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Tensions Explosives entre Caracas et Washington

Le plus grand porte-avions du monde croise à quelques encablures du Venezuela. Caracas riposte en suspendant Iberia, TAP, Avianca… Washington parle d’opérations antidrogue, Maduro crie au coup d’État pétrolier. Jusqu’où ira cette escalade ?

Imaginez-vous à l’aéroport de Caracas, billet en main, prêt à rentrer chez vous pour les fêtes. Et soudain, plus rien. Le comptoir est fermé, une simple affichette annonce l’annulation définitive de votre vol. Ce cauchemar est devenu réalité pour des milliers de passagers ces derniers jours. Au cœur de cette pagaille : un bras de fer musclé entre le Venezuela et les États-Unis qui prend une tournure inattendue dans le ciel.

Quand l’espace aérien devient un champ de bataille diplomatique

Le 21 novembre, l’Administration fédérale de l’aviation américaine émet une alerte sans précédent. Elle recommande la plus extrême prudence aux appareils survolant le Venezuela en raison de la dégradation sécuritaire et de l’intensification des activités militaires dans la région. Conséquence immédiate : plusieurs compagnies décident de suspendre leurs liaisons.

Moins de une semaine plus tard, Caracas contre-attaque avec une violence rare. L’Institut national de l’aviation civile retire purement et simplement les licences de six compagnies majeures : Iberia, TAP, Avianca, Latam, GOL et Turkish Airlines. Motif officiel ? Elles se seraient « jointes aux actes de terrorisme d’État » en suspendant unilatéralement leurs vols.

Les compagnies prises dans l’étau

À l’aéroport international de Maiquetía, le spectacle est désolant. Des comptoirs désertés, des pancartes manuscrites, des familles qui errent avec leurs valises. Plus de 8 000 passagers se retrouvent bloqués, selon les chiffres des agences de voyage vénézuéliennes.

« Il y a de l’incertitude », confie Glenis Trujillo, ingénieure de 60 ans qui parvient à embarquer sur un vol Copa vers le Chili. Elle prévoit de revenir dans trois mois… mais rien n’est moins sûr.

« Le souhait d’Iberia est de reprendre les vols vers le Venezuela dès que possible, dès que les conditions de sécurité seront pleinement réunies »

Source proche de la compagnie espagnole

L’USS Gerald R. Ford, géant des mers aux portes du Venezuela

Pendant ce temps, en mer des Caraïbes, la silhouette imposante du plus grand porte-avions du monde fend les vagues. L’USS Gerald R. Ford et son groupe aéronaval ont été déployés officiellement pour des opérations antidrogue. Mais la proximité avec les côtes vénézuéliennes laisse peu de place au doute sur les véritables intentions.

Jeudi de Thanksgiving, le ministre américain de la Défense Pete Hegseth monte à bord. Tradition oblige, il découpe la dinde devant les marins et salue les « guerriers qui veillent à la sécurité » des États-Unis et luttent contre les cartels. Le message est clair : la présence militaire est là pour durer.

Les sites de suivi d’aéronefs enregistrent une activité incessante. Des chasseurs américains évoluent à quelques dizaines de kilomètres seulement des côtes vénézuéliennes. Un ballet aérien qui ressemble davantage à une démonstration de force qu’à une simple patrouille antidrogue.

Trump, entre menaces et porte ouverte au dialogue

À Washington, le ton oscille entre fermeté et ambiguïté calculée. Le président américain n’exclut aucune option, y compris une intervention militaire directe. Il a autorisé des actions clandestines de la CIA sur le sol vénézuélien tout en affirmant qu’il est prêt à discuter avec Nicolás Maduro.

Cette double posture laisse le monde suspendu à la prochaine déclaration. Chaque tweet, chaque intervention est scrutée comme un possible déclencheur d’escalade.

Maduro crie au complot pétrolier

À Caracas, la réponse ne se fait pas attendre. Nicolás Maduro dénonce une menace directe visant à le renverser pour s’emparer des plus grandes réserves pétrolières certifiées de la planète. Dans un message télévisé à l’armée, il parle de « 17 semaines de guerre psychologique » et appelle ses forces à rester « imperturbables ».

« Des forces étrangères impérialistes menacent continuellement de perturber la paix de la mer des Caraïbes, de l’Amérique du Sud et du Venezuela, sous des prétextes fallacieux et extravagants »

Nicolás Maduro, président du Venezuela

Le ministre de la Défense Vladimir Padrino López va plus loin. Il fustige les « gouvernements serviles » des Caraïbes qui prêtent leurs bases aux États-Unis, citant nommément la République dominicaine et Trinité-et-Tobago.

Les réactions internationales pleuvent

L’Association internationale du transport aérien (Iata) demande officiellement à Caracas de reconsidérer sa décision. Au Portugal, le ministre des Affaires étrangères Paulo Rangel qualifie la sanction de « totalement disproportionnée ».

Même le puissant Diosdado Cabello, ministre de l’Intérieur et figure dure du régime, ironise : des avions américains continuent d’atterrir chaque semaine au Venezuela… pour ramener des migrants expulsés. Preuve, selon lui, que le ciel vénézuélien reste sûr quand Washington le décide.

Un précédent qui inquiète le transport aérien mondial

Jamais une telle mesure n’avait été prise aussi rapidement et contre autant de compagnies simultanément. Les experts s’interrogent : un État peut-il retirer des licences pour des motifs de sécurité invoqués par un autre pays ? La décision vénézuélienne risque de faire jurisprudence et d’effrayer les investisseurs du secteur.

Depuis septembre, les forces américaines annoncent avoir intercepté plus de vingt navires suspectés de narcotrafic et causé la mort d’au moins 83 personnes. Un bilan qui, sous couvert de lutte antidrogue, alimente les accusations de militarisation excessive de la région.

Dans ce contexte explosif, chaque jour apporte son lot de déclarations incendiaires, de mouvements de navires et d’avions cloués au sol. Les passagers, eux, restent les premières victimes collatérales d’une guerre qui se joue bien au-delà des hublots.

Et pendant que les diplomates cherchent encore la sortie de crise, une question demeure : jusqu’où cette partie d’échecs géante peut-elle aller avant qu’une pièce ne fasse basculer tout l’échiquier ?

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