Imaginez-vous assis sur un plateau télé, face à une journaliste posée et bienveillante, et soudain, une phrase fuse comme une balle : « Mais va te faire foutre ! ». C’est exactement ce qui s’est passé dimanche soir dans Sept à Huit. Corinne Masiero, l’intraitable capitaine Marleau, n’a pas mâché ses mots. Et derrière cette explosion, il y a bien plus qu’une simple colère passagère : une vie entière de blessures jamais refermées.
Une phrase qui a fait trembler le plateau
Ce n’est pas la première fois que Corinne Masiero fait parler d’elle par son franc-parler. Mais cette fois, le ton est monté d’un cran. Invitée pour parler de son livre et de son parcours, l’actrice s’est retrouvée à revivre des souvenirs douloureux. Et quand Audrey Crespo-Mara a évoqué le regard condescendant porté sur l’accent du Midi, quelque chose a lâché.
« Oh c’est mignon, ce petit accent… » Cette phrase, que beaucoup prononcent avec un sourire paternaliste, a agi comme un détonateur. Corinne Masiero a répondu cash : elle n’a pas envie qu’on trouve son accent « mignon ». Elle veut qu’on le respecte. Point final.
L’accent, symbole d’un mépris de classe jamais éteint
Derrière cette colère, il y a une histoire ancienne. L’actrice raconte son arrivée au collège, venue d’un milieu populaire du Nord, parlant le patois comme tout le monde chez elle. Et là, le choc. On lui a fait comprendre que sa façon de parler était « sale ». Que c’était une honte.
« On m’a dit : non, non, ici on ne parle pas comme ça. C’est sale de parler comme ça. » Ces mots, elle les a pris en pleine figure. Et ils sont restés. Des décennies plus tard, ils brûlent encore.
« On est de la merde, quoi. Et ça, quand tu le prends dans les saumas, ça fait mal. Et ça reste pour longtemps. »
Corinne Masiero, Sept à Huit – 30 novembre 2025
Cette phrase résume tout. Ce sentiment d’être considérée comme inférieure dès l’enfance. Pas parce qu’elle était moins intelligente. Non. Juste parce qu’elle venait d’en bas. Parce qu’elle parlait différemment. Parce que son monde n’était pas celui des « bien-nés ».
La lutte des classes vue par une enfant
Dans son livre, Corinne Masiero écrit : « Dans mon heure à moi, la majorité des prolos a voté rouge, rouge coco ». À l’époque, elle n’avait pas dix ans. Mais elle avait déjà tout compris. Pour elle, c’était simple : il y avait les gentils et les méchants.
Les gentils ? Les pauvres. Ceux qui triment. Ceux qui n’ont pas le choix. Les méchants ? Ceux qui ont l’argent. Les patrons. Ceux qui décident. Ceux qui écrasent sans même s’en rendre compte parfois.
Être « rouge », c’était refuser cette oppression. C’était dire non à ceux qui vous regardent de haut parce que vous n’avez pas les bons codes, le bon accent, la bonne adresse.
Un accent qui cristallise encore les préjugés
Aujourd’hui encore, l’accent méridional – ou du Nord, ou de banlieue – déclenche des réactions. Certains sourient avec indulgence. D’autres grimacent. Beaucoup jugent. Sans même s’en rendre compte, ils renvoient l’autre à sa condition supposée.
Corinne Masiero refuse ce paternalisme déguisé en gentillesse. Elle refuse qu’on trouve son accent « charmant » comme on trouve un chiot attendrissant. Elle veut qu’on l’écoute. Qu’on la prenne au sérieux. Qu’on arrête de la réduire à un folklore.
Et quand elle dit « va te faire foutre » à ceux qui sourient bêtement en entendant un accent, elle ne s’adresse pas seulement à une personne. Elle parle à toute une société qui continue, consciemment ou non, de classer les gens selon leur façon de parler.
Une actrice qui refuse de rentrer dans le moule
Corinne Masiero n’a jamais cherché à plaire à tout prix. Aux César, elle s’est présentée seins nus avec un message politique peint sur le corps. Sur les plateaux, elle dit ce qu’elle pense. Même quand ça dérange. Surtout quand ça dérange.
Cette liberté, elle l’a payée cher. Elle a grandi dans la précarité, a connu la rue, les foyers, la galère. Elle n’a pas fait d’école de théâtre prestigieuse. Elle s’est battue pour exister. Et aujourd’hui, elle refuse qu’on lui demande de se taire ou de parler « correctement ».
Son accent, c’est son histoire. Sa colère, c’est sa vérité. Et elle n’a pas l’intention de les ranger dans un placard pour faire plaisir aux bien-pensants.
Pourquoi cette séquence nous touche autant
Parce qu’elle parle à beaucoup de monde. Combien de Français ont déjà senti ce petit rictus quand ils ouvraient la bouche ? Combien ont modifié leur façon de parler pour « faire sérieux » en entretien d’embauche ? Combien ont eu honte de leurs parents devant des amis « de bonne famille » ?
Corinne Masiero met des mots sur une violence sournoise, quotidienne, que beaucoup subissent sans oser le dire. Elle brise le silence. Et elle le fait avec une force rare.
En quelques minutes, elle a rappelé que la lutte des classes n’est pas un concept poussiéreux des années 70. Elle est là, vivante, dans un regard, une remarque, un sourire en coin.
Un moment de télévision rare
On voit rarement une telle intensité à la télévision française. Pas de filtre. Pas de langue de bois. Juste une femme qui dit stop. Qui refuse d’être réduite à une caricature sympathique du « peuple ».
Audrey Crespo-Mara, visiblement touchée, n’a pas cherché à couper ou à recentrer. Elle a laissé parler. Et c’est tout à son honneur. Ce moment appartient désormais à l’histoire télévisuelle récente.
Corinne Masiero n’a pas pleuré. Elle n’a pas non plus souri pour détendre l’atmosphère. Elle est restée droite dans ses bottes. Comme toujours.
Et quelque part, en disant « va te faire foutre » à des années de mépris accumulé, elle a libéré quelque chose. Pas seulement pour elle. Pour tous ceux qui ont un jour senti qu’on les regardait de haut à cause de leur accent, de leur nom, de leur adresse.
Merci Corinne. Vraiment.









