Mercredi soir, le cœur de Washington a tremblé. À quelques encablures de la Maison Blanche, deux soldats de la Garde nationale ont été la cible de tirs. L’attaque, immédiatement qualifiée d’« acte de terrorisme » par le président Donald Trump, a plongé la capitale dans la sidération. Et le profil du suspect présumé a transformé l’effroi en débat national brûlant.
Une attaque au cœur du symbole américain
Les faits se sont déroulés en début de soirée, dans une zone ultra-sécurisée où la présence militaire est permanente depuis plusieurs années. Les deux militaires, en poste de surveillance, ont été touchés par plusieurs projectiles. Leur état, bien que sérieux au moment des faits, a été stabilisé dans la nuit selon les dernières informations communiquées par les autorités.
Très rapidement, les forces de l’ordre ont interpellé un homme correspondant à la description du tireur. Âgé de 29 ans, il s’appelle Rahmanullah Lakanwal. Et son parcours va rapidement devenir le centre de toutes les attentions.
Qui est Rahmanullah Lakanwal ?
Né dans la province de Khost, dans le sud-est de l’Afghanistan, Rahmanullah Lakanwal a passé dix années au sein de l’armée nationale afghane. Durant une large partie de ce service, il a été détaché auprès des forces spéciales américaines, notamment sur une base située dans la province de Kandahar – région historiquement liée à l’émergence des talibans.
Ce rôle d’appui aux troupes étrangères faisait de lui un collaborateur direct des États-Unis dans un contexte de guerre où la confiance était une question de vie ou de mort. Des milliers d’Afghans ont occupé des fonctions similaires : interprètes, chauffeurs, personnels de base, soldats partenaires.
Quand Kaboul est tombé aux mains des talibans en août 2021, ces hommes et femmes sont devenus des cibles prioritaires. Beaucoup ont alors bénéficié de programmes d’évacuation d’urgence mis en place par Washington.
L’arrivée express aux États-Unis
Rahmanullah Lakanwal fait partie de ceux qui ont pu quitter l’Afghanistan dans les semaines chaotiques qui ont suivi la prise de pouvoir talibane. Il pose le pied sur le sol américain le 8 septembre 2021, moins d’un mois après la chute de Kaboul.
Son admission s’inscrit dans l’opération Allies Welcome, un vaste programme lancé par l’administration Biden pour accueillir les Afghans ayant collaboré avec les forces américaines et les groupes vulnérables (journalistes, défenseurs des droits, etc.).
À l’époque, la pression était immense : il fallait évacuer le plus de monde possible dans un délai extrêmement court. Plus de 190 000 Afghans ont été réinstallés aux États-Unis depuis août 2021. Un chiffre colossal qui illustre l’ampleur du défi logistique et humain.
« Il a fait partie des nombreux individus admis en masse, sans vérification adéquate »
Kristi Noem, ministre à la Sécurité intérieure
Cette phrase, prononcée quelques heures après l’attaque, résume la ligne adoptée par l’administration Trump : pointer du doigt les procédures accélérées mises en œuvre entre 2021 et 2025.
Le programme SIV et les zones grises
Le visa spécial d’immigrant (SIV) est normalement réservé aux Afghans ayant « pris des risques significatifs » pour soutenir les forces américaines. Ce statut ouvre la voie à la carte verte et à une installation durable.
Mais dans l’urgence de l’été 2021, tous les évacués n’ont pas forcément passé par cette voie stricte. Une partie importante des personnes accueillies relevait de catégories élargies, parfois avec des vérifications allégées pour répondre à l’urgence humanitaire.
Pour l’instant, les autorités n’ont pas précisé si Rahmanullah Lakanwal avait obtenu un SIV classique ou s’il était entré dans une autre catégorie du programme Allies Welcome.
La réaction immédiate des autorités
Dès le lendemain matin, le président Trump a annoncé que l’ensemble des dossiers des Afghans arrivés sous l’administration précédente feraient l’objet d’un réexamen complet. Une mesure présentée comme indispensable pour « restaurer la sécurité des Américains ».
Dans la foulée, l’USCIS – l’agence fédérale en charge de l’immigration – a pris une décision radicale : suspension immédiate et pour une durée indéterminée du traitement de toutes les demandes en cours concernant des ressortissants afghans.
Cette mesure gèle des dizaines de milliers de dossiers, dont ceux de nombreux anciens traducteurs et membres des forces de sécurité afghanes toujours en attente de réinstallation.
Conséquences immédiates
• Suspension totale des demandes afghanes
• Réexamen systématique des 190 000 dossiers déjà approuvés
• Renforcement des contrôles sur les bases militaires
• Débat relancé sur l’ensemble des programmes humanitaires d’urgence
Un drame qui ravive de vieilles fractures
Cette fusillade intervient dans un climat politique déjà très tendu autour de la question migratoire et du bilan de vingt années de guerre en Afghanistan. Le retrait chaotique de 2021 reste une cicatrice vive dans le débat public américain.
Pour les uns, l’attaque illustre les risques pris lorsqu’on évacue en masse sans filtres suffisamment robustes. Pour les autres, elle pénalise injustement des milliers d’anciens alliés qui ont tout perdu en soutenant les États-Unis.
Entre ces deux lectures, des familles entières attendent toujours, parfois coincées dans des pays tiers, que leur dossier aboutisse. La suspension décidée ce jeudi risque de prolonger leur calvaire de plusieurs mois, voire plusieurs années.
Ce que l’enquête devra éclaircir
Plusieurs zones d’ombre demeurent à l’heure actuelle :
- Quel était le mobile exact de Rahmanullah Lakanwal ?
- Y a-t-il eu des signaux avant-coureurs ignorés ?
- Le suspect souffrait-il de troubles post-traumatiques liés à son passé militaire ?
- Comment a-t-il pu se procurer une arme dans une ville aux contrôles stricts ?
- Était-il en contact avec des réseaux extrémistes ?
Autant de questions qui alimenteront les investigations dans les prochaines semaines. En attendant, l’Amérique retient son souffle face à un événement qui mêle guerre lointaine, politique intérieure et sécurité nationale.
Ce qui a commencé comme une évacuation humanitaire massive se transforme, quatre ans plus tard, en cas d’école sur les dilemmes impossibles auxquels sont confrontées les grandes puissances quand elles quittent un théâtre de guerre.
Entre gratitude envers ceux qui ont risqué leur vie à nos côtés et impératif de protection des citoyens, la balance est plus que jamais difficile à tenir.









