Et les jeunes vont devoir grandir plus vite que prévu.
Le rugby est un sport d’équipe, dit-on. C’est maintenant que Toulouse va devoir le prouver.
Un retour espéré pour la phase finale ?
Si tout se passe bien, Matthis Lebel pourrait être de retour mi-janvier. Juste à temps pour les dernières journées de Champions Cup et le sprint final du Top 14. Avec un peu de chance, il aura le temps de retrouver le rythme avant les phases finales.
Car c’est là que Toulouse joue sa saison. Les matchs de novembre-décembre font le classement, mais les titres se gagnent en mai-juin. Un Lebel à 100 % pour les demi-finales et finales, c’est un tout autre visage que le Stade Toulousain pourrait présenter.
En attendant, tout le monde au club croise les doigts pour une guérison sans complications. Parce que dans le rugby, plus encore qu’ailleurs, le temps est un luxe que personne n’a.
Bon rétablissement Matthis. Toulouse a besoin de toi. Et le rugby français aussi.
Un ailier en feu éteint par une fracture. Toulouse va devoir réinventer son jeu sans son meilleur finisseur. Mais l’histoire rouge et noire nous a appris une chose : plus l’adversité est grande, plus la réponse est belle.









