Imaginez descendre dans les entrailles de la terre, là où la roche semble encore chaude des combats d’hier. Vendredi dernier, pour la première fois depuis la fin de la guerre entre le Hezbollah et Israël il y a un an, l’armée libanaise a accepté d’emmener des journalistes dans l’un des tunnels que le mouvement chiite a laissés derrière lui. Une visite rare, presque irréelle, qui soulève autant de questions qu’elle apporte de réponses.
Un tunnel impressionnant creusé dans le secret
Le lieu choisi se trouve à Zebqine, au fond d’une vallée discrète du sud du Liban. Le tunnel, taillé directement dans la roche, s’étend sur une centaine de mètres et comporte plusieurs pièces. À l’entrée, rien ne laisse deviner l’ampleur de l’ouvrage. Une fois à l’intérieur, l’impression est totalement différente.
Les militaires allument les néons encore fonctionnels. Les murs sont lisses, les plafonds hauts. On distingue clairement une cuisine équipée, des bouteilles d’eau minérale alignées, des boîtes de conserve, des vestes militaires posées sur des chaises, et même du matériel de premiers secours. L’ensemble évoque un véritable poste de commandement souterrain, conçu pour tenir longtemps.
Le plus surprenant ? L’infrastructure technique. Alimentation électrique autonome, système d’éclairage complet, bouches d’aération soigneusement placées : tout indique une préparation minutieuse, presque professionnelle. On est loin d’un simple abri de fortune.
L’armée libanaise veut montrer sa détermination
Cette visite n’est évidemment pas anodine. Elle intervient alors qu’Israël accuse régulièrement le Hezbollah de reconstituer ses arsenaux au sud du Litani, malgré le cessez-le-feu signé le 27 novembre dernier. En ouvrant ce tunnel aux journalistes, l’armée libanaise envoie un message clair : elle est présente, elle contrôle le terrain, et elle agit.
Le général Nicolas Tabet, commandant du secteur sud du Litani, l’a affirmé sans détour lors du briefing : « Depuis un an, il n’existe aucune preuve d’entrée d’armes dans cette zone après le déploiement de l’armée. » Une phrase qui sonne comme une réponse directe aux déclarations israéliennes.
« Depuis un an, il n’y a aucune preuve de l’entrée d’armes dans la zone (…) après le déploiement de l’armée »
Général Nicolas Tabet
Des chiffres qui parlent d’eux-mêmes
Pour appuyer ses dires, l’armée avance des chiffres impressionnants. En un an d’opérations de fouille et d’inspection dans le sud du pays, elle affirme avoir saisi environ 230 000 pièces comprenant armes légères, munitions, lance-roquettes et même missiles.
Une partie de cet arsenal est stockée dans des dépôts sécurisés en attendant sa destruction. L’autre partie, encore utilisable, a été intégrée – après démarches légales – à l’équipement de l’armée libanaise elle-même. Une pratique courante dans de nombreux pays confrontés à des conflits internes prolongés.
Récapitulatif des saisies en un an :
- Armes légères et lourdes
- Munitions en grande quantité
- Lance-roquettes
- Missiles de différents calibres
- Équipements de communication
- Explosifs et détonateurs
Un calendrier serré pour démanteler l’infrastructure militaire
L’accord de cessez-le-feu impose à l’armée libanaise de démanteler toute infrastructure militaire du Hezbollah au sud du Litani. Environ 10 000 militaires ont été déployés dans la région pour accomplir cette mission. Un plan détaillé a d’ailleurs été soumis au gouvernement : tout doit être terminé d’ici le 31 décembre prochain.
Sur le terrain, cela signifie fouilles systématiques, destruction de bunkers, comblement de tunnels, saisie d’armes restantes. Un travail titanesque dans une zone où chaque village, chaque colline, chaque vallon a pu servir de cache à un moment ou un autre.
Malgré ces efforts visibles, la tension reste palpable. Israël continue d’affirmer que le Hezbollah reconstitue ses forces. Des frappes ciblées ont encore lieu, comme celle de dimanche dernier qui a éliminé un haut responsable militaire du mouvement chiite dans la banlieue sud de Beyrouth.
Cinq points toujours occupés par Tsahal
Autre point de friction majeur : l’armée israélienne occupe encore cinq positions en territoire libanais, alors que l’accord de cessez-le-feu prévoyait un retrait total. Ces emplacements stratégiques, situés près de la Ligne bleue, sont devenus un sujet de crispation permanent entre les deux pays.
Pour Beyrouth, il s’agit d’une violation claire. Pour Israël, ces positions permettent de surveiller d’éventuels mouvements d’armes. Un cercle vicieux qui maintient la région dans un état de ni guerre ni paix véritable.
Points toujours contestés :
- Colline de Kfarchouba
- Fermes de Chebaa (partie)
- Point B1 à la frontière
- Deux autres positions près d’Aita al-Chaab
Ces zones restent sous contrôle israélien malgré les résolutions internationales.
Une visite qui soulève plus de questions qu’elle n’apporte de réponses
En ressortant du tunnel de Zebqine, une impression domine : celui-ci a été abandonné en hâte, mais pas vidé complètement. Les militaires assurent avoir récupéré toutes les armes présentes. Pourtant, la sophistication de l’ouvrage laisse songeur.
Combien de tunnels similaires existent-ils encore ? Le Hezbollah a-t-il vraiment cessé toute activité militaire au sud du Litani ? Et surtout, l’accord de cessez-le-feu tiendra-t-il face aux provocations récurrentes des deux côtés ?
Une chose est sûre : un an après la fin officielle des hostilités, le sud du Liban reste une poudrière. Chaque découverte, chaque saisie, chaque déclaration ravive les braises d’un conflit qui ne demande qu’à reprendre.
La visite de ce tunnel n’était pas qu’une opération de communication. C’était aussi un avertissement : l’armée libanaise est là, elle agit, mais elle marche sur un fil. Et ce fil pourrait se rompre à tout moment.
À suivre, donc. De très près.









