Imaginez une plateforme chimique centenaire, presque à l’arrêt après une liquidation brutale, qui pourrait renaître plus moderne, plus verte et surtout plus française. C’est l’histoire incroyable qui s’écrit en ce moment même à Pont-de-Claix, près de Grenoble.
Exalia : quand l’espoir renaît sur les cendres de Vencorex
Le printemps dernier, la nouvelle était tombée comme un coup de massue : Vencorex, fleuron régional de la chimie, liquidé et partiellement racheté par le géant chinois Wanhua. Près de 400 emplois supprimés sur 450. Un choc immense pour les salariés et pour toute la vallée du Grésivaudan.
Mais certains ont refusé de baisser les bras. Parmi eux, Séverine Dejoux, ancienne déléguée syndicale, et Olivier Six, entrepreneur local. Vendredi dernier, ils ont déposé un nouveau projet devant le tribunal des affaires économiques de Lyon. Son nom ? Exalia.
Un projet « extrêmement sérieux » selon le ministre
Le ministre de l’Industrie, Sébastien Martin, n’a pas hésité à faire le déplacement. Devant les journalistes, il a été clair :
« Je pense qu’on a un avenir sur ce site »
Il a même ajouté que tous les freins administratifs avaient été levés un à un par l’État. Un soutien rarement aussi net.
Et pour cause : le projet coche toutes les cases de la réindustrialisation chère au gouvernement. Décarbonation massive, souveraineté industrielle, création d’emplois… Exalia s’inscrit pile dans les priorités nationales.
Que veut produire Exalia exactement ?
Le cœur du projet repose sur la remise en marche d’installations pour fabriquer trois produits jugés stratégiques :
- L’acide chlorhydrique
- La soude caustique
- Le chlore liquide
Ces molécules de base sont indispensables à de nombreuses industries locales : pharmacie, traitement de l’eau, métallurgie, agroalimentaire… Aujourd’hui, la France importe une partie de ces produits. Exalia veut inverser la tendance.
Et pas n’importe comment. L’ambition est de créer une chimie décarbonée et souveraine, avec des procédés beaucoup moins gourmands en énergie et en émissions de CO₂.
Plus de 80 millions d’euros d’investissements
Le montant donne le tournis : plus de 80 millions d’euros. Une somme colossale pour une reprise portée par des acteurs locaux.
Une grande partie de cet argent sera dédiée à :
- La modernisation des installations
- La décarbonation des procédés
- Les économies d’énergie
- La sécurité et la conformité environnementale
Olivier Six l’affirme sans détour : « Les financements sont consolidés. » Région Auvergne-Rhône-Alpes, métropole de Grenoble, et potentiellement l’État sont dans la boucle.
Le ministre a d’ailleurs été très clair : des fonds publics pourront être engagés… à condition que le budget soit voté.
Un calendrier ambitieux
Si le tribunal donne son feu vert (décision attendue fin janvier), la création de la société Exalia pourrait intervenir dès début 2026. Objectif affiché : redémarrer la production avant la fin 2027.
À l’horizon 2030, les porteurs du projet voient encore plus grand : un millier d’emplois créés ou sauvegardés sur la plateforme chimique du Pont-de-Claix. Un chiffre qui fait rêver toute la région.
Objectif 2030 selon les porteurs du projet :
• 1 000 emplois sur la plateforme
• Production décarbonée d’acide chlorhydrique, soude et chlore
• Retour de la souveraineté sur des produits stratégiques
• Relance complète d’une partie du site Vencorex
Une première tentative avait échoué
Ce n’est pas la première fois que Séverine Dejoux et Olivier Six tentent de sauver le site. Un projet précédent de reprise en coopérative avait été jugé irrecevable par le tribunal.
Mais ils n’ont rien lâché. Comme l’a rappelé Christophe Ferrari, président de Grenoble Alpes Métropole et maire de Pont-de-Claix :
« Quand il y a des échecs, il faut savoir continuer, ne jamais rien lâcher »
Il a ajouté qu’il aurait été « absurde » de laisser disparaître un potentiel industriel aussi stratégique.
Pourquoi ce projet est stratégique pour la France
Au-delà de l’emploi local, Exalia touche à des enjeux nationaux majeurs.
La France a perdu beaucoup de capacités de production sur des produits chimiques de base ces dernières décennies. Résultat : dépendance accrue aux importations, notamment chinoises. Le rachat partiel de Vencorex par Wanhua avait d’ailleurs cristallisé ces craintes.
Avec Exalia, c’est une forme de réponse concrète qui se dessine : relocaliser, verdir, et reprendre la main sur des productions essentielles.
Dans un contexte géopolitique tendu et de transition écologique accélérée, ce type d’initiative pourrait faire école.
Un soutien politique tous azimuts
Ce qui frappe dans cette affaire, c’est l’unité rare autour du projet.
Élus locaux, région, ministre, tous parlent d’une seule voix. Même des personnalités de gauche qui réclamaient une nationalisation temporaire au printemps semblent aujourd’hui derrière Exalia.
Preuve que, parfois, l’intérêt industriel et social peut transcender les clivages.
Et maintenant ?
Tout se joue dans les prochaines semaines. Le tribunal des affaires économiques de Lyon doit rendre sa décision d’ici fin janvier.
Les porteurs du projet se disent confiants. Séverine Dejoux : « On est convaincus que ça va aboutir. »
Si Exalia voit le jour, ce sera bien plus qu’une simple reprise d’entreprise. Ce sera la démonstration qu’une autre industrie est possible : plus verte, plus locale, plus résiliente.
Et peut-être le début d’une nouvelle ère pour la chimie française.
À suivre de très près.









