Imaginez-vous en train d’écouter la radio le matin, persuadé d’entendre une information neutre et équilibrée, financée par vos impôts. Et si, derrière les voix familières, se cachait un filtre idéologique systématique ? C’est la question brutale que pose une étude sortie il y a quelques jours et qui fait déjà trembler les couloirs de la Maison de la Radio.
Quand l’intelligence artificielle passe les matinales au scanner
Pour la première fois, un organisme indépendant a décidé de sortir la loupe… ou plutôt le grand microscope numérique. Pendant tout le mois d’octobre 2025, des centaines d’heures d’antenne ont été analysées par des algorithmes spécialement entraînés à détecter les tonalités, les adjectifs employés, le temps de parole et surtout le sens des critiques ou des compliments adressés aux différents courants politiques.
Le verdict est sans appel : le pluralisme tant vanté dans les rapports officiels semble appartenir à la fiction plus qu’à la réalité quotidienne des ondes publiques.
La majorité présidentielle et la droite systématiquement épinglées
Commençons par les chiffres qui font mal. La majorité présidentielle truste près de 46,7 % des mentions relevées dans les matinales. Un score colossal. Mais attention : 61 % de ces mentions sont négatives. Autrement dit, dès qu’un ministre ou un député de la majorité ouvre la bouche, il a six chances sur dix de se faire taper dessus par les journalistes ou les chroniqueurs.
La droite parlementaire n’est pas mieux lotie. Elle représente 16,6 % des interventions – un chiffre déjà supérieur à son poids réel à l’Assemblée – mais là encore, 62 % du traitement est négatif. Les commentateurs parlent de « charge », de « démolition en règle », de « questions orientées » qui transforment l’invité en punching-ball.
Quant aux extrêmes, qu’ils soient de droite ou de gauche, ils sont tout simplement présentés comme des facteurs de désordre politique. Ni plus ni moins.
« Les personnalités d’extrême droite comme d’extrême gauche sont presque toujours associées à des termes péjoratifs : chaos, menace, violence verbale… »
Extrait du rapport d’analyse
Le traitement de faveur réservé à la gauche institutionnelle
À l’inverse, un autre monde existe à l’antenne. Celui où l’on parle avec douceur des figures du centre-gauche et de la gauche modérée. Les mots qui reviennent ? Compétence, crédibilité, sens de l’État, hauteur de vue. On les félicite, on les valorise, on leur passe la pommade avec une constance remarquable.
L’étude va plus loin en analysant les chroniques, ces petits éditos qui rythment les matinales. Sur 1 280 chroniques écoutées en octobre :
- 47 % affichent une orientation clairement à gauche
- 14 % seulement à droite
- Le reste étant considéré comme neutre ou indéterminé
Et quand on zoome station par station, les chiffres deviennent vertigineux : 60 % des chroniques orientées à gauche sur la grande station généraliste, et jusqu’à 66 % sur la chaîne culturelle. Des chiffres qui laissent peu de place au doute.
Les sujets sensibles toujours abordés sous le même angle
Mais le plus inquiétant n’est peut-être pas là. L’étude montre que certains thèmes récurrents – immigration, sécurité, justice, conflits internationaux – sont systématiquement abordés avec un prisme de gauche. Les mots employés, les invités choisis, les exemples mis en avant : tout concourt à imposer une seule grille de lecture.
Prenez l’immigration. Rarement on entendra parler de difficultés d’intégration sans que cela soit immédiatement contrebalancé par des témoignages positifs ou des rappels historiques culpabilisants. Idem pour la délinquance : le lien avec l’immigration est presque toujours nié ou minimisé, même quand les statistiques officielles disent autre chose.
Exemple concret relevé dans l’étude :
Un débat sur la sécurité dans les grandes villes. Sur dix interventions, huit mettent en avant le « sentiment » d’insécurité plutôt que l’insécurité réelle, et les deux restantes accusent les discours sécuritaires… d’attiser la peur.
Une commission d’enquête qui tombe à pic
Le timing ne pouvait pas être plus explosif. À peine l’étude publiée, la commission d’enquête parlementaire sur la neutralité et l’indépendance de l’audiovisuel public démarre ses travaux. Créée il y a quelques jours seulement, elle va devoir se pencher sur ces chiffres accablants.
Certains députés promettent déjà des auditions musclées. D’autres, au contraire, minimisent et parlent de « méthode contestable ». Mais une chose est sûre : le sujet est désormais sur la table, et il ne va pas en redescendre de sitôt.
Pourquoi ce déséquilibre persiste-t-il depuis tant d’années ?
On pourrait croire à un accident. À une dérive passagère. Pourtant, ceux qui écoutent les ondes publiques depuis vingt ans savent que ce n’est pas nouveau. Les recrues, les promotions, les choix éditoriaux : tout semble converger vers une même couleur politique dominante.
Est-ce un problème de recrutement ? D’autocensure ? De pression sociale au sein des rédactions ? L’étude ne tranche pas mais pose la question brutalement : comment peut-on parler de service public quand une grande partie des Français ne s’y reconnaît plus du tout ?
Quand on paye une redevance pour financer un média censé parler à tous, on est en droit d’exiger autre chose qu’un miroir déformant de la société.
Et maintenant ? Vers un rééquilibrage forcé ?
Plusieurs scénarios se dessinent. Certains appellent à des quotas de chroniqueurs de droite, idée qui fait hurler les défenseurs de la liberté éditoriale. D’autres proposent des chartes plus strictes, des formations à la neutralité, ou même des indicateurs de pluralisme publiés chaque année.
Mais au-delà des mesures techniques, c’est une question de culture qui est posée. Peut-on encore prétendre informer objectivement quand toute une rédaction partage peu ou prou la même vision du monde ?
Une chose est certaine : les Français, eux, ont déjà commencé à voter avec leur bouton off. Les audiences des matinales, bien que toujours élevées, stagnent ou baissent chez les moins de 50 ans. Beaucoup se tournent vers les réseaux sociaux ou les podcasts indépendants pour trouver une parole qui leur ressemble enfin.
Le service public a encore du chemin à faire pour redevenir ce qu’il n’aurait jamais dû cesser d’être : la voix de tous les Français, sans exception.
À suivre de très près dans les prochains mois. Car cette fois, les chiffres parlent plus fort que les communiqués lénifiants.









