Imaginez la mer des Caraïbes soudainement transformée en zone de guerre froide. Un porte-avions géant, l’USS Gerald R. Ford, fend les vagues à quelques encablures des côtes vénézuéliennes. Et voilà que le président américain annonce, presque calmement lors d’un discours de Thanksgiving, que la traque des narcotrafiquants ne s’arrêtera plus aux bateaux : elle va désormais se poursuivre sur la terre ferme. Très bientôt.
Une escalade qui ne surprend plus vraiment
Depuis plusieurs mois, les relations entre Washington et Caracas naviguent dans des eaux plus que troubles. Ce que Donald Trump présente comme une simple lutte antidrogue prend, aux yeux de nombreux observateurs, des allures de préparation militaire à grande échelle.
Le ton est monté d’un cran ces dernières semaines. Le déploiement du plus grand porte-avions du monde dans la région n’était déjà pas anodin. L’annonce d’opérations terrestres le devient encore moins.
Le bilan maritime impressionnant revendiqué par Washington
Depuis septembre, les forces américaines affirment avoir intercepté plus de vingt navires suspects. Le bilan humain est lourd : au moins quatre-vingt-trois personnes ont perdu la vie lors de ces opérations.
Le président américain se félicite d’un succès franc : selon lui, le trafic de drogue par voie maritime aurait chuté d’environ 85 %. Les trafiquants, dit-il, évitent désormais la mer. Conséquence logique : ils se rabattent sur la terre.
Et c’est précisément là que les États-Unis comptent les attendre.
« Vous avez probablement remarqué que les gens ne veulent plus livrer par la mer, et nous allons commencer à les arrêter sur terre également. Très bientôt. »
Donald Trump, lors de son allocution de Thanksgiving aux troupes
Caracas crie à l’agression impérialiste
De l’autre côté de la frontière, le discours est radicalement différent. Nicolas Maduro et son gouvernement rejettent totalement les accusations américaines. Pour eux, le Venezuela n’est qu’un couloir marginal pour la drogue produite en Colombie, premier producteur mondial.
Ils estiment que moins de 5 % du trafic transite par leur territoire. Le reste, selon Caracas, passe par d’autres routes bien connues des autorités américaines.
Mais surtout, le pouvoir vénézuélien voit dans ce déploiement une tentative claire de renversement de régime. L’objectif réel ? Mettre la main sur les immenses réserves pétrolières du pays, déjà asphyxiées par un embargo.
Un dispositif militaire qui s’étoffe jour après jour
Les signes ne manquent pas. Outre le porte-avions et son groupe aéronaval, des vols réguliers d’avions de combat américains ont été détectés à très faible distance des côtes vénézuéliennes.
Des pays voisins jouent également le jeu. La République dominicaine a ouvert ses installations aéroportuaires aux forces américaines. Trinité-et-Tobago a récemment accueilli des exercices des Marines, à seulement quelques kilomètres du continent.
Sur le Gerald Ford, le nouveau ministre de la Défense Pete Hegseth a rendu visite aux troupes pour Thanksgiving. Il a salué ces « guerriers qui veillent à la sécurité » dans la lutte contre les cartels.
Le Cartel des Soleils, cette entité fantôme devenue organisation terroriste
Lundi, Washington a franchi un nouveau cap symbolique en désignant le fameux Cartel des Soleils comme organisation terroriste étrangère. Problème : de nombreux experts doutent même de l’existence réelle d’une structure aussi clairement définie.
Pour les États-Unis, cette organisation serait dirigée… par Nicolas Maduro lui-même. Une accusation qui permet de justifier la prime de 50 millions de dollars déjà offerte pour toute information menant à sa capture.
À Caracas, on balaie l’argument d’un revers de main. On préfère montrer à la télévision des opérations spectaculaires : laboratoires de drogue explosés, pistes clandestines détruites, avions abattus. Message : le Venezuela lutte, lui aussi, contre le narcotrafic.
L’armée vénézuélienne placée en alerte maximale
Face à cette pression croissante, Nicolas Maduro a diffusé un message vidéo à ses forces armées. Il a parlé de « 17 semaines de guerre psychologique » et demandé à ses soldats de rester « imperturbables » mais « en alerte ».
Dans les faits, les unités proches de la frontière et des côtes ont été renforcées. Les exercices militaires se multiplient. L’état-major suit heure par heure les mouvements américains dans la région.
Des conséquences déjà très concrètes pour les civils
La tension a aussi des répercussions immédiates sur la vie quotidienne. Six grandes compagnies aériennes – dont Iberia, TAP et Turkish Airlines – ont suspendu leurs vols vers le Venezuela. En réponse, Caracas leur a retiré leurs autorisations d’exploitation.
L’isolement du pays s’accentue. Les sanctions économiques et l’embargo pétrolier continuent de faire des ravages. Et maintenant, la menace d’opérations terrestres plane au-dessus des têtes.
Que peut-il se passer dans les prochaines semaines ?
Plusieurs scénarios circulent. Le plus probable reste une intensification des opérations spéciales : incursions discrètes, frappes ciblées, actions de la CIA déjà autorisées par le président américain.
Une intervention militaire conventionnelle massive semble encore éloignée. Mais l’histoire a montré que les lignes peuvent bouger très vite dans cette région du monde.
Donald Trump a répété qu’il finirait bien par parler « à un moment donné » avec Nicolas Maduro. Pour l’instant, les canons parlent plus fort que la diplomatie.
Une chose est sûre : la mer des Caraïbes n’a jamais aussi mal porté son nom. Ce n’est plus un espace de paix, mais un échiquier géant où chaque mouvement peut déclencher l’irréparable.
Et pendant ce temps, des millions de Vénézuéliens retiennent leur souffle.
À retenir : Washington passe à la vitesse supérieure dans sa traque des narcotrafiquants présumés vénézuéliens. Après la mer, la terre. Caracas dénonce une tentative de coup d’État déguisé. La région entière est sous tension maximale.
La suite des événements risque de marquer durablement l’histoire de l’Amérique latine. Et peut-être bien au-delà.









