Imaginez-vous entrer dans un commerce pour poser quelques questions anodines, micro caché, caméra discrète… et soudain la porte se referme derrière vous comme un piège. Plus moyen de sortir. Des menaces. Des gestes brutaux. Une heure qui semble une éternité. C’est exactement ce qu’a vécu une journaliste italienne, début novembre 2025, dans une boucherie halal de la rue de Lannoy à Roubaix.
Quand le reportage vire au cauchemar
Costanza Tosi, envoyée spéciale d’une grande chaîne italienne, enquêtait sur la place grandissante des boucheries halal dans certaines villes françaises. Rien de bien méchant en apparence : quelques plans, quelques interviews rapides, un sujet comme on en voit des dizaines sur les chaînes européennes.
Mais dans cette artère bien connue de Roubaix, déjà mise en lumière par un célèbre numéro de Zone Interdite en 2022, la réalité a rattrapé la fiction de la manière la plus brutale.
À peine entrée, la journaliste est repérée. Le ton monte immédiatement. Le boucher et son fils lui reprochent de filmer sans autorisation. Ce qui aurait pu rester une simple altercation verbale dégénère en une véritable séquestration.
« Ils m’ont séquestrée » : le récit minute par minute
La journaliste raconte avoir été bloquée physiquement à l’intérieur du magasin. Impossible de rejoindre la porte. Les deux hommes lui barrent le passage. Elle propose d’effacer les images. Refus catégorique.
« Je leur ai dit qu’ils pouvaient appeler la police s’ils voulaient, que moi je voulais seulement sortir. »
Mais la situation empire. On lui réclame son téléphone portable. Elle refuse d’abord, puis, sous la pression, finit par céder le code de déverrouillage en échange d’une promesse de libération.
Promesse qui ne sera jamais tenue.
Le boucher aurait même déclaré, avec un sourire glacial : « Je ne suis pas un homme de parole ». Pendant plus d’une heure, la journaliste reste prisonnière, criant, suppliant, tandis que le fils lui montre son poing en la menaçant de la frapper si elle continue à parler trop fort.
Sur les images de la caméra dissimulée dans son sac, toujours en marche, on entend distinctement : « Wallah je vais te mettre une droite ! »
La rue de Lannoy, symbole d’une fracture française
Cette artère de Roubaix n’a pas été choisie au hasard. En janvier 2022, un reportage choc de Zone Interdite avait déjà braqué les projecteurs sur ce quartier. On y voyait des boutiques 100 % halal, des femmes voilées intégralement, des commerçants refusant de servir des clients jugés « non musulmans », et une atmosphère de séparatisme assumé.
Trois ans plus tard, rien ne semble avoir changé. Pire : la simple présence d’une caméra semble devenue une provocation insupportable.
Comment en est-on arrivé là ? Comment une rue française peut-elle devenir un territoire où filmer équivaut à prendre le risque d’être séquestré ?
La liberté de la presse en danger dans certains quartiers
Cet incident n’est malheureusement pas isolé. Ces dernières années, de nombreux journalistes ont rapporté des difficultés croissantes à travailler dans certaines zones sensibles.
- Refus systématique d’être filmés
- Menaces verbales récurrentes
- Agressions physiques en augmentation
- Escortes policières parfois nécessaires
Ce qui frappe dans l’affaire de Roubaix, c’est l’extrême violence de la réaction pour une simple infraction – filmer sans autorisation dans un lieu ouvert au public. Une infraction qui, au pire, mérite une remontrance ou une plainte, pas une séquestration d’une heure.
Le message envoyé est clair : certaines règles de la République ne s’appliquent plus partout de la même façon.
Les réactions politiques ne se sont pas fait attendre
Dès la diffusion des premières images en Italie, puis leur reprise en France, les responsables politiques de droite et d’extrême droite se sont emparés de l’affaire.
Certains y voient la preuve irréfutable que des pans entiers du territoire national échappent à l’autorité de l’État. D’autres dénoncent une islamisation rampante qui rendrait certaines zones hostiles à la simple observation journalistique.
À gauche, le silence est assourdissant ou les réactions se limitent à rappeler que « tous les musulmans ne sont pas responsables des actes d’une minorité » – une évidence que personne ne conteste, mais qui n’explique en rien la gravité des faits.
Que dit la loi exactement ?
Filmer dans un commerce ouvert au public sans autorisation peut effectivement poser problème. Mais la réponse proportionnée aurait été :
- Demander l’arrêt du tournage
- Appeler les forces de l’ordre
- Porter plainte pour atteinte à la vie privée
En aucun cas retenir quelqu’un contre son gré pendant plus d’une heure en le menaçant de violence physique.
La journaliste a porté plainte pour séquestration, menaces de mort et violences. Une enquête est en cours. Reste à savoir si les auteurs seront réellement inquiétés.
Car dans bien des affaires similaires, les plaintes finissent classées sans suite ou débouchent sur des peines symboliques.
Un symptôme d’une société qui se fracture
Cet événement dépasse largement le simple fait divers. Il révèle une fracture profonde :
- Une partie de la population vit selon des codes parallèles
- La loi républicaine semble reculer dans certains territoires
- La liberté d’informer devient un acte de courage
- Le simple fait de poser des questions peut être perçu comme une agression
Quand une journaliste doit craindre pour sa sécurité physique en faisant son travail sur le sol français, c’est toute la démocratie qui vacille.
Et le plus terrifiant, c’est que ce genre d’histoire ne choque même plus grand monde. On hausse les épaules. « C’est normal dans ces quartiers-là » entend-on parfois.
Non. Rien n’est normal dans cette affaire.
Vers une cartographie des zones à risque pour les journalistes ?
Certains syndicats de journalistes commencent à réfléchir sérieusement à établir des cartes des zones sensibles où l’exercice du métier deviendrait trop dangereux sans protection policière.
Une idée qui aurait paru totalement ubuesque il y a vingt ans.
Aujourd’hui, elle apparaît presque comme une nécessité.
Conclusion : jusqu’où ira le déni ?
L’affaire de la journaliste séquestrée à Roubaix n’est pas qu’un fait divers sordide de plus. C’est un signal d’alarme assourdissant.
Tant que nous refuserons de regarder la réalité en face, tant que nous continuerons à minimiser ou à excuser ce genre d’agissements au nom de je-ne-sais-quel « contexte social », la situation ne fera qu’empirer.
La République doit être la même partout. La loi doit s’appliquer partout. Et la liberté de la presse doit être défendue partout, sans exception.
Sinon, demain, c’est peut-être vous qui entrerez dans un commerce… et qui n’en ressortirez pas libre.
Roubaix, novembre 2025. Une journaliste italienne pensait faire un reportage. Elle a vécu un cauchemar. Et personne ne semble prêt à tirer les leçons qui s’imposent.









