Imaginez-vous réveillé en sursaut par un grondement sourd, comme si un train de ces énormes trains de marchandise passait juste devant votre fenêtre. Vous sortez en courant, encore en pyjama, et là… plus rien. Là où se tenaient hier encore les maisons de vos voisins, il n’y a plus qu’un chaos de terre rouge et de boue. C’est exactement ce qu’ont vécu les habitants d’Afaahiti, sur la presqu’île de Taiarapu, ce mercredi matin.
Une catastrophe qui a frappé sans prévenir
À l’aube, alors que la majorité des Polynésiens dormaient encore, un pan entier de colline s’est effondré. Trente mètres de hauteur de terre détrempée se sont abattus sur le petit village côtier. Deux fare (maisons traditionnelles) ont été littéralement englouties. La première a été emportée comme un fétu de paille avant d’aller percuter la seconde. Le bilan, déjà lourd, continue de s’alourdir heure après heure.
Emmanuel Macron a réagi dès jeudi sur X : sept personnes ont perdu la vie, et plusieurs restent portées disparues. Le président a adressé « tout le soutien de la Nation » aux familles endeuillées et salué le travail acharné des secours.
Le récit glaçant des survivants
Ida Labbeyi, une habitante du quartier, raconte encore tremblante : « On a été réveillés comme par un train juste devant la maison. On est sortis et on a vu qu’une maison était entièrement recouverte par la terre et la boue. » En quelques secondes, le paysage familier avait disparu.
« C’était un vacarme effrayant. On aurait dit la fin du monde. »
Un riverain anonyme
Le haut-commissaire de la République en Polynésie française, Alexandre Rochatte, s’est rendu sur place. Il décrit un éboulement « de 30 mètres de hauteur » qui a tout rasé sur son passage. Les images sont difficilement soutenables : toitures éventrées, murs écrasés, objets personnels éparpillés dans la boue.
Des secours dans des conditions extrêmes
Plus d’une centaine de pompiers, gendarmes, militaires et bénévoles sont mobilisés sans relâche. Mais le terrain reste extrêmement instable. Plusieurs répliques ont eu lieu, obligeant à interrompre les recherches pendant plusieurs heures.
Le colonel Olivier Lhote, qui dirige les opérations, explique la difficulté : « On avance très doucement avec des pelleteuses, des chiens, un radar et une caméra endoscopique, parce qu’à n’importe quel moment on peut mettre du poids sur de potentielles victimes encore coincées. » Chaque pelletée est un pari.
Mercredi après-midi, un premier corps – celui d’un homme – a été extrait. Puis trois autres victimes, deux femmes et un homme, ont été retrouvées dans les heures qui ont suivi. Chaque découverte est un coup supplémentaire au cœur de la communauté.
Une zone à risque : 29 logements évacués
Par mesure de sécurité, 29 fare et une cinquantaine de personnes ont été évacuées dans l’urgence. Les autorités craignent de nouveaux mouvements de terrain tant que les pluies continuent. La colline, gorgée d’eau après une semaine d’averses diluviennes, reste une menace permanente.
Les îles du Vent, dont Tahiti fait partie, étaient en vigilance orange depuis le 23 novembre. Mais personne n’imaginait une catastrophe d’une telle ampleur dans ce petit village paisible de la presqu’île.
Enquête ouverte et deuil national
La procureure de Papeete, Solène Belaouar, a ouvert une enquête pour homicide involontaire. Elle est confiée à la brigade de recherches de la gendarmerie. L’objectif : comprendre pourquoi cet éboulement a pu se produire et si des mesures de prévention auraient pu éviter le drame.
En signe de solidarité, les drapeaux ont été mis en berne dès mercredi soir dans toute la Polynésie. Une journée de recueillement et une minute de silence ont été organisées ce jeudi. Les écoles, administrations et de nombreuses entreprises ont observé ce moment de silence.
Une saison des pluies particulièrement violente
Si les fortes pluies sont habituelles entre décembre et mars en Polynésie, les glissements de terrain meurtriers restent rares. Celui d’Afaahiti fait figure d’exception tragique. Il rappelle cruellement que, même au paradis, la nature peut se montrer impitoyable.
Les experts pointent déjà plusieurs facteurs : saturation des sols après des jours de pluie continue, déforestation ancienne sur certaines pentes, et peut-être une urbanisation trop proche des zones à risque. Des questions qui risquent de revenir avec force dans les prochains mois.
Une communauté sous le choc
Dans le village, l’ambiance est irréelle. Des familles entières pleurent leurs proches. Une cellule psychologique a été ouverte à la mairie pour accueillir ceux qui en ont besoin. Les voisins s’organisent pour apporter couvertures, nourriture, réconfort.
« On se connaît tous ici, confie une habitante. Perdre sept personnes d’un coup, c’est comme perdre une partie de soi. » La solidarité polynésienne, célèbre dans le monde entier, se manifeste une nouvelle fois dans l’adversité.
Les opérations de secours pourraient durer encore 48 heures, voire davantage. Chaque minute compte. Tant que le terrain ne sera pas totalement sécurisé, l’espoir, même mince, de retrouver quelqu’un en vie subsistera.
Cette tragédie nous rappelle à tous, où que nous soyons, que la nature reste plus forte que nous. À Afaahiti, une communauté entière retient son souffle, entre douleur et espérance.
Nos pensées accompagnent les familles des victimes, les disparus, et tous ceux qui, sur le terrain, mettent leur vie en danger pour tenter de sauver ce qui peut encore l’être.









