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Rescapées de Gaza : La Vie Recommence à Athènes

À 15 ans, Raghad marche avec une béquille dans les rues d’Athènes après avoir survécu à un bombardement qui lui a broyé la jambe. Sara, 20 ans, rêve d’apprendre la guitare et d’étudier la psychologie. Toutes deux ont fui l’enfer de Gaza… mais leur nouvelle vie en Grèce est loin d’être simple. Que vont-elles devenir ?

Imaginez une adolescente de quinze ans qui, il y a moins d’un an, gisait sous les décombres d’un immeuble pulvérisé, la jambe et le dos broyés, persuadée qu’elle allait mourir. Aujourd’hui, elle marche, lentement, avec une béquille, dans les rues animées d’Athènes, le regard tourné vers un horizon qu’elle n’osait plus espérer. Cette jeune fille existe. Elle s’appelle Raghad.

Quand la Grèce devient un refuge inattendu

Fin février dernier, un petit groupe de Palestiniens originaires de Gaza posait le pied sur le sol grec. Parmi eux, dix mineurs gravement blessés, évacués pour recevoir des soins que la bande de Gaza, ravagée, ne pouvait plus leur offrir. Raghad Al-Fara et sa famille font partie de ces rares chanceux sélectionnés par les autorités helléniques.

La jeune fille, sa mère Shadia et sa petite sœur Argwan ont obtenu l’asile. Le père et trois autres enfants, dont deux majeurs, sont restés coincés à Gaza. Cette séparation forcée pèse lourd dans le cœur de chacune.

En tout, vingt-six personnes ont bénéficié de ce pont humanitaire. Un geste salué à l’époque comme un signe fort de solidarité, alors que la majorité des pays fermaient leurs portes.

Des blessures qui ne se voient pas toutes

Juillet 2024, Khan Younès. Un bombardement fait s’effondrer un immeuble entier. Raghad est ensevelie. Quand les secours la dégagent, son corps est méconnaissable. Deux mois sous respirateur artificiel. Sept mois alitée, incapable du moindre mouvement.

À son arrivée en Grèce, les médecins grecs prennent le relais. Opérations orthopédiques, séances de kinésithérapie intensive dans un hôpital pédiatrique. Peu à peu, elle réapprend à poser le pied par terre. Mais les cicatrices physiques ne sont que la partie émergée.

« Ma fille n’a toujours pas reçu de soutien psychologique. Elle a vu la mort de très près. Comment peut-on reconstruire une adolescence après ça sans aide ? »

Shadia, mère de Raghad

Des mois d’attente pour une simple ceinture de maintien lombaire. Des chaussures orthopédiques achetées sur les deniers personnels de la famille. Le sentiment, trop souvent exprimé, d’avoir été « accueillis puis abandonnés ».

Sara, vingt ans et déjà résolument tournée vers l’avenir

À quelques kilomètres du foyer où vit Raghad, Sara Al-Sweirki, vingt ans, prépare sa rentrée à l’université américaine d’Athènes. Elle a choisi la psychologie. Pas par hasard.

Elle sait ce que c’est que de porter un traumatisme invisible. Elle connaît la culpabilité du survivant. Et elle veut, un jour, aider d’autres à panser les mêmes plaies.

Ses rêves sont simples, presque banals pour une jeune femme de son âge : apprendre la guitare, le piano, sortir avec des amis, rire sans arrière-pensée. Des choses qu’on réalise pleinement quand on les a perdues.

« Je ne veux pas être juste une survivante. Je veux être une fille de vingt ans comme les autres. »

Sara Al-Sweirki

Une solidarité grecque en demi-teinte

La population grecque, historiquement proche de la cause palestinienne, reste mobilisée. Un récent sondage indique que 74 % des Grecs sont favorables à la reconnaissance d’un État palestinien.

Pourtant, dans les faits, l’élan semble s’essouffler. La communauté palestinienne d’Athènes appelle à accueillir davantage de blessés graves. En vain.

« Il n’y a plus de volonté politique », regrette Latif Darwesh, figure respectée de cette communauté. Il rappelle que dans les années 80, des centaines d’étudiants palestiniens avaient trouvé refuge et formation en Grèce. Une tradition d’hospitalité qui semble appartenir à une autre époque.

Retour impossible, avenir incertain

La trêve entrée en vigueur le 10 octobre n’a rien changé sur le fond. Les destructions sont telles que parler de reconstruction relève encore du vœu pieux.

Rentrer ? Impensable pour Shadia. « Vivre sous des tentes avec la peur permanente d’une nouvelle escalade ? Non. Mes enfants restés là-bas me supplient de les sortir de cet enfer. Je me sens tellement impuissante… »

Raghad et sa petite sœur sont désormais scolarisées en grec. Elles apprennent la langue, se font des amis, découvrent la saveur des souvlakis et les trajets en métro. Des gestes du quotidien qui prennent des allures de victoire.

Des parcours qui forcent l’admiration

Ce qui frappe, au-delà des difficultés administratives et matérielles, c’est cette force intérieure qui anime ces jeunes femmes. Raghad, malgré la douleur chronique, sourit quand elle parle de son premier pas sans béquille. Sara rayonne lorsqu’elle évoque ses futurs cours de musicologie.

Elles ne demandent pas la pitié. Elles demandent simplement ce que tout adolescent mérite : la possibilité de rêver, d’étudier, de grandir en paix.

Leur histoire n’est pas terminée. Elle ne fait que commencer, loin des ruines de Gaza, sous le ciel plus clément d’Athènes. Et quelque part, dans leurs regards, brille déjà l’espoir tenace de celles et ceux qui ont frôlé la mort et choisi, envers et contre tout, de vivre.

En résumé :

  • 10 mineurs palestiniens grièvement blessés ont été évacués vers la Grèce.
  • Raghad, 15 ans, marche à nouveau après sept mois d’immobilité totale.
  • Sara, 20 ans, intégrera une université américaine à Athènes en janvier.
  • Aucun soutien psychologique systématique n’a été mis en place.
  • 74 % des Grecs favorables à la reconnaissance d’un État palestinien.
  • Retour à Gaza jugé impossible tant que la situation reste instable.

Leur courage nous rappelle une chose essentielle : même au cœur des pires drames, l’être humain garde cette capacité incroyable à se relever, à apprendre, à espérer. Raghad et Sara en sont la preuve vivante.

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