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Ouzbékistan : Prières Massives pour la Pluie Face à la Sécheresse

En Ouzbékistan, plus de 2 100 mosquées ont retenti vendredi d’une prière jamais organisée auparavant : demander à Dieu d’envoyer la pluie. La sécheresse de 2025 est la pire en 170 ans. Face à l’urgence, le pays tente aussi des technologies controversées… Jusqu’où ira-t-il ?

Imaginez un ciel d’un bleu implacable, sans le moindre nuage depuis des mois. Des terres autrefois fertiles qui se fissurent comme de la porcelaine brisée. Et dans ce silence brûlant, des milliers de voix qui s’élèvent pour supplier le ciel d’ouvrir enfin ses vannes. C’est ce qui s’est passé vendredi en Ouzbékistan.

Pour la première fois de mémoire récente, les autorités religieuses ont ordonné une prière collective spéciale dans toutes les mosquées du pays. Objectif : implorer la pluie.

Une prière inédite dans 2 100 mosquées

À Tachkent, Samarcande, Boukhara ou dans les plus petits villages, le même rituel s’est répété. Les imams ont récité la salat al-istisqa, la prière de demande de pluie, une pratique ancienne rarement utilisée ces dernières décennies.

Abdourachid Rassoulov, 63 ans, sortait visiblement ému de la mosquée : « Nous n’avions jamais fait cela de mon vivant. Mais cette année, la pluie se fait tellement attendre que les responsables nous ont dit de prier tous ensemble pour qu’Allah nous envoie de l’eau. »

« Nous avons prié pour la bénédiction de notre pays et de notre terre, et pour que la pluie tombe en abondance. »

Anvar Abdouazizov, 67 ans, fidèle à Tachkent

2025 : la pire sécheresse en 170 ans

L’Agence météorologique ouzbèke ne mâche pas ses mots : la sécheresse qui frappe Tachkent cette année est l’une des plus graves enregistrées depuis le milieu du XIXe siècle. Les précipitations sont tombées à des niveaux historiquement bas.

Dans certaines régions, il n’a pratiquement pas plu depuis le printemps. Les réserves d’eau des barrages fondent à vue d’œil, les cultures sèchent sur pied et le bétail souffre.

Cette situation n’est pas un simple caprice climatique passager. Elle s’inscrit dans une tendance lourde et inquiétante.

Un réchauffement trois fois plus rapide que la moyenne mondiale

Le dernier rapport du Programme des Nations Unies pour l’environnement est sans appel. En six décennies, la température moyenne annuelle en Ouzbékistan a augmenté près de trois fois plus vite que la moyenne planétaire.

Le chiffre donne le vertige : +1,6 °C déjà constatés sur l’ensemble du territoire, jusqu’à +2,5 °C dans la zone sinistrée de la mer d’Aral. Et ce n’est qu’un début.

Conséquences directes déjà visibles :

  • Sécheresses plus fréquentes et plus longues
  • Fonte accélérée des glaciers du Tian Shan et du Pamir
  • Baisse dramatique du niveau des fleuves Amou-Daria et Syr-Daria
  • Disparition progressive de la mer d’Aral (déjà réduite à 10 % de sa surface d’origine)

Les glaciers, cette bombe à retardement

En Asie centrale, les glaciers sont littéralement les châteaux d’eau de la région. Plus de 80 millions de personnes dépendent directement de leur fonte estivale pour l’irrigation et l’eau potable.

Or, les scientifiques sont formels : si rien n’est fait, la quasi-totalité de ces glaciers pourrait disparaître d’ici la fin du siècle. Un scénario catastrophe qui priverait des pays entiers de leur principale source d’eau en été.

L’Ouzbékistan, déjà en première ligne, ressent les premiers effets de cette fonte accélérée.

La poussière qui étouffe les villes

Autre conséquence directe : l’explosion des tempêtes de poussière. Avec moins de végétation pour retenir le sol et des vents plus violents, d’immenses nuages de particules fines s’élèvent régulièrement.

Résultat : l’Ouzbékistan figure désormais parmi les pays les plus pollués au monde en termes de qualité de l’air. À Tachkent, les indices de PM2,5 dépassent régulièrement les seuils dangereux pour la santé.

Le chauffage au charbon, les vieilles voitures roulant à l’essence de mauvaise qualité et ces tempêtes de sable forment un cocktail toxique particulièrement nocif pour les enfants et les personnes âgées.

Quand la science tente de remplacer le ciel

Face à l’urgence, les autorités ouzbèkes explorent toutes les pistes, même les plus controversées. Dans la région désertique de Navoï, des installations expérimentales ont été déployées au printemps.

Le principe ? Des générateurs envoyant des électrons dans l’atmosphère pour attirer les molécules d’eau et favoriser la condensation. Une autre technique étudiée : le bombardement des nuages avec des particules d’iodure d’argent.

« Le coût est énorme et les risques de pollution environnementale ne sont pas négligeables. Mais quand les gens n’ont plus d’eau… »

Un responsable régional, sous couvert d’anonymat

Ces technologies de modification météorologique existent depuis les années 1950, mais leur efficacité reste débattue et leurs effets secondaires mal connus à long terme.

Entre foi et technologie : la double réponse ouzbèke

Ce qui frappe dans cette crise, c’est la coexistence de deux approches apparemment opposées. D’un côté, des dizaines de milliers d’hommes se tournant vers le ciel pour demander la miséricorde divine. De l’autre, des ingénieurs tentant de forcer ce même ciel à obéir.

Cette dualité n’a rien de contradictoire pour la plupart des Ouzbeks. La prière collective a été ordonnée par les autorités religieuses officielles, en parfait accord avec l’État. Un mélange de tradition et de pragmatisme très centrasiatique.

Et qui sait ? Peut-être que la pluie finira par tomber. Par miracle ou grâce à la science. Ou les deux.

Ce que cette crise nous dit du monde de demain :

  • Le changement climatique frappe déjà durement les pays en développement
  • Les solutions purement techniques ont leurs limites
  • Les traditions spirituelles gardent une place centrale dans la réponse aux crises
  • L’Asie centrale pourrait devenir le laboratoire des grandes migrations climatiques du XXIe siècle

En attendant, dans les mosquées ouzbèkes, les tapis de prière restent tournés vers La Mecque. Et vers un ciel qui, pour l’instant, reste obstinément muet.

Mais pour combien de temps encore ?

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