Imaginez la scène : un Alsacien de 27 ans, pas forcément attendu sur la plus haute marche, qui décide de tout casser lors d’un tournoi secondaire en Allemagne. En une semaine, Joé Seyfried passe de 118e à futur 99e mondial et offre à la France son dixième représentant dans le top 100. C’est l’histoire d’une ascension aussi brutale que magnifique.
Le coup de tonnerre de Düsseldorf II
Le WTT Feeder de Düsseldorf II, c’est l’équivalent d’un Challenger en tennis : un tournoi relevé mais pas le plus prestigieux du circuit. Pourtant, c’est précisément là que Joé Seyfried a choisi de frapper un grand coup. Parti sans le statut de favori, il a tout simplement marché sur la concurrence.
En six matchs, il n’a lâché que trois petits sets. Trois. Autant dire qu’il a été impérial du premier au dernier échange.
Un parcours quasi parfait
Reprenons le film de sa semaine folle :
- 1er tour : Juan Perez (Espagne) battu 3-1
- 2e tour : Cedric Meissner (Allemagne) balayé 3-0
- Quarts : Cho Seungmin (Corée du Sud, n°71, tête de série n°3) dompté
- Demi-finale : Adrien Rassenfosse (Belgique, n°61, tête de série n°2) écrasé 3-0
- Finale : Tom Jarvis (Angleterre, n°72, tête de série n°4) vaincu 3-1
Quatre têtes de série sur cinq éliminées. C’est du jamais-vu à ce niveau. Même les plus optimistes n’auraient pas misé un euro sur un tel scénario.
« Je ne réalise pas encore tout à fait. Gagner mon premier titre WTT comme ça, en battant des joueurs aussi solides, c’est incroyable. »
Joé Seyfried, juste après la finale
Dix Français dans le top 100 : une performance historique
Avec l’entrée (ou plutôt le retour) de Seyfried à la 99e place mardi prochain, la France alignera dix joueurs dans le cercle très fermé des 100 meilleurs mondiaux. Un chiffre impressionnant quand on sait que seules le Japon (12) et la Chine (11) font mieux.
Voici le club très select des dix :
- Félix Lebrun – 6e
- Alexis Lebrun – 10e
- Simon Gauzy – 17e
- Flavien Coton – 33e
- Thibault Poret – 34e
- Lilian Bardet – 43e
- Léo De Nodrest – 78e
- Jules Rolland – 90e
- Florian Bourrassaud – 94e
- Joé Seyfried – futur 99e
Derrière les intouchables frères Lebrun, on retrouve une génération dorée qui pousse fort. La profondeur du vivier français n’a probablement jamais été aussi impressionnante.
Qui est vraiment Joé Seyfried ?
À 27 ans, l’Alsacien n’est pas un inconnu, mais il restait dans l’ombre des stars tricolores. Joueur de Saint-Denis US 93 en Pro A, il avait déjà goûté au top 100 cet été en grimpant jusqu’à la 88e place après de bons résultats à Zagreb et Almaty.
Fin 2025, il semble avoir franchi un cap mental et physique. Sa semaine à Mascate (sortie des qualifs, victoire sur De Nodrest, défaite honorable contre Ovtcharov) avait déjà montré qu’il montait en puissance. Düsseldorf n’est que la confirmation éclatante.
Style de jeu ? Un attaquant complet, très solide en coup droit, capable de varier les effets et surtout doté d’une résistance mentale à toute épreuve dans les moments chauds. Exactement ce qu’il a montré en finale face à Jarvis.
Et maintenant ? Objectif Parme et plus loin
Pas le temps de souffler. Dès vendredi, Joé Seyfried remet le couvert au WTT Feeder de Parme, dernier tournoi de l’année dans cette catégorie. L’objectif ? Confirmer, engranger encore des points et pourquoi pas enchaîner un deuxième titre.
Jules Rolland sera également présent. Les deux Français pourraient se retrouver et offrir un nouveau duel 100 % tricolore.
À plus long terme, cette performance change la donne. Seyfried peut désormais viser les gros Contenders et, qui sait, se rapprocher des WTT Champions en 2026. Quand on est capable de battre quatre têtes de série en une semaine, tout devient possible.
Pourquoi cette dixième place française est plus qu’un simple chiffre
Au-delà du symbole, dix joueurs dans le top 100, c’est une assurance tous risques pour les compétitions par équipes. Que ce soit pour les Championnats du monde 2026 ou les Jeux de Los Angeles 2028, la France aura l’embarras du choix.
C’est aussi la preuve que le modèle français fonctionne : clubs solides en Pro A, centre de formation performant, génération dorée qui tire tout le monde vers le haut. Même les nations historiques comme la Corée du Sud (9 joueurs) ou l’Allemagne (8) sont désormais dépassées ou égalées.
Et pendant ce temps, la Chine regarde dans le rétroviseur avec seulement onze représentants… Chose impensable il y a encore cinq ans.
Le mot de la fin
Joé Seyfried n’a peut-être pas encore le nom aussi clinquant que les frères Lebrun ou Simon Gauzy, mais il vient de prouver qu’il fallait désormais compter avec lui. Son titre à Düsseldorf n’est pas un feu de paille : c’est le début d’une vraie histoire au plus haut niveau.
Le tennis de table français vit une période dorée. Et quelque part en Allemagne, un Alsacien de 27 ans vient d’ajouter une nouvelle pierre, massive, à l’édifice.
À suivre de très près.









