Imaginez le cœur battant de l’Europe qui tousse, crachote, puis menace de s’arrêter complètement. C’est exactement ce qui se passe en Allemagne en cette fin d’année 2025.
Pour la quatrième année consécutive, la production industrielle recule. Et cette fois, les grands patrons ne mâchent plus leurs mots : ils parlent ouvertement de la crise la plus grave depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.
Un cri d’alarme qui résonne dans tout le pays
La puissante fédération qui regroupe les industriels allemands a publié un communiqué d’une rare violence. Son message est clair : l’économie du pays est en train de décrocher structurellement et le gouvernement regarde ailleurs.
Les chiffres du troisième trimestre sont implacables. La production a encore baissé de 0,9 % par rapport au trimestre précédent et de 1,2 % sur un an. Pour 2025 entière, la prévision est désormais de –2 %. Quatre années de suite dans le rouge, cela ne s’était jamais vu en temps de paix.
« L’économie allemande est en chute libre et pourtant le gouvernement ne réagit pas avec la détermination nécessaire »
Ces mots ne viennent pas d’un opposant politique, mais du président de la principale organisation patronale. Le ton est donné.
D’un modèle admiré à l’homme malade de l’Europe
Il y a encore dix ans, l’Allemagne faisait envie à toute l’Europe. Croissance solide, chômage au plus bas, excédents commerciaux records. Le fameux Mittelstand, ces entreprises moyennes ultra-spécialisées, exportait dans le monde entier des machines-outils, des voitures haut de gamme, des produits chimiques de pointe.
Le carburant de cette machine ? Des usines qui tournaient à plein régime grâce à une énergie russe abondante et bon marché. Tout fonctionnait comme une horloge suisse made in Germany.
Puis tout s’est enchaîné. D’abord la pandémie qui a coupé les chaînes d’approvisionnement. Ensuite la guerre en Ukraine et l’explosion des prix de l’énergie. Enfin la concurrence chinoise qui a inondé les marchés de produits moins chers, souvent subventionnés.
Comme si cela ne suffisait pas, les nouvelles taxes douanières américaines viennent porter le coup de grâce à des exportations déjà fragilisées.
Les racines d’un mal plus profond
Derrière ces chocs externes, les industriels pointent aussi des faiblesses internes que personne n’osait évoquer il y a quelques années.
Le pays a accumulé du retard dans l’innovation. Pendant que d’autres nations investissaient massivement dans les technologies de rupture, l’Allemagne continuait à perfectionner ses moteurs thermiques au moment où le monde basculait vers l’électrique.
La bureaucratie européenne et nationale s’est alourdie. Un chef d’entreprise raconte qu’il faut parfois plus de deux ans pour obtenir les autorisations nécessaires à l’extension d’une usine. Pendant ce temps, la concurrence installe ses lignes de production en Asie ou en Europe de l’Est en quelques mois.
Le coût du travail reste parmi les plus élevés du monde. Et maintenant que l’énergie coûte trois à quatre fois plus cher qu’avant 2022, l’équation devient intenable pour beaucoup d’industries gourmandes en électricité ou en gaz.
Le gouvernement Merz sous pression
Arrivé au pouvoir au printemps 2025 après des élections marquées par la percée de l’extrême droite, le chancelier conservateur gouverne en coalition avec les sociaux-démocrates. Une alliance fragile et déjà très impopulaire.
Il a promis des réformes, une simplification administrative, un allègement réglementaire au niveau national et européen. Des mots qui font plaisir aux entreprises, mais les actes tardent à venir.
Chaque semaine apporte son lot de mauvaises nouvelles. Une usine qui ferme, un site qui réduit ses effectifs, une délocalisation annoncée. Les syndicats, d’habitude discrets sur les critiques envers les gouvernements de coalition, commencent à hausser le ton eux aussi.
« Chaque mois sans réformes structurelles résolues coûtera encore des emplois »
Que faire pour inverser la tendance ?
Les industriels ont une feuille de route claire. Ils veulent :
- Une baisse massive des charges sur l’énergie pour l’industrie
- Une simplification drastique des procédures administratives
- Des incitations fiscales fortes à l’investissement et à la recherche
- Une politique européenne plus protectrice face à la concurrence déloyale
- Un grand plan de formation pour combler le manque de main-d’œuvre qualifiée
Mais dans une coalition où chaque décision doit être négociée entre conservateurs et sociaux-démocrates, rien n’est simple. Les écologistes, qui ont encore de l’influence malgré leur défaite électorale, freinent certaines mesures favorables à l’industrie lourde.
Le temps presse. Plus l’Allemagne attend, plus ses concurrents prennent de l’avance. Et plus il sera difficile de rattraper le retard.
Un avertissement pour toute l’Europe
Ce qui arrive à l’Allemagne ne concerne pas seulement les Allemands. Quand le premier économie de la zone euro tousse, c’est tout le continent qui s’enrhume.
Les chaînes de valeur sont tellement intégrées que la faiblesse allemande se répercute immédiatement sur ses voisins. La France, l’Italie, les pays d’Europe centrale : tous dépendent encore fortement des commandes allemandes.
Si l’Allemagne n’arrive pas à redresser la barre, c’est tout le projet européen qui risque d’en pâtir. Car sans industrie forte, il n’y a pas de croissance durable, pas d’emplois qualifiés, pas de moyens pour financer la transition écologique ou la défense.
La crise allemande est un miroir tendu à l’Europe entière. Le temps des complaisances est terminé. Il est urgent d’agir, ensemble ou séparément, mais d’agir.
En cette fin 2025, l’Allemagne se trouve à la croisée des chemins. Soit elle parvient à enclencher les réformes nécessaires et retrouve le chemin de la croissance, soit elle s’enfonce dans un déclin qui pourrait durer des années.
Les prochains mois seront décisifs. Et le monde entier regardera avec attention ce que décidera le pays qui fut longtemps le moteur de l’Europe.
L’histoire économique nous l’a montré plusieurs fois : les nations qui refusent de se réformer quand il en est encore temps finissent toujours par le payer très cher. L’Allemagne saura-t-elle tirer les leçons avant qu’il ne soit trop tard ?
Pour l’instant, le silence du gouvernement face à l’ampleur du cri d’alarme des industriels en dit long. Le compte à rebours est lancé.









