Imaginez une seule opération qui, à elle seule, représente presque la totalité des investissements réalisés dans la crypto pendant toute l’année 2024. C’est exactement ce qui vient de se produire en cette fin novembre 2025.
En l’espace de sept jours, le secteur des cryptomonnaies a encaissé la somme astronomique de 10,46 milliards de dollars. Un chiffre qui donne le vertige et qui place cette semaine parmi les plus folles de l’histoire du financement blockchain.
Une acquisition historique qui change tout
Le choc vient de Corée du Sud. Naver Financial, la branche financière du géant technologique Naver (l’équivalent coréen de Google), a annoncé le rachat complet de Dunamu, la maison-mère de la plateforme d’échange Upbit, pour 10,3 milliards de dollars. Oui, vous avez bien lu : dix virgule trois milliards.
Cette opération, réalisée via un échange d’actions (chaque action Dunamu échangée contre 2,54 actions Naver Financial), valorise Dunamu à 15 100 milliards de wons, soit environ 10,7 milliards de dollars au cours actuel. Upbit devient ainsi, indirectement, une filiale du plus grand groupe tech du pays.
Pour bien comprendre l’ampleur du séisme : Upbit représente à lui seul plus de 80 % du volume d’échange crypto en Corée du Sud et figure régulièrement dans le top 5 mondial. Naver met la main sur une véritable machine à cash dans un pays où le trading crypto est une passion nationale.
Pourquoi Naver met autant d’argent sur la table ?
La réponse tient en trois lettres : KYC. En Corée, toute plateforme d’échange doit être adossée à une banque réelle pour proposer des dépôts et retraits en wons. Upbit était jusqu’à présent partenaire de KBank. En intégrant le giron de Naver Financial, qui possède déjà une licence bancaire, l’exchange sécurise son avenir réglementaire pour les vingt prochaines années.
Au-delà de la conformité, Naver voit plus loin : intégrer les services crypto dans son écosystème (messagerie Line, paiement Naver Pay, e-commerce) et préparer l’arrivée massive des institutionnels coréens, qui sont encore très frileux.
Les autres deals qui ont marqué la semaine
Derrière le mastodonte Dunamu, d’autres opérations ont animé le marché.
Paxos rachète Fordefi pour 100 millions de dollars
Le leader des stablecoins institutionnels (USDP, Lift Dollar) met la main sur la pépite israélienne des wallets MPC (multi-party computation). Fordefi avait déjà levé 128 millions depuis sa création. Cette acquisition permet à Paxos de proposer une solution complète : émission de stablecoin + garde ultra-sécurisée.
Figure lève 25 millions auprès d’Ondo Finance
La fintech blockchain spécialisée dans les prêts et la gestion d’actions tokenisées reçoit un chèque stratégique d’Ondo, le géant de la DeFi sur tokenisation d’actifs réels (RWA). L’objectif : intégrer le stablecoin yield-bearing de Figure (YLDS) dans les réserves du fonds OUSG d’Ondo.
Gonka empoche 12 millions de Bitfury
La plateforme de prédiction markets boostée à l’IA et de social trading continue son ascension. Après un vote communautaire, le groupe Bitfury injecte 12 millions en achetant directement des tokens GNK. Le message est clair : l’avenir du calcul décentralisé pour l’IA passera par les communautés.
SpaceComputer lève 10 millions en seed
Le projet le plus fou de la semaine : envoyer une constellation de satellites dédiés au calcul zero-knowledge et à la sécurité DePIN. Maven11, Lattice et Superscrypt mènent la danse. Quand la blockchain s’envole dans l’espace, littéralement.
Le chiffre choc : Sans l’acquisition Dunamu, le total de la semaine aurait été de… 160 millions de dollars. Preuve que le marché reste très concentré sur quelques méga-deals.
Ce que cela nous dit sur l’état du marché crypto fin 2025
Première leçon : les fusions-acquisitions dominent largement les levées de fonds classiques. Les institutionnels préfèrent acheter des sociétés déjà matures plutôt que de prendre des risques sur des seed.
Deuxième tendance : l’Asie, et particulièrement la Corée du Sud, reprend clairement le leadership. Après le Japon et Hong Kong, Séoul devient le nouveau hub réglementaire attractif.
Troisième signal : les infrastructures (wallets institutionnels, garde, conformité) attirent plus d’argent que les applications grand public. Les institutionnels préparent leurs tuyaux avant d’ouvrir les vannes.
Et les petites levées dans tout ça ?
Elles existent toujours, mais elles sont devenues presque anecdotiques face aux milliards :
- Nexton : 4 millions (stratégique)
- Pruv Finance : 3 millions (Series A)
- CreatorFi (Insomnia Labs) : 2 millions
- Abrakadabra Games : 500 000 dollars
Ces montants, qui auraient fait la une il y a deux ans, passent aujourd’hui presque inaperçus. Le marché s’est habitué à des chiffres toujours plus fous.
Que faut-il retenir pour 2026 ?
Cette semaine exceptionnelle nous donne plusieurs indices forts :
- Les géants tech traditionnels entrent massivement dans la crypto par la grande porte (acquisitions).
- La Corée du Sud devient le nouveau centre de gravité du secteur en Asie.
- Les infrastructures institutionnelles (garde, conformité, tokenisation) sont la priorité absolue.
- Les records d’investissement vont continuer à tomber tant que Bitcoin reste au-dessus des 90 000 dollars.
En résumé, nous assistons à la fin de la crypto « sauvage » et à l’entrée dans l’ère de la crypto institutionnelle, réglementée et intégrée aux géants traditionnels. Le deal Naver-Dunamu n’est probablement que le premier d’une longue série.
Et pendant que certains pleurent la fin de l’esprit pionnier, d’autres se frottent les mains : quand Naver met 10 milliards sur la table, c’est que le secteur est enfin considéré comme stratégique au plus haut niveau.
La révolution crypto ne fait que commencer. Mais cette fois, elle porte un costume-cravate.
