Imaginez une ville de 60 000 habitants transformée en champ de ruines, ses rues autrefois animées désormais silencieuses sous la neige et la fumée. C’est l’image que renvoie Pokrovsk aujourd’hui, quelques heures seulement après l’annonce officielle russe de sa prise totale.
Un double coup stratégique porté par Moscou
Lundi matin, le Kremlin a officiellement revendiqué la capture de deux localités majeures : Pokrovsk dans le Donetsk et Vovtchansk dans la région de Kharkiv. Selon les autorités russes, le chef d’état-major Valeri Guerassimov a personnellement informé Vladimir Poutine de la « libération » de ces deux villes dès dimanche soir.
Des vidéos diffusées par le ministère russe de la Défense montrent des soldats hissant le drapeau tricolore sur la place centrale de Pokrovsk, symbole fort d’une victoire longtemps attendue par Moscou.
Pourquoi Pokrovsk change la donne
Pokrovsk n’est pas une ville comme les autres. Avant 2022, elle constituait le principal carrefour logistique de l’armée ukrainienne dans tout l’est du pays.
Située à l’intersection de plusieurs axes routiers et ferroviaires majeurs, elle permettait d’alimenter l’ensemble des positions tenues par Kiev dans le Donbass. Sa perte coupe littéralement les voies de ravitaillement rapides vers Kostiantynivka, Droujkivka et même Kramatorsk plus au nord.
Pour les forces ukrainiennes, c’est une catastrophe opérationnelle. Les convois devront désormais emprunter des routes secondaires, beaucoup plus longues et exposées aux frappes russes.
« La prise de Pokrovsk offre un tremplin idéal pour poursuivre l’avancée vers l’ouest et le nord »
Analyse militaire relayée par le ministère russe de la Défense
Vovtchansk, la ville-fantôme reconquise
Plus au nord-est, Vovtchansk présente un tableau encore plus désolant. Depuis mai 2024, la ville frontalière est le théâtre de combats acharnés qui l’ont presque entièrement rasée.
Les positions y étaient figées depuis des mois. Les récentes percées russes ont permis de déloger les dernières poches de résistance ukrainiennes. Le ministre russe de la Défense, Andreï Belooussov, a qualifié cette prise de « pas important vers la victoire ».
Pour Moscou, reprendre Vovtchansk sécurise la frontière dans la région de Kharkiv et empêche toute nouvelle incursion ukrainienne comme celle de l’été 2024.
Les mois de siège qui ont précédé la chute
La bataille de Pokrovsk durait depuis l’été. Dès septembre, des unités russes s’étaient infiltrées dans les quartiers sud et est, profitant parfois de la couverture des immeubles abandonnés.
Kiev avait réagi en envoyant début novembre des renforts d’élite, dont des forces spéciales, et niait farouchement tout risque d’encerclement. Pourtant, la pression n’a cessé de monter.
Petit à petit, les défenseurs se sont retrouvés coincés dans un étau. La garnison de la ville voisine de Myrnograd se retrouve aujourd’hui directement menacée d’encerclement.
Conséquences immédiates sur le terrain :
- Ravitaillement ukrainien fortement compliqué vers Kramatorsk et Sloviansk
- Ouverture d’une large brèche pour une offensive russe vers l’ouest
- Risque réel d’encerclement des troupes restantes à Myrnograd
- Perte symbolique majeure pour Kiev qui présentait Pokrovsk comme une ligne rouge
Un timing diplomatique explosif
Cette double annonce intervient au pire moment pour l’Ukraine sur le plan diplomatique. Des discussions sont en cours avec les États-Unis sur un possible plan de paix américain.
L’un des points les plus sensibles reste justement le sort des territoires occupés. L’émissaire américain Steve Witkoff doit rencontrer Vladimir Poutine dès demain à Moscou.
La prise de Pokrovsk renforce considérablement la position russe à la table des négociations. Elle montre que Moscou peut encore imposer des faits accomplis sur le terrain, même après presque trois ans de conflit.
Que va-t-il se passer maintenant ?
Plusieurs scénarios se dessinent dans les heures et jours à venir.
Vers l’ouest, les unités russes pourraient pousser rapidement vers Pokrovsk-Myrnohrad pour consolider leur percée et menacer directement Kramatorsk, dernière grande agglomération encore sous contrôle ukrainien dans le Donetsk.
Vers le nord, l’axe Sloviansk devient également crédible, même si les défenses y sont réputées plus solides.
Du côté ukrainien, on peut s’attendre à une tentative de contre-attaque locale pour ralentir l’avancée ou à un repli organisé vers de nouvelles lignes plus à l’ouest.
Mais avec l’hiver qui s’installe et les ressources qui s’amenuisent, chaque kilomètre perdu pèse lourd.
La chute de Pokrovsk et Vovtchansk marque incontestablement un tournant. Elle illustre la capacité russe à maintenir une pression continue malgré les sanctions et l’aide occidentale à Kiev.
Elle rappelle aussi que, sur le terrain, la guerre se gagne encore mètre par mètre, ville par ville, quelle que soit l’issue des discussions diplomatiques à venir.
Le drapeau russe flotte désormais sur deux nouvelles places centrales. Et le silence qui règne dans ces rues dévastées en dit parfois plus long que tous les communiqués officiels.









