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Mort de Deux Enfants Français à Gaza : Enquête pour Crimes de Guerre

Deux petits Français de 6 et 9 ans tués dans leur chambre à Gaza par un bombardement israélien. Leur grand-mère porte plainte pour génocide. Le parquet antiterroriste vient de demander une enquête… mais seulement pour crimes de guerre. Pourquoi refuse-t-il le génocide ? L’affaire qui pourrait tout changer.

Ils s’appelaient Janna et Abderrahim. Six et neuf ans. Deux enfants français qui dormaient dans une maison refuge au nord de la bande de Gaza quand, dans la nuit du 24 octobre 2023, deux missiles ont traversé le toit. L’un d’eux est entré directement dans leur chambre. Abderrahim est mort sur le coup. Janna a succombé peu après. Leur histoire, longtemps restée dans l’ombre des statistiques du conflit, resurgit aujourd’hui avec une force particulière : la justice française vient de décider d’ouvrir une enquête pour crimes de guerre.

Une enquête judiciaire qui franchit un cap symbolique

Le parquet national antiterroriste français, seul compétent pour les crimes graves commis à l’étranger contre des ressortissants français, a transmis sa réquisition à un juge d’instruction. Il demande l’ouverture d’une information judiciaire contre X pour crimes de guerre. Concrètement, il retient deux qualifications : une attaque délibérée contre des civils et la destruction d’un bien civil qui ne présentait aucun caractère militaire.

Cette décision intervient trois mois après le dépôt d’une plainte particulièrement lourde, déposée par la grand-mère maternelle des enfants, Jacqueline Rivault, avec le soutien de la Ligue des droits de l’Homme. La plainte visait initialement le génocide et le crime contre l’humanité. Le parquet a écarté ces deux qualifications, estimant qu’elles n’étaient pas caractérisées à ce stade.

Que s’est-il réellement passé dans cette maison de Gaza ?

Dix-sept jours après l’attaque du 7 octobre 2023 menée par le Hamas, la famille Abudaher, comme des centaines de milliers de Gazaouis, fuyait les bombardements intensifs du sud vers le nord, pensant y trouver un abri plus sûr. Ils se réfugient dans une maison ordinaire. Rien ne laisse penser qu’elle soit une cible militaire.

Dans la nuit, deux projectiles frappent le bâtiment. Le premier perce le toit et explose dans la chambre où dorment les enfants, leur mère Yasmine et leur petit frère Omar. Abderrahim, neuf ans, est tué instantanément. Janna, six ans, grièvement blessée, décède peu après malgré les tentatives de secours. Omar et sa mère survivent mais portent encore aujourd’hui les séquelles physiques et psychologiques de cette nuit.

« Un missile est entré directement dans la chambre où se trouvait la famille »

Extrait de la plainte déposée par Jacqueline Rivault

Une mère condamnée en France, un détail qui complique tout

Yasmine Z., la mère des enfants, n’est pas une inconnue des services judiciaires français. En 2019, elle a été condamnée par défaut à Paris pour financement du terrorisme. Entre 2012 et 2013, elle avait transporté de l’argent vers Gaza au profit de membres du Jihad islamique et du Hamas. Un mandat d’arrêt international la vise toujours.

Ce passé judiciaire a immédiatement été évoqué dans certains cercles pour discréditer la plainte. Pourtant, le parquet antiterroriste, précisément chargé de ce type de dossiers sensibles, a choisi de retenir les faits relatifs aux enfants. Leur nationalité française et leur mort dans un bombardement constituent, aux yeux du ministère public, un seuil suffisant pour enquêter.

Crimes de guerre oui, génocide non : les raisons du parquet

La décision de ne pas retenir la qualification de génocide a provoqué des réactions contrastées. Pour Me Arié Alimi, avocat de la grand-mère, l’essentiel est acquis : une enquête va enfin avoir lieu sur les circonstances exactes du bombardement. « Nous sommes satisfaits que le parquet nous rejoigne sur l’ouverture d’une instruction », a-t-il déclaré.

En revanche, Me Emmanuel Daoud, conseil de la Ligue des droits de l’Homme, y voit une volonté de « circonscrire dogmatiquement » les investigations dès le départ. Selon lui, limiter l’enquête au seul crime de guerre revient à fermer la porte à une analyse plus large du contexte des opérations militaires israéliennes à Gaza.

En droit international, le crime de génocide nécessite la preuve d’une intention spécifique de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux. Le crime contre l’humanité exige, lui, un caractère généralisé ou systématique. À ce stade, le parquet estime que les éléments réunis dans le dossier ne permettent pas de retenir ces qualifications, sans pour autant fermer définitivement la porte : un juge d’instruction pourra toujours les ajouter si de nouveaux faits émergent.

D’autres procédures en cours contre des acteurs du conflit

Cette affaire n’est pas isolée. Plusieurs plaintes visent des exactions présumées à Gaza et en Cisjordanie occupée. Cet été, des ONG dont la FIDH et la LDH ont déposé plainte contre deux soldats franco-israéliens de l’unité d’élite « Ghost Unit », accusés d’exécutions sommaires de civils palestiniens.

D’autres procédures visent des Franco-Israéliens ou des entités françaises soupçonnées de complicité avec la colonisation en Cisjordanie. La justice française, grâce à la compétence universelle pour certains crimes graves et à la protection de ses ressortissants, devient peu à peu un terrain où se jouent des enjeux symboliques majeurs du conflit.

Pourquoi cette affaire pourrait faire jurisprudence

Pour la première fois, un parquet français demande explicitement l’ouverture d’une enquête pour crimes de guerre liés à des frappes israéliennes à Gaza. Si le juge d’instruction suit les réquisitions – ce qui est probable –, des investigations approfondies seront menées : auditions, expertises balistiques, demandes d’entraide internationale.

Israël, qui n’est pas partie au Statut de Rome, ne reconnaît pas la compétence de la Cour pénale internationale. Mais la France, elle, peut exercer sa propre juridiction lorsque ses nationaux sont victimes. Cette procédure pourrait donc devenir un précédent gênant, surtout si elle aboutit à des mandats d’arrêt ou à des demandes de coopération refusées.

Derrière les termes juridiques, il y a surtout deux enfants qui ne rentreront jamais. Deux passeports français maculés de poussière et de sang dans une chambre détruite. Et une grand-mère qui, depuis la France, refuse l’oubli.

L’enquête ne ramènera pas Janna et Abderrahim. Mais elle pourrait, pour la première fois, obliger à regarder en face ce que signifie concrètement, pour des familles entières, le terme « dommage collatéral ».

À retenir :

  • Deux enfants français tués le 24 octobre 2023 à Gaza
  • Parquet antiterroriste demande enquête pour crimes de guerre
  • Refus des qualifications génocide et crime contre l’humanité
  • Première procédure de cette ampleur visant des frappes israéliennes
  • Enquête confiée à un juge d’instruction si les réquisitions sont suivies

Au-delà des débats juridiques, cette affaire rappelle une réalité brutale : la guerre ne fait pas de distinction de nationalité quand les bombes tombent. Mais parfois, un passeport peut ouvrir la porte d’une cour de justice. Et c’est peut-être là que commence, timidement, une forme de reconnaissance.

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