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Slovénie : Le Droit aux Espèces Gravé dans la Constitution

Et si demain votre compte en banque était bloqué parce que vous refusez la monnaie numérique de l’État ? La Slovénie vient de graver dans sa Constitution le droit inaliénable de payer en billets et pièces. Un vote à plus de 67 % qui fait trembler Bruxelles et les partisans du tout-digital. Mais pourquoi maintenant, et jusqu’où cela peut-il aller ?

Imaginez un monde où l’on vous refuse un pain au chocolat parce que vous n’avez pas votre téléphone chargé. Un monde où chaque café, chaque ticket de bus laisse une trace indélébile de vos habitudes. Ce cauchemar, certains le voient déjà pointer à l’horizon avec l’arrivée des monnaies numériques de banque centrale. Et lundi dernier, la Slovénie a dit stop.

Un amendement historique voté à une écrasante majorité

Le parlement slovène a adopté, avec 61 voix sur 90, un amendement constitutionnel qui élève le paiement en espèces au rang de droit fondamental. Désormais, aucun commerçant, aucune administration, aucun service ne pourra refuser légalement vos billets et vos pièces sur le sol slovène.

Ce n’est pas une simple loi ordinaire que l’on peut défaire au prochain changement de majorité. C’est la Constitution elle-même, le texte le plus sacré de la République, qui protège désormais l’argent liquide. Un signal fort envoyé à l’Europe entière.

Comment en est-on arrivé là ?

Tout a commencé en 2023. Une association citoyenne baptisée « Nous Sommes Connectés » lance une pétition. Objectif : recueillir 40 000 signatures pour forcer le parlement à examiner la question. Résultat ? Plus de 56 000 Slovènes apposent leur nom. Un raz-de-marée.

Pour ces citoyens, l’enjeu dépasse la simple commodité. Ils y voient une question de survie de la liberté individuelle. « L’introduction de la monnaie numérique programmable et l’abolition des espèces signifieraient la fin de la liberté pour les gens », expliquent-ils sans détour.

« Cela ouvrirait également la voie à un contrôle et une surveillance totale des personnes. »

Groupe Nous Sommes Connectés

La Banque centrale européenne… plutôt d’accord ?

Chose rare : la BCE, souvent accusée de vouloir tuer l’argent liquide, a rendu un avis favorable en septembre. Elle « accueille favorablement l’objectif principal de renforcer la disponibilité et l’acceptation des espèces ».

Elle rappelle que le cash reste crucial pour les personnes âgées, les zones rurales, les non-bancarisées ou tout simplement ceux qui préfèrent garder une part d’anonymat dans leurs achats quotidiens. Même à Francfort, on reconnaît que forcer tout le monde dans le numérique serait une erreur.

Et les chiffres parlent : en 2024, 62 % des Européens de la zone euro estiment important ou très important de pouvoir encore payer en liquide, contre 60 % deux ans plus tôt. La tendance s’inverse.

La Slovénie n’est pas seule

Avant elle, la Hongrie et la Slovaquie avaient déjà franchi le pas. Deux pays d’Europe centrale qui, comme la Slovénie, ont connu le totalitarisme au XXe siècle et savent ce que signifie un État qui contrôle absolument l’argent de ses citoyens.

Cette « coalition du cash » commence à peser dans le débat européen. Et la question n’est plus de savoir si d’autres pays suivront, mais quand.

Pourquoi protéger l’argent liquide est devenu urgent

Derrière les belles promesses de modernité, la monnaie numérique de banque centrale (CBDC) fait peur. Programmable, traçable à 100 %, elle pourrait permettre à un gouvernement ou à une banque centrale de :

  • Bloquer votre argent en cas de désaccord politique
  • Limiter vos achats (alcool, essence, billets d’avion…)
  • Appliquer des taux d’intérêt négatifs directement sur votre portefeuille
  • Vous géolocaliser à chaque dépense

L’espèce, elle, reste anonyme, universelle et ne dépend ni d’une batterie, ni d’une connexion internet, ni de l’accord d’une banque. En temps de crise, de panne ou de censure, elle redevient reine.

Et la France dans tout ça ?

Chez nous, on accepte de moins en moins les billets. Certains commerces affichent déjà « carte uniquement ». Les plafonds de paiement en espèces sont parmi les plus bas d’Europe (1 000 €). Et pourtant, 69 % des Français déclarent encore utiliser du liquide chaque semaine.

La décision slovène pourrait inspirer des initiatives citoyennes similaires. Car si un petit pays de deux millions d’habitants peut faire plier le rouleau compresseur du tout-numérique, pourquoi pas nous ?

Un précédent qui peut faire école

Ce qui se passe en Slovénie n’est pas anodin. C’est la première fois qu’un pays de la zone euro élève le paiement en espèces au niveau constitutionnel. Un verrou juridique presque impossible à faire sauter sans nouveau vote massif.

Pour les défenseurs de la liberté, c’est une victoire éclatante. Pour les architectes du futur 100 % numérique, c’est un sérieux grain de sable dans une machine qui semblait inarrêtable.

Une chose est sûre : le débat sur l’avenir de l’argent ne fait que commencer. Et cette fois, les citoyens ont montré qu’ils étaient prêts à se battre pour garder le choix.

Parce qu’entre la commodité et la liberté, il y a parfois un prix à payer. Et la Slovénie vient de nous rappeler que certains sont prêts à le payer.

Le droit de payer en billets et pièces n’est pas un caprice de nostalgique.
C’est le dernier rempart contre la surveillance totale.

La suite ? Elle s’écrira peut-être chez nous. Dans les urnes, dans les pétitions, ou pourquoi pas un jour… dans notre propre Constitution.

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