Imaginez recevoir un appel tous les jours de la même personne, à heures fixes, parfois tard le soir, et que cette personne soit l’un des animateurs les plus influents de la télévision française. Ce n’est pas le scénario d’un thriller, mais bien ce que vit l’équipe de Complément d’enquête depuis plusieurs semaines. Et la personne au bout du fil ? Pascal Praud lui-même.
Quand la sérénité affichée à l’antenne cache une toute autre réalité
À l’écran, il est maître de son sujet, ironique, parfois cinglant, toujours sûr de lui. Pourtant, selon les révélations faites sur le plateau de Quotidien, l’animateur vedette de CNews serait bien moins zen dès qu’il s’agit de défendre sa chaîne face à une enquête journalistique. Tristan Waleckx, rédacteur en chef de Complément d’enquête, n’a pas mâché ses mots : Pascal Praud appelle l’équipe presque quotidiennement.
Ces appels ne sont pas de simples politesses. Ils oscillent entre reproches, tentatives d’influence et parfois même des accès de colère. Un comportement qui contraste violemment avec l’image de l’animateur posé et maître de ses émotions que les téléspectateurs découvrent chaque matin.
Le déclencheur : une enquête qui a fait trembler CNews
Tout a commencé avec la diffusion, fin novembre 2025, d’un numéro particulièrement musclé de Complément d’enquête intitulé « Des infos ou désinfo ? La méthode CNews ». Pendant plusieurs mois, les journalistes ont enquêté sur les pratiques éditoriales de la chaîne d’information en continu. Résultat : un reportage qui n’a pas laissé indifférent.
Le lendemain même de la diffusion, Pascal Praud réagissait déjà à l’antenne avec son habituelle ironie. Sur le bandeau de CNews, on pouvait lire sans ambiguïté : « Complément d’enquête : tout ça pour ça ». Une manière de minimiser l’impact du reportage. Mais derrière cette façade, les choses étaient bien différentes.
Tristan Waleckx a révélé que Pascal Praud l’avait personnellement appelé dès le lendemain pour lui faire part d’une information qu’il pensait compromettante : l’experte Cécile Alduy, citée dans le reportage, n’était autre que la sœur de Manuel Alduy, directeur du cinéma à France Télévisions.
« Vous saviez que Cécile Alduy, c’était la sœur de Manuel Alduy ? »
L’appel de Pascal Praud à Tristan Waleckx, le lendemain de la diffusion
Cécile Alduy au cœur de la tempête : conflit d’intérêts ou attaque personnelle ?
Sur le plateau de Quotidien, Yann Barthès a directement posé la question qui brûlait les lèvres de beaucoup de téléspectateurs : fallait-il préciser ce lien familial ? La réponse de l’équipe a été sans appel. Non seulement ils ne le savaient pas au moment du montage, mais surtout, ce lien n’a strictement aucune incidence sur la légitimité scientifique de Cécile Alduy.
Spécialiste reconnue des discours politiques et de la rhétorique d’extrême droite, enseignante à Stanford, Cécile Alduy est une référence dans son domaine. Son frère travaille dans le cinéma, pas dans l’information. Point final. Comme l’a souligné une journaliste présente : « Heureusement qu’en 2025, on ne juge plus le travail d’une chercheuse en fonction du métier de son frère. »
Cette tentative de discréditer une experte par un lien familial lointain en dit long sur la stratégie adoptée. Plutôt que de répondre sur le fond des analyses, on attaque la messagère. Un grand classique quand les arguments manquent.
« Il nous appelle tous les jours » : la phrase qui a tout fait basculer
Mais le moment le plus marquant de l’intervention reste sans conteste cette confidence de Tristan Waleckx, lâchée presque comme une évidence : Pascal Praud appelle l’équipe de Complément d’enquête tous les jours. Parfois plusieurs fois par jour.
Ce n’est pas une exagération. Selon les témoignages recueillis, ces appels ont commencé bien avant la diffusion de l’émission. Pendant des semaines, Pascal Praud a laissé entendre qu’il accepterait peut-être une interview. Une carotte tendue aux journalistes, qui espéraient ainsi avoir la version de la chaîne. Finalement, cette interview n’a jamais eu lieu.
Et depuis la diffusion ? Les appels se sont intensifiés. Reproches, remarques sur le montage, tentatives d’explication, colères contenues… L’animateur semble obsédé par ce reportage. Comme l’a résumé Tristan Waleckx avec un sourire en coin : « Il est dans une espèce de cours de récré. »
« Il paraît très serein comme ça, mais il est un peu en panique quand on l’a au téléphone. Il nous engueule, il dit c’est n’importe quoi, on n’a rien appris… »
Tristan Waleckx, sur le plateau de Quotidien
Une sérénité de façade qui commence à se fissurer
Ce contraste entre l’image publique et la réalité privée est fascinant. À l’antenne, Pascal Praud manie l’ironie avec maestria. Il minimise, il tourne en dérision, il retourne les critiques contre ses détracteurs. Mais dès qu’il s’agit d’un échange direct, hors antenne, le masque tombe.
Ces appels quotidiens révèlent une nervosité, une fébrilité que les téléspectateurs ne soupçonnent pas. L’enquête de Complément d’enquête a visiblement touché un point sensible. Peut-être parce qu’elle met en lumière des pratiques éditoriales discutables. Peut-être parce qu’elle interroge la frontière, parfois floue, entre information et opinion sur CNews.
Quoi qu’il en soit, cette obsession téléphonique en dit long sur l’impact réel du reportage. Quand on est sûr de son fait, a-t-on besoin d’appeler tous les jours les auteurs d’un reportage pour leur dire qu’il ne vaut rien ?
L’Arcom, le couac qui a fait sourire Pascal Praud
Autre épisode savoureux de cette saga : l’intervention de l’Arcom. Quelques jours avant la diffusion, la chaîne d’information a obtenu qu’une séquence soit coupée du reportage. L’autorité de régulation audiovisuelle a en effet contesté certains chiffres avancés dans l’émission.
Pascal Praud n’a pas manqué de s’en réjouir à l’antenne. Pour lui, c’était la preuve que Complément d’enquête avait forcé le trait. Pourtant, cette mise en garde de l’Arcom ne concernait qu’une petite partie du reportage. L’essentiel du travail journalistique reste intact. Et surtout, elle n’a en rien invalidé les témoignages et les analyses présentés.
Preuve que même quand on obtient une petite victoire procédurale, le fond du problème demeure. Et c’est peut-être cela qui rend Pascal Praud si nerveux.
Un phénomène qui dépasse le simple clash médiatique
Cette affaire n’est pas qu’une querelle entre journalistes. Elle révèle quelque chose de plus profond sur le paysage médiatique français en 2025. D’un côté, une chaîne d’information qui cultive une ligne éditoriale assumée, souvent qualifiée de droite dure, voire d’extrême droite par ses détracteurs. De l’autre, le service public qui, par le biais de ses magazines d’investigation, se donne pour mission de décrypter les pratiques de ces nouvelles chaînes.
Entre les deux, une tension permanente. Les appels quotidiens de Pascal Praud sont le symptôme de cette guerre larvée que se livrent les différents pôles médiatiques. Une guerre où chacun défend son territoire, ses audiences, sa vision du journalisme.
Mais ce qui frappe, c’est la personnalisation extrême de ce conflit. Ce n’est plus seulement CNews contre France 2. C’est Pascal Praud contre Tristan Waleckx. Un duel à distance, par téléphone interposé, où chacun tente de prendre l’ascendant sur l’autre.
Ce que cela nous dit sur le journalisme aujourd’hui :
- La pression sur les rédactions n’a jamais été aussi forte
- Les chaînes d’info en continu sont sous surveillance permanente
- Les animateurs vedettes sont devenus des cibles prioritaires
- La frontière entre information et influence est plus floue que jamais
Et maintenant ? Vers une escalade ou un apaisement ?
Difficile de savoir si ces appels quotidiens vont cesser. Probablement pas. Pascal Praud a montré par le passé qu’il ne lâchait jamais facilement un sujet qui le touche. Et l’équipe de Complément d’enquête, forte du succès d’audience de son numéro sur CNews, n’a aucune raison de baisser la garde.
Ce qui est certain, c’est que cette affaire a déjà marqué les esprits. Elle a révélé les coulisses d’une guerre médiatique qui, habituellement, reste discrète. Pour la première fois, on entend parler de ces appels, de ces tentatives de pression, de ces échanges tendus qui se déroulent loin des caméras.
Et quelque part, c’est une bonne nouvelle pour le public. Savoir que derrière les discours policés et les éditos bien rodés, il y a des hommes et des femmes qui s’affrontent avec passion, parfois avec colère, parfois avec maladresse. Cela humanise le débat. Cela le rend plus vrai.
Alors la prochaine fois que vous verrez Pascal Praud sourire ironiquement à une critique, souvenez-vous qu’il a peut-être, quelques heures plus tôt, passé un coup de fil rageur à ceux qui l’ont formulée. La télévision, même en 2025, reste un formidable théâtre d’ombres et de passions.
Et quelque part, c’est précisément ce qui la rend si fascinante à regarder.









