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La Belgique Bloque le Prêt aux Avoirs Russes Gelés

La Belgique vient de poser un veto retentissant : non à l’utilisation des 210 milliards d’euros russes gelés chez Euroclear pour financer l’Ukraine. Bart De Wever refuse que son pays porte seul les risques. Le plan européen est-il mort avant même le sommet du 18 décembre ?

Imaginez 210 milliards d’euros immobilisés dans une salle des coffres à Bruxelles, appartenant à la Banque centrale russe et pourtant intouchables depuis février 2022. Ces montagnes d’argent dorment tranquillement chez Euroclear alors que l’Ukraine, à quelques milliers de kilomètres, manque cruellement de munitions, de drones et de ressources pour tenir face à l’invasion. L’idée semblait simple : faire payer la Russie avec son propre argent. Pourtant, un seul homme vient de tout remettre en question.

Bart De Wever dit non et brandit la menace du veto belge

Jeudi dernier, le Premier ministre belge a adressé une lettre de quatre pages à Ursula von der Leyen. Le ton est ferme, presque glacial. Bart De Wever, leader du parti nationaliste flamand N-VA, refuse catégoriquement que la Belgique serve de bouc émissaire dans l’opération inédite que prépare la Commission européenne.

Pour lui, transformer les intérêts et les profits des avoirs russes gelés en un « prêt de réparation » de 140 milliards d’euros à destination de Kiev est une folie juridique et financière. Il parle carrément d’un dispositif « fondamentalement erroné ».

« Pourquoi nous aventurer ainsi dans des terrains juridiques et financiers inconnus ? »

Bart De Wever, lettre à Ursula von der Leyen

Pourquoi la Belgique est-elle au cœur du débat ?

La réponse tient en un nom : Euroclear. Cette société de dépôt et de règlement-livraison, installée à Bruxelles, détient à elle seule environ 210 des 235 milliards d’euros d’actifs de la Banque centrale russe gelés dans l’Union européenne. Autrement dit, près de 90 % de la manne se trouve sur le sol belge.

En cas de représailles russes – saisie d’actifs européens en Russie, cyberattaques, ou poursuites judiciaires internationales – c’est la Belgique qui serait en première ligne. Bart De Wever ne veut pas que son pays de 11 millions d’habitants devienne la cible privilégiée de Moscou pour une décision prise à 27.

Il l’écrit noir sur blanc : il n’acceptera le mécanisme que si tous les États membres signent des garanties contraignantes de solidarité financière et juridique. Sans cela, la Belgique bloquera tout.

Un plan européen déjà bien avancé… mais fragile

Fin octobre, les Vingt-Sept s’étaient pourtant mis d’accord sur un principe : trouver des solutions durables pour financer l’Ukraine sur 2025-2026, alors que le soutien américain risque de faiblir fortement avec l’arrivée probable de Donald Trump à la Maison-Blanche.

La proposition de la Commission est astucieuse sur le papier : utiliser uniquement les intérêts et les profits générés par les avoirs gelés (estimés à plusieurs milliards par an) pour accorder un prêt géant à Kiev. L’Ukraine ne rembourserait que si la Russie acceptait un jour de payer des réparations. Sinon, ce serait… l’argent russe qui paierait. Un symbole fort.

L’Allemagne, les pays baltes, la Pologne, les Pays-Bas et les États nordiques poussent très fort dans cette direction. Le nouveau chancelier allemand, Friedrich Merz, a même déclaré vendredi que c’était « l’instrument approprié et juste » pour exercer une pression maximale sur Moscou.

Les inquiétudes qui vont bien au-delà de la Belgique

Mais l’opération est historique et, par définition, sans précédent. La Banque centrale européenne elle-même s’inquiète publiquement. Elle redoute que la saisie ou l’utilisation de ces actifs provoque des turbulences sur les marchés financiers et fragilise la confiance dans l’euro comme monnaie de réserve.

D’autres pays, même favorables au principe, posent des questions techniques : comment garantir que seuls les profits (et non le capital) seront utilisés ? Comment éviter que la Russie ne saisisse en retour des actifs européens ? Comment protéger Euroclear d’éventuelles actions en justice devant des tribunaux américains ou asiatiques ?

Toutes ces interrogations convergent vers Bruxelles… et donc vers la Belgique.

Course contre la montre avant le sommet du 18 décembre

Les diplomates européens n’ont plus que trois semaines pour trouver une solution. Deux options s’offrent à eux :

  • Rassurer pleinement la Belgique avec des garanties solides signées par tous les États membres.
  • Trouver un plan B, par exemple des prêts garantis par les budgets nationaux ou une nouvelle taxe exceptionnelle, solutions bien plus douloureuses pour les finances publiques déjà fragiles de nombreux pays.

Le sommet des chefs d’État et de gouvernement du 18 décembre sera décisif. S’il n’y a pas d’accord, l’Ukraine risque de se retrouver très vite en difficulté financière et militaire au début de l’année 2026.

Moscou jubile déjà

Du côté russe, on ne cache pas sa satisfaction. Kirill Dmitriev, patron du fonds souverain russe et proche du Kremlin, a immédiatement réagi sur X :

« Mauvais jour aujourd’hui pour les voleurs en Ukraine et dans l’UE »

Pour Moscou, chaque fissure dans l’unité européenne est une victoire. Et la lettre belge tombe à pic pour alimenter le narratif selon lequel l’Occident pille illégalement les avoirs russes.

Et maintenant ? Trois scénarios possibles

Scénario 1 – La Belgique cède sous pression
Les grandes capitales (Berlin, Paris, Varsovie) offrent des garanties solides. Un fonds de solidarité européen est créé pour protéger la Belgique en cas de représailles. Le plan passe juste avant Noël.

Scénario 2 – Un compromis au rabais
Les Européens réduisent fortement l’ambition : seul une partie des intérêts est utilisée, ou le prêt est limité à quelques dizaines de milliards. L’Ukraine reçoit un peu d’air, mais pas assez pour changer la donne militaire.

Scénario 3 – L’échec total
Aucun accord. Chaque pays doit alors trouver seul l’argent pour aider Kiev. Certains paieront, d’autres non. L’unité européenne en prend un coup sérieux, et l’Ukraine entre dans une période d’incertitude extrême.

Une chose est sûre : les prochaines semaines seront cruciales. Derrière les débats techniques et juridiques se joue rien de moins que la capacité de l’Europe à tenir tête à la Russie sur le long terme, sans les États-Unis comme béquille.

Et au milieu de tout cela, un petit pays de 30 000 km², souvent moqué pour ses divisions internes, se retrouve paradoxalement en position de faiseur de roi. La Belgique, par la voix de Bart De Wever, rappelle à l’Europe entière qu’on ne peut pas demander à un seul État de porter les risques d’une guerre qui concerne tout le continent.

Le compte à rebours est lancé.

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