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Insécurité à Marseille : Orange Ferme Son Site Face au Narcotrafic

Des coups de feu à quelques mètres du bureau, des salariés confinés, d’autres qui refusent de revenir… Orange vient de fermer son site de Saint-Mauront à Marseille jusqu’à mi-décembre. Quand une grande entreprise capitule face au narcotrafic, jusqu’où ira l’insécurité ?

Imaginez arriver au travail un matin et entendre des rafales de kalachnikov à deux rues de votre bureau. Imaginez être confiné dans votre open-space parce que des bandes s’affrontent juste en bas. Imaginez enfin que votre employeur, une multinationale de 100 000 salariés, décide purement et simplement de fermer le site « jusqu’à nouvel ordre ». C’est exactement ce qui vient d’arriver à un millier de personnes à Marseille.

Marseille : quand une entreprise capitule face à la violence

Ce vendredi, le site Orange de Saint-Mauront, dans le 3e arrondissement de Marseille, baisse le rideau. Officiellement jusqu’à mi-décembre. En réalité, personne ne sait quand les salariés pourront revenir travailler sans risquer leur peau. La cause ? Une flambée de violence liée au narcotrafic qui touche directement le quartier depuis plusieurs jours.

Les témoignages des employés sont glaçants. « On entendait des détonations, parfois plusieurs fois par jour », raconte l’un d’eux. « On a été confinés à plusieurs reprises. Certains collègues pleuraient. D’autres disaient qu’ils ne remettraient plus les pieds ici. »

Des coups de feu à quelques mètres des bureaux

Depuis le début de la semaine, le secteur est le théâtre d’affrontements particulièrement violents. Les salariés rapportent avoir entendu des tirs automatiques, vu des hommes encagoulés circuler en scooter, et même assisté à des scènes de règlement de comptes en plein jour. Un climat qui a fini par rendre le travail impossible.

Le syndicat CFE-CGC, par la voix de Sébastien Crozier, parle d’un « sentiment de guerre des gangs ». Des mots forts, mais qui traduisent la réalité vécue par ceux qui doivent traverser ce quartier chaque matin pour gagner leur vie.

« On a vraiment l’impression d’être au milieu de la guerre des gangs. Le sentiment des personnels, c’est celui-là. »

Sébastien Crozier, président CFE-CGC Orange

Les syndicats sonnent l’alarme depuis plusieurs jours

Dès le 25 novembre, la CGT déposait un droit d’alerte pour danger grave et imminent. La CFDT lançait une pétition en ligne. Tous les représentants du personnel tiraient la sonnette d’alarme, mais il aura fallu plusieurs jours de chaos pour que la direction prenne la décision radicale de fermer le site.

Entre-temps, les incidents se sont multipliés : véhicules incendiés à proximité, tentative d’intrusion, menaces directes contre des salariés qui sortaient fumer une cigarette. Le point de rupture a été atteint jeudi, avec de nouvelles détonations entendues par des centaines de personnes à l’intérieur des bâtiments.

Saint-Mauront, un quartier pris en étau

Le site Orange se trouve en plein cœur d’un des secteurs les plus sensibles de Marseille. Autour, les cités où le trafic de stupéfiants règne en maître. Les points de deal fonctionnent 24h/24, les guetteurs sont postés à chaque coin de rue, et les règlements de comptes font partie du paysage.

Ce qui frappe, c’est que l’entreprise n’est pas une petite structure isolée. C’est un bâtiment moderne, sécurisé, avec des badges, des caméras, des agents de sécurité. Et pourtant, même cela ne suffit plus. Quand le narcotrafic décide de transformer un quartier en zone de guerre, plus rien ne résiste.

Ce n’est d’ailleurs pas la première fois qu’une grande entreprise doit adapter sa stratégie face à l’insécurité. À Aubervilliers, une grande banque a récemment annoncé le départ de 2 000 salariés pour les mêmes raisons. À Marseille, d’autres sociétés réfléchissent déjà à déménager ou à renforcer massivement leur sécurité.

Une décision rarissime pour une entreprise de cette taille

Fermer un site de 1 000 personnes, même temporairement, ce n’est pas anodin. Cela représente des dizaines de millions d’euros de chiffre d’affaires potentiellement impactés, des contrats en attente, des clients mécontents. Mais la direction n’a pas eu le choix.

Le télétravail a été généralisé dans l’urgence pour ceux qui le peuvent. Pour les autres – techniciens, personnel d’accueil, services supports – c’est le chômage technique ou les congés forcés. Une situation qui illustre à quel point la violence a gangréné certains territoires.

Les autorités minimisent, les salariés vivent l’enfer

Interrogée, la préfète de police déléguée a réfuté l’idée d’une guerre entre bandes rivales. « Ce n’est absolument pas ça », a-t-elle assuré, tout en reconnaissant que le quartier est « compliqué ». Une communication qui contraste violemment avec le vécu des salariés.

Sur place, les policiers font ce qu’ils peuvent, mais ils sont débordés. Les effectifs manquent, les moyens aussi. Et pendant ce temps, les trafiquants continuent leur business en toute impunité, transformant des quartiers entiers en zones de non-droit.

Un symptôme d’un mal bien plus profond

Ce qui se passe à Saint-Mauront n’est pas un accident. C’est le résultat de décennies de laxisme, d’abandon de certains territoires, d’une politique pénale qui ne dissuade plus personne. Quand une entreprise comme Orange doit fermer ses portes parce que ses salariés ont peur de se faire tirer dessus, c’est tout un modèle qui vacille.

Car demain, ce sera qui ? Une école qui ferme parce que les dealers ont pris possession de la cour de récréation ? Un hôpital qui ne peut plus accueillir de patients la nuit ? Un tribunal qui doit déménager ? La liste des possibles est terrifiante.

À Marseille, on parle depuis des années de « reconquête républicaine ». Mais sur le terrain, la réalité est tout autre. Les points de deal se multiplient, les armes circulent toujours plus, et l’âge des tueurs ne cesse de baisser. Face à cela, l’État semble dépassé.

Et maintenant ?

La fermeture du site Orange n’est qu’un épisode. Mi-décembre, si la situation ne s’est pas améliorée, que fera l’entreprise ? Prolonger la fermeture ? Déménager définitivement ? Forcer les salariés à revenir sous protection policière ?

Une chose est sûre : ce qui se passe à Saint-Mauront concerne tout le pays. Quand une grande entreprise doit capituler face à quelques dizaines de trafiquants armés, c’est la République toute entière qui recule.

Et pendant ce temps, dans le quartier, la vie continue. Les guetteurs ont repris leur poste. Les scooters vrombissent. Et les kalachnikovs attendent sagement le prochain règlement de comptes.

Parce qu’ici, comme dans trop d’endroits en France, la loi des gangs a remplacé celle de la République.

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