Imaginez vivre au 25e étage, entendre une alerte à peine audible, puis voir des flammes orangées lécher votre balcon en quelques minutes à peine. Mercredi après-midi, ce cauchemar est devenu réalité pour des milliers d’habitants de Wang Fuk Court, dans le district de Tai Po, au nord de Hong Kong. Ce qui a commencé comme un incendie apparemment limité s’est transformé en l’une des pires tragédies urbaines du siècle.
La Catastrophe la Plus Meurtrière depuis Des Décennies
Le feu s’est déclaré peu avant 15 heures, heure locale. En quelques instants, il a gagné les échafaudages en bambou qui enveloppaient les huit tours du complexe résidentiel. Les images tournées par les habitants sont terrifiantes : des murs de flammes qui courent d’étage en étage, comme si les immeubles eux-mêmes brûlaient de l’intérieur.
Ce n’est que vendredi matin, soit près de quarante-huit heures plus tard, que les pompiers ont officiellement déclaré l’incendie maîtrisé. Entre-temps, la ville entière retenait son souffle.
Un Bilan Provisoire Effroyable
À l’heure où ces lignes sont écrites, le drame a coûté la vie à au moins 128 personnes, dont un pompier mort en intervention. Quatre-vingt-neuf corps n’avaient toujours pas été identifiés vendredi après-midi. Plus d’une centaine d’habitants restent portés disparus.
Dans les hôpitaux, une soixantaine de blessés luttent encore pour leur vie, dont onze dans un état critique. Des familles entières errent de morgue en morgue, espérant reconnaître un proche ou, au contraire, ne pas le reconnaître.
Pour situer l’ampleur du désastre : il s’agit de l’incendie d’immeuble résidentiel le plus meurtrier dans le monde depuis 1980 (hors discothèques, prisons ou centres commerciaux) et du pire à Hong Kong depuis 1948.
Wang Fuk Court : un Complexe des Années 80 en Pleine Rénovation
Construit en 1983, Wang Fuk Court compte huit tours de 31 étages et près de 2 000 logements. Situé dans les Nouveaux Territoires, ce quartier populaire abrite principalement des familles de la classe moyenne.
Au moment du drame, l’ensemble était en travaux. Des échafaudages traditionnels en bambou, typiques de Hong Kong, entouraient les bâtiments. Des filets de protection et des panneaux de mousse recouvraient les façades pour limiter les nuisances du chantier. C’est précisément cette combinaison qui a transformé un incendie localisé en catastrophe.
Comment le Feu a-t-il Pu Se Propager Aussi Vite ?
Les premières constatations sont accablantes. Le feu aurait pris dans les parties basses des filets de chantier avant de grimper à une vitesse fulgurante le long des échafaudages en bambou. Ce matériau, léger et flexible, est utilisé partout à Hong Kong… mais il brûle comme de l’amadou dès qu’une étincelle l’atteint.
À cela s’ajoutent les panneaux de mousse isolante posés sur les fenêtres : extrêmement inflammables. Un cocktail explosif, littéralement.
Le chef des pompiers, Andy Yeung, a été clair : « Nous avons constaté que les systèmes d’alarme dans les huit bâtiments ne fonctionnaient pas correctement. » Des résidents ont confirmé n’avoir entendu qu’un faible signal, voire rien du tout.
« J’ai cru que c’était une blague, le son était si faible. Quand j’ai ouvert la porte, le couloir était déjà rempli de fumée noire. »
Témoignage recueilli auprès d’un survivant du 18e étage
Des Arrestations Rapidement Menées
Dès le lendemain, la commission de lutte contre la corruption annonçait l’arrestation de huit personnes : deux responsables du bureau d’études, deux chefs de travaux, trois sous-traitants spécialisés dans les échafaudages et un intermédiaire. Âgés de 40 à 63 ans, ils sont soupçonnés de négligences graves.
Plus tôt, trois autres hommes avaient été interpellés pour « grossière négligence » après la découverte de matériaux inflammables abandonnés sur le chantier. Le vent soutenu ce jour-là a fait le reste : le feu a littéralement couru d’une tour à l’autre.
L’enquête officielle devrait durer trois à quatre semaines, mais les premières conclusions laissent peu de place au doute : la sécurité élémentaire n’a pas été respectée.
Hong Kong, une Ville Conçue pour les Records… et les Risques
Avec 7,5 millions d’habitants sur à peine 1 100 km², Hong Kong est l’endroit le plus densément peuplé de la planète dans ses zones urbanisées. On y compte plus de 569 bâtiments de plus de 150 mètres – un record mondial.
Cette verticalité extrême, combinée à la rareté du terrain constructible, a conduit à empiler des dizaines de milliers de logements dans des tours parfois vieillissantes. Les Nouveaux Territoires, où se trouve Tai Po, ont absorbé la majorité de cette croissance ces quarante dernières années.
Quelques chiffres qui donnent le vertige :
- Densité moyenne : plus de 7 100 habitants/km²
- Dans les zones les plus denses : jusqu’à 50 000 habitants/km²
- Prix moyen du m² : parmi les plus élevés au monde
- Plus de 9 000 immeubles de plus de 30 étages
Dans ce contexte, un incendie qui se propage d’une tour à l’autre n’est pas seulement une catastrophe : c’est une bombe à retardement que beaucoup craignaient depuis longtemps.
Et Maintenant ?
Les pompiers ont terminé l’inspection de tous les appartements. Le bilan risque encore de s’alourdir, même si l’espoir de retrouver des survivants s’amenuise heure après heure.
Dans les rues de Tai Po, l’atmosphère est irréelle. Des autels improvisés fleurissent devant les grilles calcinées du complexe. Des photos, des fleurs, des messages : « Repose en paix, maman », « Tu nous manques déjà ».
Au-delà du chagrin, une question brûle toutes les lèvres : combien de Wang Fuk Court dorment encore dans Hong Kong ? Combien de tours vieillissantes, entourées d’échafaudages inflammables, attendent la prochaine étincelle ?
Cette tragédie, aussi terrible soit-elle, pourrait être le déclencheur d’une prise de conscience collective. Les autorités ont déjà promis des contrôles renforcés sur les chantiers et les systèmes d’alarme. Mais pour les familles endeuillées, il est déjà trop tard.
Dans une ville qui n’a jamais eu le luxe de l’espace, la sécurité ne peut plus être une option. Elle doit devenir la priorité absolue.
(Article mis à jour le 28 novembre 2025 – sources officielles et témoignages vérifiés)
