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Scandale en Colombie : Général et Chef du Renseignement Suspendus

Un général et le chef du renseignement colombiens suspendus pour avoir soi-disant aidé une guérilla dissidente. Gustavo Petro pointe du doigt la CIA et les États-Unis. Mais qui dit la vérité dans ce scandale qui menace la paix ? À découvrir absolument…

Imaginez un instant : un général décoré et le plus haut responsable du renseignement militaire de Colombie soupçonnés d’avoir ouvert les portes de l’État à une guérilla encore armée. Ce n’est pas le scénario d’un thriller sud-américain, c’est l’actualité brûlante qui secoue Bogotá en cette fin d’année.

Jeudi, le Parquet général a annoncé la suspension immédiate de deux figures majeures de l’appareil sécuritaire colombien. Les accusations sont lourdes : divulgation d’informations sensibles et aide logistique directe à un groupe rebelle. Retour sur un scandale qui pourrait bien faire vaciller les fragiles négociations de paix en cours.

Un coup de tonnerre dans l’armée colombienne

Le général Miguel Huertas et Wilmar Mejia, directeur du renseignement militaire, ne fouleront plus les couloirs du pouvoir pendant un bon moment. Le Parquet général les a suspendus de leurs fonctions après l’ouverture de deux enquêtes distinctes. La durée exacte de cette mise à l’écart reste inconnue ; elle peut devenir définitive.

L’origine du séisme ? Une enquête journalistique qui a mis la main sur des éléments explosifs saisis lors d’une opération menée en juillet 2024. Téléphones, ordinateurs et appareils électroniques appartenant à des membres d’une dissidence des anciennes FARC ont parlé. Et ce qu’ils ont révélé glace le sang.

Des faveurs inimaginables

Selon les documents rendus publics, les deux hauts responsables auraient facilité les déplacements de combattants rebelles à bord de véhicules blindés officiels. Ils leur auraient également permis de circuler armés et d’échapper aux contrôles routiers et militaires. Des privilèges normalement réservés aux plus hautes autorités de l’État.

Ces révélations interviennent alors que le groupe concerné, l’État-major central (EMC), est théoriquement en pourparlers de paix avec le gouvernement du président Gustavo Petro. Un cessez-le-feu bilatéral est même en vigueur depuis plusieurs mois, malgré des violations répétées de part et d’autre.

« Des véhicules blindés, des armes autorisées, des laissez-passer… On parle ici d’une aide d’État à une organisation encore classée terroriste par plusieurs pays. »

Contexte : qui est l’EMC ?

L’État-major central est la plus importante dissidence des anciennes FARC. Contrairement à la majorité des combattants qui ont déposé les armes après l’accord de paix historique de 2016, plusieurs milliers de guérilleros ont repris le maquis. Ils contrôlent aujourd’hui de vastes zones rurales et une partie non négligeable du trafic de cocaïne.

Dirigé par Iván Mordisco, figure emblématique de la rébellion, le groupe alterne entre déclarations de paix et affrontements avec l’armée. En juillet 2024, Mordisco et plusieurs de ses lieutenants avaient été arrêtés, puis libérés quelques jours plus tard pour leur permettre de participer aux négociations. C’est précisément lors de cette opération que le matériel compromettant a été saisi.

La riposte immédiate de Gustavo Petro

Lundi, avant même l’annonce officielle des suspensions, le président colombien a pris les devants. Devant la presse, il a balayé d’un revers de main toute idée de collusion entre ses forces armées et la guérilla.

Sa cible ? Les États-Unis et leurs services de renseignement. Gustavo Petro n’a pas mâché ses mots :

« La source du journaliste est la CIA, qui a l’habitude de tisser des réseaux pour influencer l’opinion publique en fonction des intérêts du gouvernement de son pays dans le monde entier. »

Gustavo Petro, président de la Colombie

Une accusation lourde qui replonge la Colombie dans les heures les plus sombres de la guerre froide en Amérique latine, quand Washington soutenait ouvertement dictatures et escadrons de la mort pour contrer l’influence communiste.

Un timing qui interroge

Le scandale éclate au pire moment pour le gouvernement de gauche de Gustavo Petro. Les relations avec les États-Unis, traditionnellement alliés privilégiés de la Colombie, n’ont jamais été aussi tendues depuis des décennies.

Washington reproche ouvertement à Bogotá de ne pas en faire assez contre le trafic de cocaïne. La Colombie reste le premier producteur mondial de feuille de coca et de cocaïne. En réponse, l’administration Trump a décertifié le pays comme partenaire fiable dans la lutte antidrogue – une sanction rarissime.

Pire : le président américain a publiquement qualifié Gustavo Petro de « baron de la drogue », sans apporter la moindre preuve. Le Trésor américain a également imposé des sanctions financières au président colombien et à plusieurs membres de son entourage.

En résumé, les points de tension actuels entre Washington et Bogotá :

  • Décertification dans la lutte antidrogue
  • Accusations publiques de Trump contre Petro
  • Sanctions financières du Trésor américain
  • Suspension de l’aide militaire (partielle)
  • Critiques sur la politique de « paix totale » avec les groupes armés

Entre géopolitique et guerre de l’information

Dans ce contexte explosif, chaque révélation est immédiatement instrumentalisée. Pour les détracteurs de Petro, ces supposées collusions prouvent que sa politique de négociation avec les groupes armés a franchi la ligne rouge et menace la sécurité nationale.

Pour le gouvernement et ses soutiens, il s’agit au contraire d’une opération de déstabilisation orchestrée depuis l’étranger pour faire échouer la première présidence de gauche de l’histoire récente colombienne. Une guerre hybride où se mêlent fuites ciblées, presse et réseaux sociaux.

Le fait que les documents proviennent de matériels saisis sur des guérilleros, puis transmis à un média local, alimente toutes les théories. Qui a eu accès à ces conversations ? Dans quel but ? Et surtout : sont-elles authentiques ou manipulées ?

Quelles conséquences pour les négociations de paix ?

La « paix totale », projet phare de Gustavo Petro, visait à mettre fin à six décennies de conflit armé en négociant simultanément avec toutes les guérillas restantes et les groupes paramilitaires. Après des avancées avec l’ELN, l’EMC représentait le dossier le plus complexe.

Aujourd’hui, ce scandale fragilise sérieusement la table de négociations. Comment faire confiance à un État dont certains hauts responsables sont accusés d’aider l’adversaire ? Et inversement : comment croire en la bonne foi d’une guérilla qui conserve des contacts privilégiés au cœur du pouvoir ?

Les prochains jours seront décisifs. Le Parquet général et le parquet militaire enquêtent en parallèle. Les résultats de ces investigations pourraient soit disculper les deux responsables, soit provoquer un séisme institutionnel sans précédent.

Un précédent qui pèse lourd

Ce n’est pas la première fois que l’armée colombienne est éclaboussée par des scandales de collusion. Dans les années 2000, le scandale des « faux positifs » avait révélé que des milliers de civils avaient été exécutés par des militaires pour être présentés comme des guérilleros abattus au combat.

Plus récemment, des écoutes illégales visant des journalistes, des opposants et même des magistrats de la Cour suprême avaient été attribuées à des secteurs des forces armées hostiles au processus de paix de 2016.

Chaque fois, les mêmes questions reviennent : jusqu’où certains secteurs de l’appareil d’État sont-ils prêts à aller pour saboter une sortie négociée du conflit ?

Vers une crise institutionnelle majeure ?

Pour l’instant, le ministre de la Défense a gardé le silence. L’état-major de l’armée également. Un mutisme qui en dit long sur la gravité de la situation. Car au-delà des deux hommes suspendus, c’est toute la chaîne de commandement qui se retrouve sous les projecteurs.

Si les accusations sont confirmées, des têtes bien plus hautes pourraient tomber. Et la Colombie risquerait de plonger dans une crise politique comparable à celle qu’elle a connue lors des révélations sur le financement des paramilitaires dans les années 90.

À l’inverse, si l’enquête conclut à une manipulation ou à des preuves fabriquées, Gustavo Petro sortirait renforcé et pourrait accuser ouvertement Washington d’ingérence. Un scénario qui tendrait encore davantage les relations déjà glaciales entre Bogotá et la nouvelle administration Trump.

Une chose est sûre : ce scandale n’est que le début d’une tempête qui pourrait redessiner durablement le paysage politique et sécuritaire colombien. Affaire à suivre de très près.

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