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Crise Migratoire : Les Vénézuéliens Fuient le Chili

Sous 40°C, des familles vénézuéliennes dorment à même le sol à la frontière Chili-Pérou. Le Pérou refuse l’entrée, le Chili menace d’expulser 330 000 sans-papiers si Kast gagne. Dimanche soir, la majorité a rebroussé chemin, épuisée. Mais d’autres préparent déjà une traversée clandestine par la montagne…

Imaginez marcher dix kilomètres sous un soleil de plomb avec vos enfants, un seul repas par jour dans l’estomac, pour arriver devant une ligne tracée dans le sable que personne ne veut vous laisser franchir.

Cette scène, digne d’un film catastrophe, s’est déroulée il y a quelques jours à la frontière entre le Chili et le Pérou. Des centaines de migrants, majoritairement vénézuéliens et en situation irrégulière, ont tenté de quitter le Chili par peur d’une vague d’expulsions promises par le candidat d’extrême droite José Antonio Kast.

Une frontière soudainement fermée

Tout a basculé en quelques heures. Vendredi soir, le gouvernement péruvien déclare l’état d’urgence à sa frontière nord et envoie l’armée. Objectif : bloquer toute entrée massive de migrants venant du Chili.

De l’autre côté de la ligne, des familles entières se retrouvent coincées dans le désert d’Atacama, l’un des endroits les plus arides du monde. Pas d’ombre, très peu d’eau, et une seule certitude : le Pérou ne les laissera pas passer.

Dimanche soir, il ne restait plus qu’une poignée de personnes côté chilien. Les autres, épuisées, ont fait demi-tour vers Arica, la grande ville la plus proche, située à une dizaine de kilomètres.

Pourquoi cette fuite soudaine ?

La réponse tient en un nom : José Antonio Kast. Le candidat ultraconservateur, favori des sondages pour l’élection présidentielle chilienne du 19 décembre 2025 (second tour), a promis d’expulser plus de 330 000 personnes en situation irrégulière dès son arrivée au pouvoir.

Pour des milliers de Vénézuéliens arrivés ces dernières années sans visa, cette promesse sonne comme une sentence. Beaucoup préfèrent tenter l’exode maintenant plutôt que d’attendre une expulsion forcée.

« Si je suis élu, nous allons récupérer notre pays. Les clandestins devront partir, point final. »

José Antonio Kast, meeting à Santiago

Des conditions de vie dramatiques à la frontière

Les témoignages recueillis sur place sont glaçants. Une infirmière vénézuélienne de 56 ans, Milbayajaira Rivas, raconte n’avoir mangé qu’une fois par jour depuis son arrivée à la frontière.

D’autres dorment à même le sol, sans couverture, avec des températures qui plongent la nuit. Les enfants pleurent de soif. Certains parents masquent leur visage pour ne pas être reconnus s’ils décident finalement de rentrer illégalement au Chili.

Milbayajaira a lancé un appel poignant à ses compatriotes :

« N’essayez pas de passer comme ça. Régularisez-vous ou restez où vous êtes. Ce calvaire ne vaut pas le coup. »

330 000 sans-papiers : d’où vient ce chiffre ?

Le nombre n’est pas sorti d’un chapeau. Selon le Service national des migrations chilien, le nombre de personnes en situation irrégulière est passé de 10 000 en 2018 à environ 330 000 en 2024.

La très grande majorité sont des Vénézuéliens ayant fui la crise économique et politique de leur pays. Beaucoup sont entrés légalement avec un visa touristique, puis sont restés après son expiration.

Au Chili, ces personnes ont accès aux écoles publiques et aux soins de santé, ce qui explique en partie l’attractivité du pays ces dernières années. Mais une partie de l’opinion publique établit un lien direct entre immigration clandestine et augmentation de la délinquance – un argument massivement repris par José Antonio Kast.

Les chemins de la clandestinité

Face au blocage péruvien, certains migrants n’abandonnent pas. Plusieurs ont confié leur intention de contourner l’obstacle en descendant 400 kilomètres plus au sud, vers le petit village andin de Colchane, à la frontière avec la Bolivie.

Cette route, déjà très utilisée par les passeurs, est extrêmement dangereuse : altitude élevée, froid glacial la nuit, et présence de trafiquants en tout genre. Mais pour certains, c’est le seul espoir de continuer vers le nord.

D’autres, au contraire, envisagent de se rendre aux autorités chiliennes pour demander une aide au retour volontaire vers le Venezuela. Un couple de quadragénaires a ainsi expliqué vouloir « rentrer dignement » plutôt que de vivre dans la peur permanente.

La réponse officielle chilienne : « Pas de crise »

Du côté du gouvernement actuel, on minimise. Le sous-secrétaire à l’Intérieur, Víctor Ramos, a déclaré que chaque demande serait étudiée « au cas par cas » et qu’il était « inutile de parler de crise ».

Pourtant, les images de familles bloquées dans le désert et les témoignages de détresse humaine contredisent cette version officielle. La situation reste explosive à quelques semaines d’une élection qui pourrait tout changer.

Ce qui se joue à cette frontière n’est pas qu’une question de chiffres ou de politique migratoire. C’est avant tout le destin de centaines de milliers de personnes qui, chassées par la misère chez elles, se retrouvent prises en étau entre des discours sécuritaires et des réalités humanitaires dramatiques.

Et pendant que les candidats promettent des expulsions massives, ce sont des enfants qui dorment dans le sable, des mères qui rationnent l’eau, et des pères qui doivent choisir entre la peur de demain et le danger d’aujourd’hui.

La frontière Chili-Pérou, ces derniers jours, est devenue le miroir cruel d’une Amérique latine toujours plus divisée sur la question migratoire.

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