Imaginez la scène : il est à peine 19 heures, la circulation est dense sur les bretelles de l’A50 à Marseille. Soudain, un vrombissement étrange déchire le bruit habituel des moteurs. Un vélo électrique, mais pas n’importe lequel, file à plus de 90 km/h… à contresens. Les automobilistes klaxonnent, freinent en catastrophe. Et derrière lui, deux motos de la police municipale lancées à pleine vitesse.
Cette séquence digne d’un film d’action s’est déroulée il y a quelques jours dans la cité phocéenne et illustre, une fois de plus, jusqu’où peuvent aller certains individus pour échapper aux forces de l’ordre.
Un rodéo urbain qui vire au cauchemar sur autoroute
Tout commence dans une zone commerciale des quartiers est de Marseille. Des agents de la police municipale remarquent un jeune homme qui effectue des figures acrobatiques avec un vélo électrique manifestement bricolé. L’engin est équipé d’un moteur largement dépassé les limites légales : là où la réglementation bride les vélos à assistance électrique à 25 km/h, celui-ci dépasse allègrement les 90 km/h.
Lorsque les policiers décident de procéder à un contrôle, le pilote refuse d’obtempérer. Au lieu de s’arrêter, il accélère brutalement et prend la fuite à travers les rues, slalomant entre les voitures, grimpant sur les trottoirs, descendant des escaliers. Une véritable démonstration de pilotage… illégal.
Mais le plus fou reste à venir.
90 km/h à contresens sur la bretelle d’accès à l’A50
Pour semer ses poursuivants, le fuyard n’hésite pas à s’engager sur la bretelle d’autoroute… dans le mauvais sens. À plus de 90 km/h. Face à lui, des dizaines de véhicules qui arrivent à pleine vitesse. Les appels de phares, les coups de klaxon, les freinages d’urgence se multiplient. Par miracle, aucun accident grave n’est à déplorer.
Les motards de la police municipale, rompus à ce type de poursuites, parviennent malgré tout à le rattraper après plusieurs minutes de course-poursuite hallucinante. Le jeune homme est enfin neutralisé et interpellé.
« Personne ne m’avait jamais attrapé avant », aurait-il lancé aux policiers, presque fier de sa performance.
Un livreur pas comme les autres
Très vite, les raisons de cette fuite désespérée apparaissent. Lors de la fouille, les agents découvrent dans le sac du jeune homme une cinquantaine de grammes de résine de cannabis et plusieurs doses de cocaïne soigneusement conditionnées. Il effectuait en réalité une tournée de livraison… mais pas seulement des repas.
Le test salivaire s’avère positif au cannabis. Le vélo, lui, est saisi immédiatement : outre sa puissance illégale, il représente une arme par destination dans de telles conditions d’utilisation.
Le suspect, un ressortissant marocain âgé de 22 ans, explique être venu à Marseille dans l’espoir de proposer des clips vidéo au rappeur Jul. Une justification qui laisse les policiers quelque peu dubitatifs face à la quantité de stupéfiants retrouvée.
Des délits en cascade
L’addition est lourde :
- Refus d’obtempérer
- Mise en danger délibérée de la vie d’autrui
- Conduite d’un véhicule non homologué à vitesse excessive
- Rodéo urbain
- Conduite sous l’emprise de stupéfiants
- Détention et transport de produits stupéfiants en vue de la revente
Autant de chefs d’inculpation qui risquent de valoir au jeune homme une comparution immédiate et une peine de prison ferme.
Le phénomène des vélos électriques trafiqués
Cet événement n’est malheureusement pas isolé. Depuis plusieurs mois, les forces de l’ordre constatent une explosion de l’utilisation de vélos électriques débridés dans les grandes villes françaises, et particulièrement à Marseille.
Ces engins, initialement conçus pour une assistance douce au pédalage, sont modifiés par des ateliers clandestins ou via des kits vendus sur internet. Le moteur est remplacé ou boosté, la limitation électronique supprimée, parfois même des batteries supplémentaires ajoutées. Résultat : des machines capables d’atteindre 70, 80, voire plus de 100 km/h.
Pour les livreurs, c’est un gain de temps considérable. Pour les trafiquants, c’est l’outil idéal : silencieux, agile dans les ruelles, difficile à poursuivre pour les véhicules classiques, et surtout, le conducteur n’a pas besoin de permis de conduire.
Un danger public sous-estimé
Ce qui pouvait apparaître comme une simple incivilité il y a encore deux ans est devenu un véritable fléau. Les accidents impliquant ces bolides électriques se multiplient : piétons percutés sur les trottoirs, collisions avec des voitures, chutes à haute vitesse.
À Marseille plus qu’ailleurs, la topographie vallonnée et le trafic dense amplifient les risques. Un vélo lancé à 80 km/h dans une descente des quartiers nord peut devenir totalement incontrôlable.
Les pouvoirs publics commencent seulement à prendre la mesure du problème. Certaines municipalités envisagent des opérations de contrôle spécifiques, avec verbalisations systématiques et saisies des engins non conformes.
Quand la petite délinquance devient grand banditisme
Ce fait divers illustre parfaitement le glissement qui s’opère chez certains jeunes. Ce qui commence par des livraisons alimentaires pour arrondir les fins de mois dérive rapidement vers le transport de stupéfiants. Le même sac isotherme qui contenait des burgers quelques minutes plus tôt peut transporter plusieurs milliers d’euros de drogue.
Le profil du mis en cause est révélateur : 22 ans, sans permis, déjà connu des services de police pour des faits similaires, il représente cette génération qui voit dans le trafic un ascenseur social plus rapide que l’école ou le travail légal.
Sa remarque presque admirative envers les policiers – « personne ne m’avait jamais eu » – en dit long sur le sentiment d’impunité qui règne dans certains milieux.
Une réponse policière adaptée
Face à ce nouveau type de délinquance ultra-mobile, les forces de l’ordre ont dû s’adapter. Les unités motocyclistes de la police municipale et nationale se sont multipliées à Marseille. Leur agilité leur permet de suivre ces fuyards là où les voitures traditionnelles échouent.
Des opérations coup-de-poing sont régulièrement menées dans les zones sensibles, avec contrôle des sacs de livraison et saisie des engins non conformes. Mais le phénomène reste difficile à endiguer tant la demande existe.
Cet incident sur l’A50 montre cependant que la détermination paie : malgré la dangerosité extrême de la poursuite, les policiers n’ont pas lâché, sauvant potentiellement des vies en empêchant ce bolide de continuer sa route folle.
Vers une réglementation plus stricte ?
Plusieurs voix s’élèvent pour demander une évolution législative. Parmi les pistes envisagées :
- L’obligation d’immatriculation pour tous les vélos électriques dépassant 45 km/h
- La création d’un permis spécifique
- Des sanctions beaucoup plus lourdes pour le débridage
- La responsabilité pénale des plateformes de livraison en cas de récidive de leurs coursiers
En attendant, chaque semaine apporte son lot de vidéos impressionnantes sur les réseaux sociaux : wheelings sur les boulevards, slaloms entre les bus, fuites spectaculaires. Derrière l’aspect « spectaculaire », c’est bien la sécurité de tous qui est en jeu.
Cette affaire marseillaise, par son ampleur et son dénouement, pourrait bien marquer un tournant. Quand le rodéo urbain se transforme en mise en danger massive sur autoroute, la tolérance zéro devient inévitable.
Le jeune homme, lui, a enfin été rattrapé. Pour la première fois.









