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Sarfo Emmanuel Annor : L’Art du Sport Africain en Téléphone

Un jeune Ghanéen de 23 ans transforme de vieux maillots de foot européens chinés au marché en œuvres d’art explosant de couleurs… avec uniquement son téléphone. Derrière ces images qui font le tour du monde se cache un message puissant sur l’Afrique, la jeunesse et la surconsommation. Vous allez être surpris par la suite…

Imaginez un dimanche matin à Koforidua, à deux heures d’Accra. Le soleil tape déjà fort, les étals débordent de vêtements venus d’Europe, et un jeune homme de 23 ans fouille méthodiquement les piles de maillots de foot usagés. Il ne cherche pas le maillot le plus rare pour sa collection personnelle. Non. Il cherche la couleur qui va exploser en photo. Ce jeune homme s’appelle Sarfo Emmanuel Annor, et il est en train de réinventer la manière dont on regarde le sport et l’Afrique.

Quand un simple téléphone devient un outil de révolution visuelle

À une époque où les photographes professionnels exhibent des boîtiers à cinq chiffres, Sarfo Emmanuel Annor n’utilise presque exclusivement que son smartphone. Pas de trépied sophistiqué, pas d’éclairage de studio, pas même d’ordinateur pour retoucher. Tout se passe dans sa poche. Et pourtant, ses images ont déjà traversé l’Atlantique, exposé à Paris, brillé à Art Basel et se vendent plusieurs milliers d’euros.

Cette démarche minimaliste n’est pas un gimmick marketing. C’est une philosophie. « Le téléphone est l’outil parfait pour raconter ma communauté, le Ghana et l’Afrique », explique-t-il simplement. Un outil que tout le monde possède, un outil démocratique qui permet à une jeunesse sans moyens de s’exprimer avec force.

Le marché aux trésors de Koforidua

Tous les dimanches, direction le grand marché. Là, parmi les montagnes de vêtements de seconde main débarqués par conteneurs entiers depuis l’Europe et le Royaume-Uni, Sarfo traque la perle rare. Un maillot du Brésil aux couleurs délavées mais encore vibrantes. Un jersey des Lions britanniques et irlandais qui claque. Des lunettes de piscine fluo. Un ballon rayé comme un zèbre.

Il a l’œil. Il sait immédiatement si la couleur va « poper » une fois placée devant un fond rouge, jaune ou bleu électrique. Car c’est là toute sa signature : des contrastes violents, des couleurs saturées qui donnent l’impression que l’image va jaillir de l’écran.

« Je flashe sur les accessoires qui ont de belles couleurs. Le bleu, le jaune, le rouge, ça marche très bien. C’est le plus esthétique. »

Sarfo Emmanuel Annor

Le sport, langage universel de la jeunesse africaine

Au Ghana, comme dans beaucoup de pays africains, le football n’est pas qu’un sport. C’est une religion, une échappatoire, un rêve collectif. Les gamins jouent pieds nus sur des terrains en terre battue avec des ballons rafistolés au scotch. Les maillots, même usés, même trop grands, sont des trésors.

Sarfo a grandi dedans. Il a joué, bien sûr. Mais très vite, ce qui l’a fasciné, ce n’était pas marquer des buts. C’était le design des maillots, les logos, les rayures de l’Inter Milan, la typographie des sponsors. « Le foot et le sport, c’est pop », dit-il avec un grand sourire. C’est ce « pop » qu’il veut capturer.

Ses modèles préférés ? Ses neveux. Des gamins pleins d’énergie qui portent fièrement les maillots chinés par leur oncle. Ils posent naturellement, parfois en mouvement, parfois figés dans une attitude presque cinématographique. L’innocence et la joie crèvent l’écran.

Goal and Ace, Bucket Hat Terre Battue, Circle of Joy… des titres qui claquent

Chaque œuvre a un nom simple, presque enfantin, qui contraste avec la puissance visuelle de l’image. Goal and Ace montre un enfant tenant à la fois un ballon de foot et une raquette de tennis. Bucket Hat Terre Battue met en scène un bob orange vif sur fond ocre. Circle of Joy rassemble plusieurs gamins autour d’un cerceau, comme une ronde joyeuse.

Ces titres ne sont pas là pour faire mystérieux. Ils sont là pour rappeler que derrière l’esthétique léchée, il y a une histoire simple : celle de l’enfance, du jeu, de la débrouillardise.

Du marché ghanéen aux galeries parisiennes

Le parcours est fulgurant. Autodidacte, Sarfo apprend le design en observant un créateur local, puis reçoit un smartphone en cadeau de sa sœur. Il commence à shooter tout ce qui l’entoure. Il découvre Instagram tardivement. Poste une première image. Puis une autre. Les likes pleuvent. Les messages affluent.

En quelques mois, son compte explose. Les galeries le repèrent. Première exposition à Paris à la Bridge Gallery. Puis Art Basel. Puis d’autres villes européennes. À tout juste 23 ans, il expose aux côtés d’artistes confirmés et ses tirages se vendent à prix d’or.

Mais il reste le même. Toujours basé à Koforidua. Toujours ce rituel du dimanche matin au marché. Toujours ce téléphone comme seul outil.

Un message écologique en filigrane

Derrière la beauté des images, il y a une réalité plus sombre. Le Ghana est devenu, malgré lui, la « poubelle de la fast fashion » mondiale. Chaque semaine, des tonnes de vêtements invendus ou donnés inondent le pays. Les plages d’Accra sont parfois recouvertes de textiles. Les maillots que Sarfo récupère font partie de ce flux.

En les sublimant, en leur offrant une seconde vie artistique, il pose une question silencieuse : et si on arrêtait de jeter ? Et si on regardait autrement ces objets que l’on considère comme des déchets ? Ses prochaines séries, annonce-t-il, tourneront explicitement autour des déchets plastiques et de la surproduction.

« Quand j’ai commencé, c’était très personnel. Maintenant, je veux que ça se voie, que ça touche. »

Sarfo Emmanuel Annor

Une vision résolument optimiste

Dans un pays où la jeunesse fait face à d’immenses défis économiques, Sarfo choisit de montrer la joie. Les couleurs éclatantes, les sourires, l’énergie débordante. Ce n’est pas de la naïveté. C’est une prise de position. L’Afrique n’est pas seulement le continent des problèmes. C’est aussi celui de la créativité, de la résilience, de la beauté.

Des médias spécialisés parlent d’une « vision profondément optimiste ». Lui rêve simplement de continuer. De shooter pour des magazines. De sport, de mode, d’architecture. D’exposer à Tokyo, à New York, au Louvre peut-être. Pourquoi pas.

Pourquoi Sarfo Emmanuel Annor nous fascine autant

Parce qu’il incarne tout ce qu’on aime dans l’art contemporain : l’accessibilité, l’authenticité, l’intelligence des moyens limités. Il nous rappelle que la création n’a pas besoin de gros budgets. Qu’un téléphone suffit si on a l’œil et quelque chose à dire.

Il nous montre aussi que le sport, bien au-delà des stades, est un langage universel. Que les maillots que l’on jette en Europe peuvent devenir, entre les mains d’un artiste ghanéen, des symboles de joie et de renaissance.

Et surtout, il prouve qu’à 23 ans, on peut venir de nulle part, n’avoir presque rien, et pourtant faire trembler le monde de l’art avec des images réalisées dans sa chambre, avec un téléphone et beaucoup, beaucoup de talent.

Sarfo Emmanuel Annor n’est pas seulement un photographe. Il est la preuve vivante que la créativité n’a pas de frontières, pas de budget minimum, pas d’âge requis. Juste besoin d’un regard. Et le sien est en train de changer la manière dont on voit l’Afrique.

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