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Nantes Autorise le Vol de Métaux pour Préserver la Paix Sociale

À la fermeture de la déchèterie de Nantes, deux familles sont officiellement autorisées à fouiller les bennes à métaux sous les yeux des agents. Objectif affiché : « préserver la paix sociale ». Mais jusqu’où une collectivité peut-elle céder face à la pression pour éviter les débordements ?

Imaginez la scène : il est 18 h 30, la déchèterie vient de fermer ses portes au public. Les derniers usagers repartent, et soudain, deux familles s’approchent des bennes à métaux. Elles grimpent dedans, trient, chargent. Rien d’illégal. Elles ont l’autorisation officielle de la métropole. Le motif ? Préserver la « paix sociale » et protéger les agents. Cette réalité, aussi surréaliste soit-elle, se déroule chaque soir à la Prairie-de-Mauves, à Nantes.

Quand la peur remplace la loi

Cette pratique n’est pas née d’un excès de générosité écologique. Elle est le fruit d’une médiation lancée il y a trois ans, après des années de tensions récurrentes. Des groupes de récupérateurs venaient en journée, parfois de manière musclée, pour s’approprier les métaux déposés par les habitants. Refus, menaces, dégradations… Les agents se retrouvaient en première ligne, sans réel moyen d’action.

Plutôt que de renforcer la sécurité ou d’appliquer strictement le règlement, la collectivité a choisi une autre voie : légaliser partiellement la récupération sauvage, mais à horaire fixe et sous contrôle. Une forme de compromis qui ressemble furieusement à une capitulation déguisée.

« La sécurité des agents et des usagers reste la priorité absolue »

Nantes Métropole

Traduction : on préfère laisser prendre quelques dizaines de kilos de ferraille plutôt que risquer un incident plus grave. Le message envoyé est limpide : la pression de rue fonctionne.

Un dispositif qui pose plus de questions qu’il n’en résout

Officiellement, les familles n’ont droit qu’au « flux résiduel » : ce qui reste dans la benne après le départ des camions de recyclage. En pratique, personne ne pèse vraiment ce qui part dans les remorques privées. Et surtout, personne ne sait où finit cette ferraille : revendue au noir ? Fondue dans des circuits parallèles ? Le doute est permis.

Un habitant régulier de la déchèterie témoigne anonymement :

« On nous serine que tout est recyclé à 100 %, mais le soir, on voit des sacs entiers partir dans des camionnettes sans plaque pro. Ça fait cher payé la paix sociale… »

Car il y a un coût financier, même s’il reste flou. Nantes Métropole récupère entre 4 et 5 tonnes de métaux par semaine, revendues entre 100 et 180 € la tonne selon les cours. Un manque à gagner qui, même minime, s’ajoute à l’image d’une gestion publique qui plie sous la contrainte.

Nantes n’est pas un cas isolé

À Rezé, depuis 2018, un groupement d’auto-entrepreneurs bénéficie du même type d’arrangement, mais en journée. Dans d’autres communes du département, on exige une carte professionnelle. À Ancenis, au contraire, on a purement et simplement suspendu la collecte de ferraille et d’électroménager fin 2024, lassé des incidents à répétition.

Ces différences de traitement révèlent une absence de doctrine nationale. Chaque collectivité bricole sa solution, entre laxisme et fermeté, selon le niveau de pression subi.

En résumé, on observe trois grandes stratégies face à la récupération illicite de métaux :

  • L’interdiction totale (et la suspension quand ça dégénère)
  • La régulation par carte (solution administrative classique)
  • L’autorisation encadrée (solution nantaise : on légalise pour avoir la paix)

La paix sociale a un prix… et il augmente

Ce qui choque dans l’affaire nantaise, ce n’est pas tant la récupération elle-même – beaucoup y verraient même une forme d’économie circulaire – que le motif invoqué. Quand une collectivité explique noir sur blanc qu’elle renonce à faire respecter la loi pour éviter des troubles, elle valide indirectement la logique de l’intimidation.

Et demain ? Si un autre groupe exerce une pression suffisante, obtiendra-t-il lui aussi sa dérogation ? Le précédent est posé. La frontière entre compromis raisonnable et chantage accepté devient poreuse.

Certains agents, sous couvert d’anonymat, vont plus loin :

« On nous demande de sourire et de regarder ailleurs. On a l’impression d’être des gardiens de parking qui laissent passer les voleurs pour ne pas se faire casser la figure. »

Vers une banalisation du « droit de prédation » ?

Le phénomène dépasse largement les déchèteries. On le retrouve dans les zones commerciales où certaines enseignes laissent les vols à l’étalage sous un certain seuil pour éviter les violences, dans certains quartiers où la police ferme les yeux sur des petits trafics pour ne pas déclencher d’émeute, ou encore dans les transports publics où les contrôleurs évitent certains secteurs à risque.

À force de petits abandons successifs, c’est tout l’édifice de l’autorité publique qui se fissure. La « paix sociale » devient alors un euphémisme pour désigner le recul permanent de l’État de droit face à ceux qui crient le plus fort ou menacent le plus.

Et pendant ce temps, le citoyen lambda qui respecte les règles regarde, impuissant, la ferraille qu’il a soigneusement triée partir dans des circuits douteux, avec la bénédiction des autorités.

Que faire ? Quelques pistes concrètes

Des solutions existent pourtant :

  • Renforcer la vidéosurveillance et la présence humaine aux heures sensibles
  • Mettre en place des bennes fermées avec accès par badge pour les pros uniquement
  • Développer des filières de rachat à prix fixe pour les particuliers (comme en Allemagne)
  • Appliquer des sanctions fermes et rapides en cas d’intrusion ou de menace
  • Créer des zones dédiées de dépôt gratuit pour les récupérateurs déclarés

Ces mesures ont un coût, certes. Mais le coût du renoncement est bien plus élevé à long terme.

Car quand une société commence à payer pour qu’on ne la dérange pas, elle entre dans une spirale dont il est très difficile de sortir.

À Nantes, ce ne sont que quelques kilos de ferraille. Mais le symbole est immense.

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