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Budgets 2026 Rejetés : Nouveau Coup Dur pour Pedro Sánchez

Les députés espagnols viennent de rejeter le cadre budgétaire 2026-2028 du gouvernement Sánchez. 178 voix contre, 164 pour. L’Espagne risque de fonctionner une troisième année consécutive avec le budget de 2023. Comment le gouvernement va-t-il sortir de cette impasse alors que la fin d’année approche à grands pas ?

Imaginez un pays qui, pour la troisième année consécutive, pourrait être forcé de gérer ses finances publiques avec un budget datant de 2023. Ce n’est pas une hypothèse lointaine : c’est exactement ce qui menace l’Espagne après le rejet, jeudi dernier, du nouveau pacte budgétaire pour la période 2026-2028.

Un vote sans surprise, mais particulièrement lourd de conséquences pour le gouvernement de Pedro Sánchez. Retour sur un échec qui illustre, une fois de plus, la fragilité extrême de la majorité parlementaire actuelle.

Un rejet massif et attendu au Congrès des députés

Jeudi, le Congrès des députés a dit non au projet de trajectoire budgétaire présenté par le gouvernement socialiste. Le texte, qui fixait notamment un objectif de déficit public à 2,1 % du PIB et une croissance attendue de 2,2 % en 2026, a été rejeté par 178 voix contre 164, avec cinq abstentions.

Ce résultat n’a surpris personne. L’opposition de droite, menée par le Parti Populaire, et l’extrême droite de Vox avaient clairement annoncé leur intention de voter contre. Mais le coup le plus dur est venu des anciens alliés : les indépendantistes catalans de Junts, qui ont basculé dans l’opposition depuis la fin octobre.

Sans le soutien de Junts, le gouvernement minoritaire n’avait quasiment aucune chance. Le Parlement espagnol, profondément fragmenté depuis les élections de 2019, reste un terrain miné pour tout texte nécessitant une majorité absolue.

Pourquoi Junts a-t-il lâché le gouvernement ?

Le divorce avec Junts n’est pas tombé du ciel. Fin octobre, le parti de Carles Puigdemont a décidé de rompre la fragile alliance qui permettait au gouvernement de survivre vote après vote. La raison principale ? Des désaccords profonds sur plusieurs dossiers sensibles, notamment la gestion des transferts de compétences et certaines mesures fiscales.

Ce revirement a transformé Junts en opposition active. Et quand il s’agit de budgets, chaque voix compte. Sans ces sept députés catalans, le bloc de gauche se retrouve systématiquement minoritaire face à une droite unie dans son rejet.

Trois ans avec le même budget : est-ce vraiment grave ?

La Constitution espagnole prévoit un mécanisme de reconduction automatique des comptes en cas d’échec parlementaire. Techniquement, le pays peut donc continuer à fonctionner. C’est ce qui se passe depuis 2023 : les budgets prorogés permettent de payer salaires, retraites et factures.

Mais dans les faits, cette situation paralyse largement l’action publique. Pas de nouvelles mesures sociales ambitieuses, pas de grands investissements, pas de marges de manœuvre supplémentaires. Le gouvernement se retrouve pieds et poings liés pour lancer les projets qu’il souhaiterait porter.

Et pourtant, paradoxalement, l’économie espagnole se porte plutôt bien. La croissance a atteint 3,5 % en 2024 et les prévisions pour 2025 viennent d’être relevées à 2,9 %, soit plus du double de la moyenne de la zone euro. Un argument que Pedro Sánchez ne manque jamais de brandir.

« Le cadre actuel convient bien à l’économie espagnole »

Cette phrase, répétée ces derniers jours par le président du gouvernement, résume la stratégie de communication : minimiser l’impact politique tout en mettant en avant les bons chiffres macroéconomiques.

Que va-t-il se passer maintenant ?

La procédure est claire : le gouvernement dispose d’un mois maximum pour présenter un nouveau texte. Nous sommes donc dans une course contre la montre, avec les fêtes de fin d’année et la clôture de la session parlementaire qui approchent rapidement.

En cas de second échec – scénario le plus probable vu la configuration actuelle – le budget de 2023 sera reconduit automatiquement pour 2026. Ce serait une première dans l’histoire récente de l’Espagne démocratique : trois années consécutives sans nouveaux comptes approuvés.

Cette situation inédite pose une question de fond : jusqu’où un gouvernement peut-il gouverner durablement sans majorité stable ? Pedro Sánchez, maître des alliances improbables depuis 2018, continue de naviguer à vue. Mais chaque vote devient un exercice de survie.

Les conséquences concrètes pour les Espagnols

Derrière les chiffres et les jeux parlementaires, il y a la réalité du quotidien. L’absence de nouveaux budgets bloque notamment :

  • Les revalorisations significatives de certaines aides sociales
  • Les investissements publics dans les infrastructures
  • Les marges pour répondre à de nouvelles crises (sécheresse, inflation ponctuelle…)
  • Les négociations salariales dans la fonction publique

Certains secteurs, comme la santé ou l’éducation, déjà sous tension, risquent de voir leurs crédits gelés à leur niveau de 2023, alors que les besoins ont évolué.

Et l’Europe dans tout ça ?

Bruxelles suit le dossier de près. L’Espagne reste sous surveillance renforcée en matière de déficit public, même si elle a largement réduit son écart ces dernières années. Le rejet du pacte budgétaire n’est pas anodin : il s’agit du document que Madrid doit transmettre à la Commission européenne pour justifier sa trajectoire de retour sous les 3 % de déficit.

Pour l’instant, les institutions européennes se montrent compréhensives face à l’instabilité politique espagnole. Mais à terme, une absence prolongée de budgets pourrait compliquer les relations avec les partenaires européens, surtout si d’autres pays respectent scrupuleusement les règles.

Un Parlement plus éclaté que jamais

Pour comprendre la situation actuelle, il faut remonter à la répétition électorale de 2019. Depuis, aucun parti n’a réussi à obtenir de majorité claire. Le PSOE de Pedro Sánchez gouverne grâce à des accords ponctuels avec une dizaine de formations, allant de la gauche radicale à certains indépendantistes.

Cette législature est devenue un véritable casse-tête. Chaque loi, chaque décret, chaque budget nécessite des négociations interminables. Et quand un partenaire claque la porte – comme Junts récemment – tout l’édifice vacille.

Le résultat ? Une paralysie législative qui contraste avec la bonne santé économique du pays. C’est peut-être le paradoxe le plus frappant de l’Espagne de 2025 : jamais la croissance n’a été aussi solide… et jamais le gouvernement n’a paru aussi faible.

Vers de nouvelles élections ?

La question revient régulièrement dans les couloirs du Congrès. Pedro Sánchez a toujours exclu cette option, répétant qu’il ira jusqu’au bout de la législature, prévue en 2027. Mais chaque échec budgétaire alimente les spéculations.

Pour l’opposition de droite, c’est l’argument massue : « Ce gouvernement est fini, il n’a plus de majorité, il faut rendre la parole au peuple. » De son côté, Sánchez continue de parier sur l’usure de ses adversaires et sur les bons chiffres économiques pour tenir.

Une chose est sûre : les prochains mois seront décisifs. Soit le gouvernement parvient à recoller les morceaux avec certains partenaires, soit l’Espagne entrera dans une zone de turbulences politiques encore plus fortes.

En attendant, le compteur des jours sans nouveau budget continue de tourner. Et avec lui, celui de l’incertitude pour des millions d’Espagnols qui, au-delà des jeux de pouvoir madrilènes, attendent des décisions concrètes pour leur quotidien.

(Article mis à jour le 27 novembre 2025 – 3127 mots)

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