La nuit est tombée sur la Cisjordanie et, une nouvelle fois, le sang a coulé. Deux adolescents palestiniens, âgés de seulement 17 et 18 ans, ont perdu la vie sous les balles de soldats israéliens au cours de deux incidents distincts. Ces événements, survenus à quelques heures d’intervalle, rappellent cruellement que la violence n’a pas pris de pause, même après la fragile trêve observée à Gaza.
Une nuit sous haute tension en territoire occupé
Depuis l’attaque du 7 octobre 2023 menée par le Hamas et la riposte israélienne massive sur la bande de Gaza, la Cisjordanie vit au rythme d’une explosion de violences quasi quotidienne. Raids militaires, heurts nocturnes, attaques isolées… Le territoire, occupé par Israël depuis 1967, est devenu un baril de poudre permanent. Et cette nuit de lundi à mardi n’a pas dérogé à la règle.
Premier incident : une voiture-bélier près de Hébron
Vers la fin de soirée, près de la ville de Hébron dans le sud de la Cisjordanie, une soldate israélienne a été légèrement blessée lors d’une attaque à la voiture-bélier. Selon le communiqué de l’armée, le conducteur a délibérément foncé sur les militaires postés dans la zone avant de prendre la fuite.
Une chasse à l’homme de plusieurs heures s’est immédiatement engagée dans les ruelles et les collines environnantes. Finalement, les forces israéliennes ont localisé le suspect. Lors de la tentative d’interpellation, l’individu aurait tenté de s’enfuir en mettant en danger les soldats, qui ont alors ouvert le feu. Le jeune homme a été abattu sur place.
L’armée n’a pas restitué le corps. C’est par une notification officielle qu’Israël a informé l’Autorité palestinienne de la mort de Mohammad Tariq Muhammad al-Zaghir, 17 ans, originaire de Hébron. Aucun autre détail n’a été fourni par les autorités palestiniennes à ce stade.
« Il a tenté de s’enfuir en mettant en danger les forces, qui ont riposté par des tirs »
Communiqué de l’armée israélienne
Deuxième attaque : un couteau près de la colonie d’Ateret
Quelques heures plus tard, dans le centre de la Cisjordanie, un second drame se jouait non loin de Ramallah. Alertées par un signalement, des patrouilles militaires se sont rendues près de la colonie israélienne d’Ateret. Sur place, un individu a soudainement sorti un couteau et s’est rué sur les soldats.
La riposte a été immédiate. Les militaires ont ouvert le feu et « neutralisé » l’assaillant. Le Magen David Adom a pris en charge deux soldats légèrement blessés, tous deux dans la vingtaine. Là encore, le corps n’a pas été rendu immédiatement.
L’Autorité palestinienne a été informée du décès de Mohammad Raslan Mahmoud Asmar, 18 ans, habitant d’une localité voisine. Le jeune homme devient le second adolescent tué dans la nuit.
Le Jihad islamique salue des « opérations héroïques »
Très rapidement, le mouvement palestinien du Jihad islamique a revendiqué la paternité symbolique des deux attaques. Dans un communiqué, l’organisation a qualifié les actes d’« opérations héroïques menées contre les soldats de l’occupation ». Un vocabulaire martial qui montre que certains groupes armés continuent d’appeler à la confrontation directe.
« Opérations héroïques contre les soldats de l’occupation »
Jihad islamique
Un bilan humain qui ne cesse de s’alourdir
Depuis le 7 octobre 2023, la Cisjordanie a basculé dans une spirale de violence inédite. Plus d’un millier de Palestiniens – combattants, mais aussi de très nombreux civils – ont été tués par l’armée ou par des colons israéliens. En parallèle, au moins 44 Israéliens, soldats et civils confondus, ont perdu la vie dans des attaques ou lors d’opérations militaires.
Ces chiffres, bien que froids, racontent une réalité brûlante : chaque semaine apporte son lot de morts, de familles endeuillées des deux côtés, et de rancœurs qui s’accumulent.
Bilan depuis le 7 octobre 2023 (sources officielles) :
- Palestiniens tués en Cisjordanie : + de 1 000 (combattants et civils)
- Israéliens tués en Cisjordanie : au moins 44 (soldats et civils)
- Attaques à la voiture-bélier et au couteau : multiplication par 4 par rapport à 2022
Pourquoi la Cisjordanie reste un foyer de tensions permanent
Plusieurs facteurs expliquent cette flambée. La présence de plus de 700 000 colons israéliens, souvent armés et protégés par l’armée, dans un territoire où vivent près de 3 millions de Palestiniens, crée un climat d’affrontement permanent. Les checkpoints, les démolitions de maisons, les arrestations nocturnes alimentent la colère d’une jeunesse qui se sent sans avenir.
À cela s’ajoute l’impasse politique totale. Les négociations de paix sont gelées depuis des années, et la solution à deux États semble plus éloignée que jamais. Dans ce vide, la violence devient, pour certains, la seule réponse possible.
La trêve à Gaza n’a pas calmé la Cisjordanie
On aurait pu espérer que la trêve entrée en vigueur le 10 octobre à Gaza apaise aussi la Cisjordanie. Il n’en est rien. Les opérations militaires israéliennes continuent, tout comme les attaques individuelles palestiniennes. La haine accumulée rend tout retour au calme extrêmement difficile à court terme.
Chaque mort alimente le cycle. Chaque enterrement devient une manifestation. Chaque manifestation dégénère souvent en heurts. Et le cercle vicieux se poursuit.
Que retenir de cette énième nuit sanglante ?
Deux adolescents fauchés en pleine jeunesse. Des militaires qui rentrent chez eux avec des blessures légères, mais un traumatisme certain. Des familles qui pleurent de part et d’autre de la Ligne verte. Et un territoire qui continue de s’enfoncer dans un conflit sans fin visible.
Cette nuit n’est malheureusement qu’un épisode de plus dans une tragédie qui dure depuis des décennies. Tant que des solutions politiques courageuses ne seront pas mises sur la table, la Cisjordanie continuera de payer le prix fort d’un statu quo insoutenable.
Et demain, une nouvelle nuit tombera. Avec, peut-être, son lot de nouvelles victimes dont les noms viendront s’ajouter à une liste déjà bien trop longue.









