Et si un simple coup de téléphone entre Berlin et Mar-a-Lago pouvait sauver le G20 de l’implosion ? Jeudi, le chancelier allemand Friedrich Merz a pris tout le monde de court en annonçant publiquement qu’il allait personnellement tenter de convaincre Donald Trump de revenir sur une décision explosive : exclure l’Afrique du Sud du prochain sommet des vingt plus grandes économies mondiales.
Ce n’est pas tous les jours qu’un dirigeant européen se permet de contredire aussi directement le président américain. Et pourtant, Merz l’a fait avec une fermeté rare.
Un Bras de Fer Inattendu au Sommet de l’État Mondial
Le décor est planté. Le week-end dernier, Johannesburg accueillait le sommet du G20 sous présidence sud-africaine. Un événement marqué par une absence lourde de sens : celle des États-Unis. Donald Trump avait purement et simplement boycotté la réunion.
Pire, mercredi, il a franchillé un nouveau cap en annonçant que l’Afrique du Sud ne serait pas invitée au prochain sommet, qu’il compte organiser dans son golf de Miami. Une décision qui a fait l’effet d’une bombe dans les chancelleries du monde entier.
Pourquoi Merz Monte au Créneau
Devant la presse, après avoir reçu le Premier ministre estonien, Friedrich Merz n’a pas mâché ses mots. « Je regrette que le gouvernement américain n’ait pas participé au sommet de Johannesburg », a-t-il déclaré, avant d’ajouter une phrase qui pèse lourd : « Le gouvernement américain renonce sans nécessité à son influence, y compris dans une partie du monde qui devient de plus en plus importante. »
Il serait bon d’inviter tous les membres du G20 en Amérique, car c’est l’un des formats multilatéraux les plus importants que nous ayons encore dans le monde.
Friedrich Merz, chancelier allemand
Derrière cette phrase policée se cache une critique à peine voilée : en excluant l’Afrique du Sud, les États-Unis fragilisent l’un des derniers espaces où les grandes puissances discutent encore ensemble.
Les Raisons Profondes du Conflit
Pour comprendre cette crise, il faut remonter à la relation exécrable entre Donald Trump et Cyril Ramaphosa. Depuis son retour à la Maison Blanche, le président américain multiplie les attaques contre le gouvernement sud-africain.
Ses principales accusations ? La prétendue « persécution » de la minorité blanche, en particulier les fermiers afrikaners. Trump parle « d’atteintes horribles aux droits de l’Homme » et brandit régulièrement le spectre d’un « génocide blanc » – une thèse largement démentie par les faits mais qui trouve un écho auprès de certains cercles conservateurs américains.
À cela s’ajoute un incident diplomatique récent : lors du sommet de Johannesburg, Pretoria aurait refusé de transmettre officiellement la présidence tournante du G20 à un diplomate américain, faute de représentant de haut niveau des États-Unis. Un camouflet que Washington n’a visiblement pas digéré.
Les Sanctions Économiques Comme Arme de Pression
Mais Donald Trump ne s’est pas contenté de mots. Il est passé aux actes avec une mesure particulièrement sévère : l’imposition de droits de douane de 30 % sur les produits sud-africains.
C’est tout simplement le taux le plus élevé appliqué à un pays d’Afrique subsaharienne. Une punition économique qui touche directement l’une des économies les plus développées du continent.
Impact des droits de douane à 30 % :
- Pénalisation directe des exportations sud-africaines vers les États-Unis
- Perte de compétitivité sur le premier marché mondial
- Message politique clair envoyé aux autres nations africaines
- Rupture avec la tradition de libre-échange relatif entre les deux pays
L’Afrique du Sud Réplique avec Ferme Dignité
Face à ces attaques répétées, Pretoria a choisi la carte de la fermeté institutionnelle. Le gouvernement sud-africain a rappelé avec force sa qualité de membre permanent du G20.
Plus important encore : l’invitation aux sommets du G20 n’est pas décidée unilatéralement par le pays hôte, mais collectivement par l’ensemble des membres. En clair, Donald Trump n’a pas le pouvoir légal d’exclure qui que ce soit.
C’est précisément sur ce point que Friedrich Merz appuie son intervention. En tentant de convaincre Trump de respecter les règles établies, le chancelier allemand défend en réalité tout le système multilatéral.
Les Enjeux Géopolitiques Colossaux
Pourquoi l’Allemagne se mêle-t-elle de ce conflit ? La réponse tient en un mot : l’Afrique.
Le continent représente l’avenir démographique et économique du monde. D’ici 2050, un habitant sur quatre de la planète sera africain. Les grandes puissances l’ont bien compris et se livrent à une compétition acharnée pour y asseoir leur influence.
En se mettant à dos l’Afrique du Sud – porte d’entrée traditionnelle sur le continent et membre des BRICS – les États-Unis risquent de laisser le champ libre à d’autres acteurs. La Chine, notamment, qui a fait de l’Afrique une priorité stratégique absolue.
Quand Merz parle du gouvernement américain qui « renonce sans nécessité à son influence », c’est exactement cela qu’il a en tête.
Le G20 en Péril ?
Cette crise sud-africano-américaine n’est pas qu’une querelle bilatérale. Elle met en lumière la fragilité du G20 lui-même.
Créé en 1999 puis élevé au rang de sommet des chefs d’État après la crise financière de 2008, le G20 était censé être le forum où les grandes puissances coordonnent leurs politiques économiques. Aujourd’hui, il vacille.
Entre les absences répétées des dirigeants (Trump avait déjà boycotté plusieurs réunions lors de son premier mandat), les divisions sur le climat, le commerce, et maintenant cette tentative d’exclusion, l’organisation traverse une zone de turbulences inédites.
Le Rôle Décisif de l’Europe
Dans ce contexte, l’intervention de Friedrich Merz prend une dimension particulière. L’Allemagne, avec la France et l’Union européenne (qui participe aux travaux du G20), se pose en gardienne du multilatéralisme.
Ce n’est pas la première fois. Angela Merkel avait déjà joué ce rôle de pompier de service lors du premier mandat de Trump. Aujourd’hui, c’est au tour de son successeur conservateur de prendre le relais.
Et la tâche s’annonce autrement plus compliquée. Car contrairement à Merkel, Merz n’a pas la même relation personnelle avec Trump. Et le contexte géopolitique a radicalement changé.
Un Sommet à Miami sous Haute Tension
Imaginons la scène. Dans un an, les dirigeants du monde entier sont censés se retrouver dans un golf appartenant à Donald Trump. Déjà, l’idée avait de quoi surprendre.
Mais avec cette crise sud-africaine, le sommet risque de tourner au fiasco diplomatique. Va-t-on voir des dirigeants refuser de venir si Pretoria est exclu ? L’Afrique du Sud va-t-elle organiser un contre-sommet ? Les BRICS vont-ils durcir le ton ?
Autant de questions qui restent en suspens.
Vers une Médiation Allemande ?
Friedrich Merz a annoncé qu’il allait « essayer » de convaincre Donald Trump. Le mot est faible. En réalité, le chancelier allemand se lance dans une mission quasi-impossible.
Car convaincre Trump de revenir sur une décision publique, surtout quand elle touche à ses thèmes favoris (immigration, sécurité, « America First »), relève de l’exploit diplomatique.
Mais Merz a plusieurs cartes en main. L’Allemagne reste un partenaire économique crucial pour les États-Unis. Et surtout, elle peut parler à Trump en termes qu’il comprend : l’influence, la puissance, la compétition avec la Chine.
Le message pourrait être le suivant : exclure l’Afrique du Sud, c’est offrir le continent africain sur un plateau à Pékin.
Conclusion : Le Multilatéralisme à l’Épreuve du Feu
Ce bras de fer entre Berlin et Washington autour de l’Afrique du Sud dépasse largement le cadre d’une simple invitation. Il cristallise tous les défis du monde post-2025 : retour du nationalisme, fragmentation géopolitique, compétition pour l’Afrique, affaiblissement des institutions internationales.
Friedrich Merz le sait. En tentant de sauver la place de l’Afrique du Sud au G20, ce n’est pas seulement Pretoria qu’il défend. C’est tout le principe même d’un ordre mondial basé sur des règles communes.
Reste à savoir si Donald Trump, dans son golf de Miami, sera sensible à cet argument. Ou s’il préférera transformer le G20 en simple extension de sa politique « America First ».
L’avenir du multilatéralisme se joue peut-être dans cette conversation à venir entre un chancelier allemand déterminé et un président américain imprévisible.
À suivre, donc. De très près.









