« Partir maintenant de gré plutôt que demain de force. » Ce cri du cœur angoissé, c’est celui de Karim, un juriste franco-tunisien de 51 ans, à quelques heures des résultats du premier tour des élections législatives. Des élections qui ont vu le Rassemblement national et l’extrême droite arriver en tête, faisant craindre le pire à de nombreux Français issus de l’immigration, maghrébine et africaine en particulier.
Une montée des tensions raciales
Depuis plusieurs années, ces citoyens français binationaux ou d’origine étrangère sentent le vent tourner. La xénophobie et le rejet de l’autre progressent dans la société. Et le succès électoral du parti de Marine Le Pen ne fait que renforcer ce sentiment d’exclusion et de peur.
On ne se sent plus en sécurité ici. J’ai peur pour mes enfants, pour leur avenir dans ce pays.
Fatima, mère de famille franco-algérienne
De plus en plus, les discriminations se font sentir au quotidien. Dans l’accès à l’emploi, au logement, dans les relations avec l’administration… Beaucoup témoignent d’un racisme ordinaire de plus en plus décomplexé et banalisé.
Le dilemme douloureux du départ
Face à cette situation, certains envisagent donc de quitter la France, ce pays qu’ils aiment mais qui semble de moins en moins les aimer en retour. Un choix déchirant, surtout quand on est né ici, qu’on y a grandi, étudié, travaillé, fondé une famille…
La France, c’est mon pays. Mais est-ce encore un pays pour moi ? Je ne sais plus…
Younes, ingénieur franco-marocain
Certains songent à un retour vers le pays d’origine de leurs parents, bien qu’ils n’y aient parfois jamais vécu. D’autres envisagent un départ vers d’autres contrées, au Canada, aux États-Unis… Des pays perçus comme plus ouverts et accueillants envers la diversité.
Le spectre d’un « grand départ »
Si les projecteurs sont surtout braqués sur l’exil des juifs de France ces dernières années, la communauté africaine pourrait elle aussi être tentée par un grand départ si le climat continue de se dégrader.
- Entre 2000 et 2020, environ 50 000 juifs auraient quitté la France, essentiellement vers Israël.
- La communauté africaine et maghrébine compte plusieurs millions de personnes en France.
Un tel exode aurait des conséquences majeures, tant sur le plan démographique qu’économique. Il priverait aussi la France de toute une partie de sa jeunesse, de ses talents et de sa diversité.
On veut construire la France de demain. Mais a-t-elle encore envie de nous ? C’est toute la question…
Amadou, étudiant franco-sénégalais
Un éternel recommencement ?
Beaucoup font le parallèle avec les vagues de racisme qui ont touché la France dans les années 80 et 90. À l’époque déjà, l’extrême droite était à la manœuvre, ciblant les immigrés maghrébins et africains.
Mais pour Karim, Fatima, Younes et les autres, le contexte est différent. Car cette fois, ce sont des Français à part entière qui se sentent exclus et rejetés. Le racisme ne vise plus seulement l’étranger, mais le citoyen « pas assez français ».
C’est comme si on nous disait qu’on n’aura jamais vraiment notre place ici, quoi qu’on fasse. Ça fait mal.
Naïma, infirmière franco-marocaine
À quelques jours du second tour des législatives, l’angoisse est à son comble dans de nombreux foyers. Avec la crainte qu’une victoire des idées xénophobes n’entraîne des lendemains sombres pour toute une partie de la population française.
Face à cela, certains veulent encore croire en une France unie et fraternelle. Mais d’autres se préparent déjà à un douloureux exil, le cœur lourd et plein d’amertume envers ce pays qui semble ne plus vouloir d’eux. Un constat glaçant qui en dit long sur la profondeur du malaise identitaire français.