Imaginez une ville entière qui retient son souffle, puis qui explose de joie à l’apparition d’un homme en blanc. C’est exactement ce qui se passe à Beyrouth en ce début de semaine. Des dizaines de milliers de personnes affluent vers le front de mer, les yeux brillants, le cœur battant. Elles ne viennent pas seulement assister à une messe : elles viennent chercher un peu de lumière dans cinq années de ténèbres.
Un Souffle d’Espoir dans un Pays à Bout de Souffle
Le Liban traverse depuis des années une crise sans précédent : effondrement économique, guerre avec Israël récemment terminée, explosion catastrophique du port en 2020, paralysie politique… Et pourtant, en ce mardi matin, la capitale vibre d’une énergie différente. Une énergie d’espérance.
Le pape Léon XIV, premier souverain pontife américain de l’Histoire, achève ici son tout premier voyage international. Après la Turquie, il a choisi le Liban comme seconde étape. Un choix lourd de sens pour ce petit pays multiconfessionnel qui se veut, malgré tout, un message de coexistence au monde.
Une Messe Géante Attend plus de 120 000 Fidèles
Le moment le plus attendu de la visite reste sans conteste la grande messe en plein air prévue sur le front de mer de Beyrouth. Les organisateurs annoncent plus de 120 000 inscrits. Des bus entiers convergent dès l’aube vers la corniche. Les rues du centre-ville sont fermées, des barrages filtrent les accès depuis la veille au soir.
Pour beaucoup de Libanais, c’est bien plus qu’une célébration religieuse. C’est un rassemblement national, presque une thérapie collective après tant de traumatismes.
« Cette visite nous a rendu le sourire après toutes les difficultés que nous avons traversées »
Yasmine Chidiac, fidèle venue acclamer le convoi papal
Cette phrase, prononcée à voix basse mais avec des larmes dans les yeux, résume l’état d’esprit général. Les Libanais n’ont pas l’habitude de sourire facilement ces derniers temps. Voir tant de monde réunis dans la paix et la ferveur fait un bien immense.
Recueillement sur le Lieu du Drame du 4 Août 2020
Avant la messe, le programme prévoit un moment particulièrement émouvant : le pape se rendra sur le site de l’explosion du port de Beyrouth. Le 4 août 2020, plus de 2 700 tonnes de nitrate d’ammonium stockées sans précaution explosaient, provoquant l’une des plus grandes déflagrations non nucléaires de l’Histoire.
Le bilan fut effroyable : plus de 220 morts, 6 500 blessés, des quartiers entiers rayés de la carte, 300 000 personnes sans abri en quelques secondes. Cinq ans plus tard, les cicatrices sont toujours béantes, tant dans le paysage urbain que dans les cœurs.
Léon XIV observera une prière silencieuse sur place. Il rencontrera également des proches de victimes et des survivants qui, depuis cinq ans, réclament toujours justice. Car l’enquête, malgré les preuves accablantes de négligence au plus haut niveau de l’État, reste bloquée par des interventions politiques.
Ce geste papal, simple mais fort, vaut tous les discours. Il dit aux familles : vous n’êtes pas oubliées.
Dialogue Interreligieux : Un Message Fort au Pays du Cèdre
Lundi, le pape avait déjà réuni les responsables des différentes communautés religieuses libanaises. Dans un pays où dix-huit confessions cohabitent (ou tentent de cohabiter), ce type de rencontre n’est jamais anodin.
Il les a exhortés à combattre ensemble l’intolérance et la violence. Un appel d’autant plus nécessaire que les tensions communautaires restent vives, alimentées par la crise économique et les ingérences régionales.
Le Liban, autrefois surnommé « la Suisse du Moyen-Orient », a vu son modèle de coexistence mis à rude épreuve. La visite papale agit comme un rappel : l’unité dans la diversité reste possible.
Un Bain de Foule Inoubliable avec la Jeunesse Libanaise
Autre image qui restera gravée : les 15 000 jeunes rassemblés à Bkerké, siège du patriarcat maronite. L’ambiance était électrique. Chants, drapeaux, cris de joie… On se serait cru à un concert.
Le pape n’a pas hésité à descendre de la papamobile pour un long moment. Il a béni, embrassé, pris dans ses bras. Et surtout, il a lancé un message d’une force rare aux jeunes :
« Vous avez l’enthousiasme nécessaire pour changer le cours de l’histoire ! »
Dans un pays où plus de 40 % de la population a moins de 25 ans et où beaucoup songent à émigrer, ces mots sonnent comme un défi et une promesse à la fois.
Beaucoup de jeunes présents ont confié qu’ils repartaient avec une envie renouvelée de s’engager, de construire, de ne pas baisser les bras.
Un Premier Voyage International Symbolique
Il ne faut pas oublier que ce déplacement est le tout premier à l’étranger du pape Léon XIV. Choisir successivement la Turquie et Liban n’est pas anodin.
En Turquie, il a œuvré pour l’unité des chrétiens et le dialogue avec l’orthodoxie. Au Liban, il parle à tout le monde arabe chrétien, mais aussi musulman. Il montre que l’Église catholique veut être présente là où ça fait mal, là où l’espérance vacille.
Son style direct, sa proximité avec les gens, son accent mis sur la paix et la justice sociale séduisent au-delà des cercles catholiques. Même dans les quartiers à majorité musulmane, on voit des portraits du pape accrochés aux balcons.
Et Après ? L’Espoir Va-t-il Durer ?
C’est la grande question que tout le monde se pose à Beyrouth ce matin. Les visites papales laissent toujours une empreinte, mais le quotidien reprend vite ses droits.
Pourtant, plusieurs éléments laissent penser que cette fois pourrait être différente :
- La présence massive et transconfessionnelle du public
- Le contexte de crise extrême qui rend les gens plus réceptifs aux messages d’espoir
- La personnalité de Léon XIV, perçue comme authentique et courageuse
- L’attention internationale soudainement braquée à nouveau sur le Liban
Des responsables d’ONG présentes sur place confient déjà que les dons affluent depuis 48 heures. Des jeunes parlent de créer des associations. Des prêtres disent que les confessionnaux n’ont pas désempli.
Comme si la visite avait rallumait une petite flamme que les tempêtes successives avaient failli éteindre définitivement.
Ce mardi soir, quand l’avion papal décollera de l’aéroport de Beyrouth, il emportera avec lui des milliers de milliers de prières et d’espérances. Mais il laissera derrière lui quelque chose de précieux : le souvenir qu’ensemble, même dans les moments les plus sombres, on peut encore lever les yeux et croire à demain.
Et parfois, dans l’Histoire des peuples, c’est déjà énorme.









