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Ouganda : Un Mort Lors d’un Rassemblement de Bobi Wine

Un mort et plusieurs blessés graves lors d’un rassemblement de Bobi Wine en Ouganda. La police parle de jets de pierres, l’opposant dénonce des tirs à balles réelles sur une foule pacifique. À moins de deux mois des élections, la tension est à son comble… Que va-t-il se passer ensuite ?

Imaginez une foule enthousiaste, des milliers de voix qui scandent le changement, des drapeaux rouges au vent. Et soudain, le chaos. Des pierres qui volent, des tirs, un corps qui s’effondre. Ce n’est pas une scène de film. C’est ce qui s’est passé vendredi dans le sud-est de l’Ouganda, lors d’un rassemblement de l’opposant Bobi Wine.

Un mort et des blessés graves à Iganga

Vendredi après-midi, dans la localité d’Iganga, à une centaine de kilomètres à l’est de Kampala, la police ougandaise a ouvert le feu sur la foule venue écouter Robert Kyagulanyi, plus connu sous son nom d’artiste Bobi Wine. Bilan officiel : un civil tué. Bilan selon l’opposant : au moins trois personnes grièvement blessées, entre la vie et la mort.

La version des autorités est claire et sans détour. Les agents auraient été attaqués à coups de pierres, « à l’incitation du candidat », avant de riposter pour disperser une foule jugée « rétive ». Des suspects ont été arrêtés pour « hooliganisme ».

La version de Bobi Wine est radicalement différente. Sur X, il a dénoncé des « criminels » en uniforme ayant « tiré à balles réelles sur des gens pacifiques » alors que la foule se dispersait déjà calmement. Il a promis que ni lui ni ses partisans ne reculeraient, « quel que soit le nombre de morts ».

Un contexte politique explosif

L’Ouganda s’apprête à vivre des élections présidentielles en janvier prochain. En lice : l’inamovible Yoweri Museveni, 81 ans, au pouvoir depuis 1986, et son principal challenger, Bobi Wine, 43 ans, ancien chanteur devenu symbole de la jeunesse et de la contestation.

Ce n’est pas la première fois que la campagne de l’opposant tourne au drame. En 2021 déjà, la répression avait été massive : arrestations à répétition, meetings annulés, internet coupé, et des dizaines de morts lors de manifestations post-électorales.

Cette fois, la mécanique semble identique. Meetings interdits ou perturbés, leaders placés en résidence surveillée, militants arrêtés. Et désormais des tirs à balles réelles en pleine journée.

« Nous ne nous arrêterons pas tant que Museveni sera au pouvoir, même si sa police et son armée partisanes tuent des centaines de personnes. »

Robert Kyagulanyi (Bobi Wine)

Qui est vraiment Bobi Wine ?

Robert Kyagulanyi n’est pas un politicien classique. Né dans un bidonville de Kampala, il s’est fait connaître comme chanteur de ragga et dancehall sous le pseudonyme de Bobi Wine. Ses textes dénonçaient déjà la corruption, la pauvreté et le régime.

Élu député en 2017, il fonde ensuite la plateforme People Power, puis le parti National Unity Platform (NUP), qui devient rapidement la principale force d’opposition. Son style direct, ses clips viraux et surtout sa capacité à mobiliser la jeunesse urbaine en font une menace sérieuse pour le pouvoir.

Depuis, il a été arrêté ou assigné à résidence des dizaines de fois. En 2018, il avait été torturé en détention. En 2020, son garde du corps avait été écrasé par un camion militaire. Chaque épisode renforce paradoxalement sa popularité.

La stratégie de la tension

À moins de deux mois du scrutin, le pouvoir semble avoir choisi l’escalade. Les rassemblements de l’opposition sont systématiquement encadrés par un impressionnant dispositif policier, parfois militaire. Les drones survolent les meetings. Les routes sont bloquées.

Plusieurs observateurs estiment que cette stratégie vise à décourager les électeurs de l’opposition ou à justifier une éventuelle annulation du vote dans certaines zones à forte implantation du NUP.

Pourtant, plus la répression est visible, plus la colère monte. Lundi dernier, à Kampala, plusieurs dizaines de milliers de personnes avaient déjà bravé les interdictions pour écouter Bobi Wine. Preuve que la peur ne fonctionne plus comme avant.

Que peut-il se passer d’ici janvier ?

Trois scénarios se dessinent.

  • Une campagne de plus en plus violente, avec des risques d’affrontements généralisés le jour du vote.
  • Une tentative d’arrestation définitive de Bobi Wine ou d’invalidation de sa candidature sur un motif technique.
  • Une mobilisation massive de la jeunesse qui pourrait renverser l’équilibre, comme au Kenya ou au Sénégal ces dernières années.

Aucun de ces scénarios n’est exclu. L’histoire récente de l’Afrique de l’Est montre que les régimes autoritaires finissent souvent par céder quand la rue ne lâche plus.

En attendant, chaque meeting de Bobi Wine devient un test. Chaque dispersion violente renforce la détermination de ses partisans. Chaque mort rapproche peut-être l’Ouganda d’un tournant historique.

Le monde regarde, mais reste silencieux. Les capitales occidentales, qui entretiennent pourtant des relations étroites avec Museveni, préfèrent la stabilité à la démocratie. Les organisations de droits humains alertent, mais leurs rapports s’empilent sans effet.

Sur le terrain, une seule certitude : la jeunesse ougandaise ne veut plus attendre. Et elle est prête à payer le prix fort pour que le changement arrive enfin.

À suivre, très attentivement.

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