Imaginez ouvrir un site de commerce en ligne et tomber sur une poupée sexuelle décrite comme « encore mineure » ou « à peine entrée dans la puberté ». Ce n’est pas une fiction glauque : c’est ce que proposait, jusqu’à très récemment, une entreprise française installée en région parisienne.
Une enquête ouverte contre ObeyMe Dolls
Le parquet a confirmé l’ouverture d’une enquête préliminaire à l’encontre de la société ObeyMe Dolls, qui se présente comme le leader européen des « sex dolls » et « love dolls ». L’affaire a démarré grâce à un signalement transmis via la plateforme Pharos du ministère de l’Intérieur, spécialisée dans la détection des contenus illicites sur internet.
Le délit visé est lourd : diffusion de l’image ou de la représentation d’un mineur à caractère pornographique. En France, ce type de faits est passible de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende.
Des descriptions qui ne laissent aucun doute
Sur le site de l’entreprise, certaines fiches produits étaient particulièrement explicites. L’une d’elles décrivait une poupée comme « encore mineure » et « tout juste pubère ». Une catégorie entière était dédiée aux « poupées sexuelles adolescentes » censées évoquer « la jeunesse et la curiosité ».
Suite à l’ouverture de l’enquête, un message a rapidement été ajouté : « Certaines références ont été retirées du catalogue ». Pourtant, au moment des faits, de nombreux modèles restaient accessibles et continuaient d’alimenter la polémique.
« Aucune zone d’ombre ne sera tolérée, qui plus est quand le revendeur de ces horreurs peut être votre voisin. »
Sarah El Haïry, haute-commissaire à l’Enfance
La haute-commissaire à l’Enfance a elle-même saisi la justice et affiche une fermeté totale. Pour elle, qu’il s’agisse d’une plateforme chinoise ou d’une entreprise française, la réponse pénale doit être la même : identification des acheteurs et poursuites systématiques.
Un scandale qui dépasse les frontières
Cette affaire française intervient seulement quelques semaines après la vague d’indignation provoquée par la vente de poupées similaires sur des géants asiatiques du e-commerce. Le parquet de Paris avait déjà ouvert une enquête et le gouvernement avait annoncé des procédures d’assignation en référé afin de suspendre temporairement certaines plateformes.
Une audience concernant l’une de ces plateformes, initialement prévue mi-novembre, a d’ailleurs été reportée au 5 décembre. Le message est clair : la France entend faire un exemple.
Pourquoi ces poupées posent un problème juridique majeur
En droit français, la représentation pornographique d’un mineur est interdite, même si la « victime » est un objet inanimé. Le législateur considère que ces poupées reproduisent l’image d’un enfant dans un contexte sexuel explicite, ce qui constitue une forme de pornographie infantile par substitution.
Les associations de protection de l’enfance estiment que ces produits banalisent et alimentent indirectement les fantasmes pédophiles. Même si l’acheteur n’a jamais de contact avec un vrai mineur, la simple existence de ces objets est perçue comme une atteinte à la dignité de l’enfance.
Que risque concrètement l’entreprise française ?
Au-delà des sanctions pénales déjà évoquées, plusieurs scénarios sont possibles :
- Fermeture administrative du site
- Saisie des stocks
- Transmission des données clients à la justice
- Poursuites pour complicité de diffusion de pornographie infantile
- Dommages et intérêts massifs en cas d’action civile des associations
Les enquêteurs vont également chercher à savoir si l’entreprise avait pleinement conscience du caractère illicite de certains produits, ou si elle se cachait derrière l’argument de la « liberté artistique » ou du « fantasme privé ».
La réaction (tardive ?) du site
Dès les premiers échos de l’enquête, ObeyMe Dolls a retiré une partie des références les plus problématiques. Mais pour beaucoup d’observateurs, ce nettoyage arrive bien trop tard et ressemble davantage à une tentative de limiter la casse qu’à une prise de conscience réelle.
Des captures d’écran des anciennes pages circulent encore largement sur les réseaux sociaux et servent de preuves aux enquêteurs. Il sera difficile pour l’entreprise de nier avoir commercialisé pendant des mois des produits à l’apparence ouvertement enfantine.
Un débat de société qui dépasse le simple fait divers
Cette affaire relance le débat sur la régulation du commerce en ligne et sur les limites de la liberté d’expression ou du commerce lorsqu’il touche à la protection des mineurs.
Comment expliquer que de tels produits aient pu être vendus ouvertement pendant des années, en France comme ailleurs ? Pourquoi les hébergeurs et les plateformes de paiement n’ont-ils pas réagi plus tôt ? Les questions sont nombreuses et la réponse pénale, aussi sévère soit-elle, ne suffira peut-être pas à apaiser la colère de l’opinion publique.
Une chose est sûre : ce dossier risque de faire jurisprudence et pourrait entraîner un durcissement législatif concernant tous les objets sexuels imitant l’apparence de mineurs, qu’il s’agisse de poupées ultra-réalistes ou de simples dessins.
Au moment où nous publions ces lignes, l’enquête se poursuit. Les perquisitions ne sont pas exclues et de nouveaux éléments pourraient surgir dans les prochains jours. Une chose est certaine : l’époque où ce type de commerce pouvait prospérer dans l’ombre semble bel et bien révolue.
La société française, longtemps perçue comme tolérante sur les questions de sexualité, montre aujourd’hui qu’il existe une ligne rouge infranchissable : l’apparence de l’enfance dans un contexte sexuel explicite. Et cette ligne, la justice entend la faire respecter, coûte que coûte.









