Il y a des moments télé qui marquent une carrière. Et puis il y a ceux qui marquent toute une génération de téléspectateurs. Dimanche 30 novembre, le canapé rouge de Vivement dimanche a vécu l’un de ces instants où l’on se demande si on rêve ou si la télévision publique vient vraiment de basculer dans une autre dimension.
Quand Lio et Corinne Masiero transforment France 2 en terrain libertin
Tout avait pourtant commencé dans la douceur. Lio était invitée pour présenter son nouvel album, Geoid Party in the Sky, un projet né dans la douleur après la disparition de son fils Diego à seulement 21 ans. L’émotion était palpable, les mots justes, l’ambiance presque recueillie.
Puis Corinne Masiero a débarqué. Sans prévenir. Comme un coup de tonnerre dans un ciel d’été. L’actrice de Capitaine Marleau, connue pour ne jamais avoir sa langue dans sa poche, a littéralement pris possession du plateau avec son énergie communicative et son franc-parler légendaire.
La phrase qui a fait basculer l’émission
Michel Drucker, toujours maître de son art, tente une transition toute en finesse : « Vous avez beaucoup de choses en commun, quand même… ».
« Ben déjà, on a un clitoris », répond Lio, le plus naturellement du monde.
Silence. Très court, mais silence quand même. Corinne Masiero, avec son sens du timing parfait, embraye immédiatement :
« On a de beaux clitoris toutes les deux ».
À cet instant précis, on aurait pu entendre une mouche voler dans le studio. Michel Drucker, 82 ans de métier, habitué à tout, reste figé, un sourire crispé aux lèvres. Le public rit nerveusement. L’animateur tente une récupération désespérée : « Je salue le public de France 3, qui est très sensible à tout ce qu’on se dit… »
Mais les deux femmes sont lancées. Impossible de les arrêter.
Un échange qui dépasse toutes les limites de la télévision dominicale
Lio, hilare, continue sur sa lancée : « Moi je salue comme la reine ». Corinne Masiero réplique sans une seconde d’hésitation : « Et moi je salue dans l’arène ! » Le sous-texte est clair, l’humour est cru, la référence anatomique assumée jusqu’au bout.
Ce qui rend la séquence encore plus savoureuse, c’est le contraste absolu entre ces deux tornades et le décor feutré de l’émission. Le canapé rouge, symbole de la télévision familiale française depuis des décennies, vient de vivre son baptême du feu version 2025.
Et pourtant, derrière l’humour potache, il y a quelque chose de profondément libérateur. Deux femmes de générations différentes, deux parcours cabossés, deux voix qui ont toujours refusé de se taire, se retrouvent pour célébrer leur corps et leur liberté avec une désinvolture.
Lio, une artiste en reconstruction
Derrière la provocation, Lio porte un drame récent. Son fils Diego nous a quittés en mars dernier. L’album Geoid Party in the Sky est né de cette douleur, mais aussi d’une envie farouche de vivre, de créer, de célébrer l’existence malgré tout.
Le premier titre, L’amour de ma vie, lui est dédié. « C’était sa chanson préférée », confiait-elle récemment sur les réseaux. La pochette de l’album rend d’ailleurs hommage à ce jeune homme parti trop tôt.
Louane, Hoshi et Jennifer Ayache ont participé au projet. Un casting féminin, engagé, qui dit beaucoup de la sororité que Lio veut transmettre aujourd’hui.
Corinne Masiero, la grande sœur admirative
Corinne Masiero n’est pas venue seulement pour faire rire. Elle est venue rendre hommage. Avec ses mots à elle, bruts, sincères, touchants.
« C’est une bagarreuse, une militante. Une meuf qui sait ouvrir sa gueule. Je me souviens de plateaux où tout le monde était contre elle et elle ne lâchait rien. Ça, c’étaient des leçons qu’on prenait tous dans la poire grâce à toi ».
Ces mots, prononcés avec émotion, résument quarante ans de combat de Lio. Contre les violences conjugales dont elle a été victime jeune, contre le sexisme de l’industrie musicale, contre le silence imposé aux femmes qui osent parler.
Michel Drucker, l’art de la récupération en direct
Il faut saluer la performance de l’animateur. Pris en tenaille entre deux forces de la nature, il a tenté tant bien que mal de garder le contrôle. Son « Je salue le public de France 3… » reste déjà cultissime.
On sent l’expérience des milliers d’émissions, la capacité à rebondir même quand le bateau tangue sérieusement. Mais pour une fois, le capitaine a dû lâcher la barre et laisser la tempête passer.
Pourquoi cette séquence nous touche autant
Parce qu’elle dit quelque chose de notre époque. Deux femmes de plus de 60 et 50 ans parlent de leur corps sans honte, rient de leur sexualité, célèbrent leur liberté sur le service public un dimanche après-midi.
C’est à la fois provocateur et profondément féministe. C’est l’antithèse de la télévision aseptisée qu’on nous sert trop souvent. C’est vivant, c’est vrai, c’est culotté.
Et surtout, c’est rare. Voir des femmes assumer leur désir, leur humour graveleux, leur complicité sans se soucier du qu’en-dira-t-on, à une heure de grande écoute, ça fait du bien.









