Imaginez une entreprise qui domine plus de 75 % du marché crypto onshore d’une des places financières les plus strictes au monde… et qui, en même temps, affiche des centaines de millions de dollars de pertes. C’est exactement la situation de HashKey aujourd’hui. Pourtant, la Bourse de Hong Kong vient de donner son feu vert pour son introduction en bourse. Une opération qui pourrait lever jusqu’à 500 millions de dollars. Comment est-ce possible ?
HashKey franchit l’étape décisive de l’audition HKEX
Le 1er décembre 2025, HashKey Holdings a officiellement annoncé avoir passé avec succès l’audition de cotation (listing hearing) auprès de la Hong Kong Exchanges and Clearing (HKEX). Cette étape, souvent considérée comme le plus gros obstacle réglementaire avant une IPO à Hong Kong, ouvre désormais la voie à une levée de fonds massive.
Les banques sponsorisant l’opération ne sont pas n’importe qui : JPMorgan Chase, Guotai Haitong Securities et Guotai Junan International. Un trio qui témoigne de la crédibilité du projet aux yeux des investisseurs institutionnels traditionnels.
Un leader régional incontesté
HashKey opère actuellement la plus grande plateforme d’échange d’actifs numériques licenciée à Hong Kong. Elle détient les précieuses licences Type 1 (courtage en valeurs mobilières) et Type 7 (fourniture de services de trading automatisé) délivrées par la Securities and Futures Commission (SFC).
Ces autorisations lui permettent de proposer des services à la fois aux investisseurs institutionnels et au grand public – une rareté en Asie. Sur les 11 plateformes licenciées pour le retail à Hong Kong, HashKey capte l’écrasante majorité du volume onshore.
« Nous avons capturé plus de trois quarts du volume de trading d’actifs numériques onshore en 2024 et gérons près de 20 milliards HKD d’actifs clients. »
> – Extrait du dossier d’introduction
Des pertes qui interpellent… mais qui s’expliquent
Le tableau financier peut surprendre : au premier semestre 2025, HashKey a enregistré une perte nette de 506 millions HKD (environ 65 millions USD), en amélioration toutefois par rapport aux 777 millions HKD de perte l’année précédente.
Cette situation n’est pas isolée dans l’industrie. La volatilité extrême du marché crypto, combinée aux lourds investissements en conformité et en infrastructure, pèse sur la rentabilité de nombreux acteurs, même les plus solides.
HashKey elle-même le reconnaît dans son dossier : « Nos résultats opérationnels ont fluctué et continueront de fluctuer en raison de la nature hautement volatile du marché des actifs numériques. »
À quoi servira l’argent levé ?
Le prospectus est clair sur les priorités :
- Renforcement des infrastructures technologiques et de sécurité
- Développement de nouveaux produits (notamment autour de la tokenisation d’actifs réels)
- Expansion géographique (Dubaï, Bermudes, Irlande déjà en cours)
- Amélioration des cadres de gestion des risques
- Recrutement de talents de haut niveau
Un point particulièrement intéressant : HashKey a récemment lancé un fonds perpétuel de 500 millions de dollars dédié aux trésoreries de projets blockchain institutionnels. L’idée ? Investir directement dans les écosystèmes (notamment Ethereum) pour favoriser l’adoption à long terme.
Hong Kong, le pari gagnant de l’Asie réglementée
Pendant que la Chine continentale maintient son interdiction totale, Hong Kong a choisi la voie opposée : devenir un hub réglementé pour les actifs numériques. Le régime de licences lancé en 2023 porte ses fruits.
La ville attire désormais les plus gros acteurs : OSK, OSL, HashKey, mais aussi des banques traditionnelles comme Standard Chartered ou ZA Bank qui lancent des services crypto. Cette stratégie de « sandbox réglementaire » commence à payer.
Et les chiffres parlent : près de 2,56 milliards USD d’actifs numériques custody uniquement pour HashKey. C’est énorme pour une juridiction de 7,5 millions d’habitants.
Pourquoi cette IPO suscite autant d’intérêt ?
Plusieurs éléments convergent :
- Scarcité : très peu d’exchanges crypto asiatiques sont cotés en bourse avec un cadre réglementaire aussi solide.
- Pont entre TradFi et DeFi : HashKey propose déjà de la tokenisation d’actifs réels et des services institutionnels.
- Timing : le marché crypto est en phase de reprise après le bear market 2022-2023.
- Signal politique fort : une IPO réussie validerait définitivement la stratégie pro-crypto de Hong Kong.
Certains analystes estiment même que HashKey pourrait devenir le « Coinbase asiatique » – mais avec une régulation bien plus stricte et une exposition directe à la finance traditionnelle chinoise.
Les risques à ne pas ignorer
Tout n’est pas rose. Les investisseurs potentiels devront garder en tête :
La dépendance au marché hongkongais (et donc à la politique chinoise), la concurrence croissante (notamment coréenne avec Upbit), les plateformes américaines qui lorgnent l’Asie), et surtout la capacité à transformer les volumes en rentabilité durable.
Car pour l’instant, malgré des frais parmi les plus élevés du marché (justifiés par la conformité), HashKey reste structurellement déficitaire.
Et ensuite ?
La prochaine étape sera la publication du prospectus final et le lancement de la période de souscription. Si tout se passe bien, les actions HashKey pourraient faire leurs débuts sur le Main Board de la HKEX dès le premier trimestre 2026.
Ce sera alors un test grandeur nature : les investisseurs traditionnels sont-ils prêts à parier massivement sur une entreprise crypto régulée en Asie ?
Une chose est sûre : cette IPO, si elle réussit, pourrait déclencher une vague de cotations similaires dans la région. Singapour, Dubaï et même le Japon regardent attentivement.
HashKey ne se contente pas de vouloir entrer en bourse. Elle veut redéfinir ce que signifie être un exchange crypto dans un monde où la frontière entre finance traditionnelle et finance décentralisée s’efface peu à peu. Et ça, ça mérite qu’on s’y intéresse de très près.









