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Jafar Panahi Condamné : Un An de Prison pour Propagande

Jafar Panahi, tout juste couronné de la Palme d’or, vient d’être condamné à un an de prison en Iran pour « propagande contre l’État ». À 65 ans, le réalisateur promet qu’il ne pliera jamais. Mais que va-t-il se passer lorsqu’il rentrera ?

Imaginez un homme de 65 ans qui, après avoir gagné la plus haute distinction du cinéma mondial, apprend qu’il risque la prison dès son retour au pays. Cet homme existe. Il s’appelle Jafar Panahi et, une fois encore, il défie ouvertement le pouvoir iranien.

Une nouvelle condamnation par contumace

Alors qu’il effectuait une tournée promotionnelle aux États-Unis, le réalisateur iranien a été condamné, en son absence, à un an de prison ferme. Le motif ? Des « activités de propagande contre l’État ».

À cette peine s’ajoutent deux années d’interdiction de voyager et l’impossibilité d’adhérer à tout groupe politique ou social. Son avocat a immédiatement annoncé son intention de faire appel.

Cette décision intervient quelques mois seulement après que Panahi a pu quitter l’Iran pour la première fois en quinze ans et recevoir en personne la Palme d’or au Festival de Cannes pour son film Un simple accident.

Un film tourné dans la clandestinité

Un simple accident n’est pas un film comme les autres. Tourné en secret, il met en scène un ancien tortionnaire du régime qui se retrouve à la merci de ses anciennes victimes.

Le tournage a été interrompu par la police. Les équipes ont dû reprendre discrètement quelques semaines plus tard, dans l’urgence et la peur permanente d’une nouvelle descente.

Le film a finalement été terminé et sélectionné pour représenter la France aux Oscars – une ironie supplémentaire quand on sait que son auteur risque la prison dans son propre pays.

« J’ai 65 ans, je n’ai jamais écouté la censure, ce n’est pas maintenant que je vais commencer. »

Jafar Panahi, septembre dernier

Un parcours jalonné d’emprisonnements

Ce n’est pas la première fois que le cinéaste paie le prix de sa liberté d’expression. En 2010, il passe 86 jours en détention. En 2022-2023, près de sept mois derrière les barreaux.

À chaque fois, les autorités lui reprochent ses films qui scrutent sans concession les injustices sociales, la condition des femmes, les dérives du pouvoir.

Durant sa dernière incarcération, il entame une grève de la faim qui émeut le monde entier et finit par obtenir sa libération conditionnelle.

Des œuvres tournées malgré l’interdiction

Depuis 2010, Jafar Panahi a interdiction officielle de réaliser, d’écrire, de donner des interviews et de quitter l’Iran. Il a pourtant continué à tourner.

Ses films sont devenus des actes de résistance pure :

  • Taxi Téhéran (Ours d’or Berlin 2015) : tourné entièrement depuis l’intérieur d’un taxi
  • Le Ballon blanc : Caméra d’or à Cannes en 1995 pour son premier long-métrage
  • Le Cercle, Hors jeu, Sang et or… des œuvres qui ont fait le tour des plus grands festivals

Chaque film est un miracle technique et humain, réalisé sous la menace permanente d’une arrestation.

Un retour à Téhéran sous haute tension

Lorsqu’il a foulé le sol iranien en mai dernier après avoir reçu sa Palme d’or, beaucoup craignaient le pire. Contre toute attente, il a été accueilli chaleureusement par des admirateurs dans les rues de Téhéran.

Les médias d’État, eux, ont ignoré l’événement ou l’ont traité avec une froideur glaciale. La première Palme d’or iranienne depuis Le Goût de la cerise d’Abbas Kiarostami en 1997 n’a pas été célébrée officiellement.

Aujourd’hui, cette nouvelle condamnation relance l’angoisse : que se passera-t-il quand Jafar Panahi décidera de rentrer ?

Un cinéaste qui refuse l’exil

Contrairement à certains de ses confrères – comme Mohammad Rasoulof qui vit aujourd’hui en Europe après une condamnation similaire –, Panahi a toujours refusé l’exil définitif.

« Je reste ici pour filmer la réalité de mon pays », répète-t-il inlassablement. Même quand cette réalité le rattrape sous forme de mandat d’arrêt.

Fils d’artisan, né en 1960 dans un quartier populaire de Téhéran, il porte en lui une colère sourde et une tendresse infinie pour les oubliés du régime.

La communauté internationale silencieuse ou impuissante ?

Le Festival de Cannes a toujours soutenu Panahi, lui offrant une tribune dès ses débuts. Berlin, Venise, Locarno : les grands festivals continuent de projeter ses films et de lui remettre des prix.

Mais ces distinctions suffiront-elles à le protéger s’il remet les pieds en Iran ? Rien n’est moins sûr.

Chaque nouvelle récompense semble au contraire attiser la colère des autorités, comme si la reconnaissance internationale était vécue comme une provocation supplémentaire.

Et maintenant ?

À l’heure où ces lignes sont écrites, Jafar Panahi se trouve toujours à l’étranger. Son avocat prépare l’appel. Ses amis oscillent entre espoir et inquiétude.

Une chose est certaine : à 65 ans, le réalisateur n’a aucune intention de baisser les armes. « Ce n’est pas maintenant que je vais commencer à écouter la censure », avait-il lancé il y a quelques mois.

Dans les salles obscures du monde entier, ses films continuent de circuler. Dans les couloirs du pouvoir iranien, on prépare peut-être déjà la cellule qui l’attend.

Entre ces deux mondes, Jafar Panahi marche sur un fil. Et il refuse de regarder en bas.

Le cinéma de Jafar Panahi n’est pas seulement une œuvre d’art. C’est un acte de résistance quotidienne, filmé caméra au poing, au péril de sa liberté.

Son histoire nous rappelle que certains créateurs sont prêts à tout perdre plutôt que de renoncer à dire la vérité. Même quand cette vérité dérange. Même quand elle coûte un an de prison.

Et quelque part, c’est peut-être cela, le vrai prix du cinéma.

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