Il est un peu plus de sept heures du matin, ce mercredi 27 novembre 2025, quand un gardien d’immeuble effectue sa ronde habituelle dans une petite voie privée de Drancy, en Seine-Saint-Denis. Ce qu’il découvre va le glacer d’effroi : le corps inerte d’un homme gît au sol, baignant dans une mare de sang déjà noirci. Quatre impacts de balle, précis, mortels, au cou et au thorax. L’exécution est signée.
Un crime froidement exécuté en pleine nuit
Rien ne laissait présager un tel drame dans cette rue d’ordinaire calme. Les premières constatations du médecin légiste sont formelles : la victime a été tuée plusieurs heures plus tôt, probablement entre minuit et cinq heures du matin. Le ou les tueurs ont donc agi en toute discrétion, puis abandonné le corps sur place, comme un message.
Quatre projectiles. Quatre balles tirées à bout portant, avec une précision terrifiante. On imagine difficilement un simple différend qui dégénère : ici, tout porte la marque d’un règlement de comptes professionnel. Le choix du cou et du thorax, zones immédiatement vitales, ne laisse aucun doute sur l’intention : faire taire, définitivement.
Drancy, une ville sous tension permanente
Drancy n’est pas épargnée par la violence qui ronge une partie de la Seine-Saint-Denis. Ces dernières années, les faits divers s’y multiplient à une vitesse inquiétante. Stabbings en pleine rue à Aubervilliers voisin, saisies records de cocaïne, caillassages de police à Villetaneuse ou Aulnay-sous-Bois… Le département concentre une part écrasante des règlements de comptes liés au trafic de stupéfiants en Île-de-France.
Et pourtant, la ville tente de garder une façade tranquille. Des immeubles rénovés, des parcs, des écoles. Mais derrière les façades propres, la réalité est plus sombre. Les cités voisines, les points de deal qui se déplacent sans cesse, les rivalités entre bandes qui n’hésitent plus à sortir l’arme lourde. Un cocktail explosif qui finit, trop souvent, par coûter des vies.
Que sait-on de la victime ?
À l’heure où nous écrivons ces lignes, l’identité de l’homme n’a pas encore été officiellement communiquée. Les enquêteurs passent au peigne fin son téléphone, ses fréquentations, son casier. Mais dans le quartier, certains murmurent déjà qu’il « trempait » dans des affaires douteuses. Un prénom circule, un surnom aussi. Rien de confirmé, mais assez pour que l’on comprenne que ce n’était pas un simple passant.
Des témoins affirment avoir entendu des détonations dans la nuit, vers trois heures du matin. Des bruits secs, étouffés par un silencieux ? Possible. En tout cas, personne n’a appelé la police immédiatement. Peur des représailles, habitude de la violence, ou simplement fatigue d’une population qui en a trop vu : le silence est devenu la norme.
Un mode opératoire qui interpelle
Abandonner le corps sur place, en pleine rue, même privée, c’est un choix. Un avertissement. Dans le milieu du narcobanditisme, on appelle ça « poser un macchabée ». L’objectif ? Terrifier les rivaux, marquer son territoire, montrer qu’on ne plaisante pas. On se souvient du corps calciné retrouvé dans les quartiers nord de Marseille il y a quelques semaines, disposé dans une mise en scène macabre. Même logique : la mort doit être spectaculaire pour être efficace.
Les quatre balles, elles, parlent d’elles-mêmes. Ce n’est pas l’œuvre d’un amateur qui vide son chargeur en paniquant. C’est précis, presque chirurgical. Un tueur expérimenté, ou du moins quelqu’un qui a déjà fait ça. Peut-être même un contrat passé depuis l’extérieur du département.
La Seine-Saint-Denis, terre de tous les trafics
Il faut le dire sans détour : la Seine-Saint-Denis est devenue l’un des principaux hubs du trafic de cocaïne en France. Les saisies se multiplient, records après records. Seize kilos saisis à Aubervilliers il y a quelques années, des dizaines de kilos interceptés chaque mois sur l’A1 ou l’A3. Et derrière chaque kilo, il y a des hommes prêts à tout pour protéger leur business.
L’argent coule à flots. Les guetteurs gagnent plus qu’un cadre, les « charbonneurs » roulent en Audi dernier cri dès 18 ans. Et quand un maillon de la chaîne veut se mettre à son compte, ou quand un concurrent empiète sur le territoire, la réponse est souvent la même : le plomb.
Les habitants, eux, vivent sous cette menace permanente. Les mères qui tremblent quand leurs fils sortent après 22 heures. Les gardiens d’immeuble qui refusent de verbaliser les voitures mal garées de peur de se faire tabasser. Les pompiers et les policiers caillassés dès qu’ils mettent un pied dans certaines cités. Une guerre de basse intensité qui ne dit pas son nom.
Et maintenant ?
L’enquête a été confiée à la police judiciaire de Seine-Saint-Denis. Les caméras de vidéosurveillance vont être épluchées, les téléphones bornés, les témoins auditionnés. Mais dans ces affaires, la loi du silence règne. Combien de proches savent déjà qui est responsable, mais garderont la bouche close ? Combien de vies auraient pu être sauvées si quelqu’un avait parlé plus tôt ?
Ce drame de Drancy n’est pas un cas isolé. C’est le énième épisode d’une série qui semble sans fin. Tant que l’État ne reprendra pas la main fermement sur ces territoires perdus, tant que la justice ne frappera pas assez fort et assez vite, d’autres corps seront abandonnés au petit matin.
En attendant, une famille pleure un fils, un frère, un père peut-être. Et une rue de Drancy se réveille avec la peur au ventre, en se disant que ça aurait pu être n’importe qui, n’importe quand.
Parce qu’en 2025, dans certains coins de France, vivre reste encore un acte de courage.









