Imaginez-vous réveillé en sursaut à 7 heures du matin par l’annonce qu’une cellule est vide. Les barreaux sont tranchés net, des draps pendent encore le long du mur comme une corde de fortune. C’est exactement ce qui s’est produit cette nuit-là à la maison d’arrêt de Dijon.
Une fuite digne d’un film, mais bien réelle
Entre mercredi soir et jeudi matin, deux hommes ont réussi l’impensable dans un établissement censé être sécurisé. Le plus jeune, 19 ans, était incarcéré pour tentative d’assassinat et association de malfaiteurs. Son compagnon d’évasion, âgé de 32 ans, purgeait une peine pour violences aggravées sur conjointe et menaces. Rien ne laissait présager, à première vue, une coordination aussi audacieuse.
Ils ont d’abord scié les barreaux de leurs cellules respectives – probablement à l’aide d’une lame de scie introduite clandestinement – puis ont noué des draps pour descendre dans la cour avant de franchir les murs. À l’appel du matin, les surveillants n’ont trouvé que le silence et des fenêtres béantes.
Un établissement déjà sous tension extrême
La maison d’arrêt de Dijon n’est pas une prison comme les autres. Située en plein centre-ville, elle accueille actuellement 311 détenus… pour seulement 180 places. Un taux d’occupation de 173 %, qui place l’établissement parmi les plus saturés de France.
Cet ancien bâtiment souffre d’une vétusté criante. Il fait partie des six prisons sélectionnées pour le plan « zéro portable » annoncé récemment par le ministère, preuve que les problèmes de contrebande y sont particulièrement aigus. Mais pour les agents sur place, le vrai danger ne vient pas seulement des téléphones.
« Nous alertons depuis des mois sur la dégradation alarmante des conditions de sécurité »
Syndicat FO Justice
Le syndicat dénonce un « aveuglement total » de la direction et de la hiérarchie face à une situation qui devient explosive. Et cette évasion vient cruellement illustrer leurs craintes.
Comment une lame de scie a-t-elle pu entrer ?
C’est la question qui brûle toutes les lèvres. Dans un quartier sécurisé, l’introduction d’un outil aussi dangereux aurait dû être détectée. Pourtant, les deux hommes ont visiblement pris leur temps pour sectionner les barreaux sans déclencher la moindre alarme.
Ce n’est pas la première fois que des lames circulent dans les prisons françaises. Les fouilles, pourtant renforcées ces dernières années, peinent à endiguer le trafic. Entre matelas éventrés, parloirs mal contrôlés et livraisons douteuses, les surveillants jouent parfois à cache-cache avec des objets qui peuvent devenir des armes… ou des clés de liberté.
La surpopulation, poison lent du système pénitentiaire
Au 1er octobre 2025, les prisons françaises comptaient 84 862 détenus pour seulement 62 501 places opérationnelles. La densité carcérale atteint 135,8 % au niveau national. Un chiffre qui cache des pointes bien plus dramatiques dans certains établissements comme Dijon.
Dans ces conditions, la cohabitation devient explosive. Les surveillants, en sous-effectif chronique, courent d’une urgence à l’autre. Les tensions entre détenus s’exacerbent. Et la sécurité, pourtant prioritaire sur le papier, passe souvent au second plan.
Chiffres clés de la surpopulation (octobre 2025)
- 84 862 détenus
- 62 501 places seulement
- Densité moyenne : 135,8 %
- Dijon : 173 % d’occupation
- France : 3e pire élève européen derrière Chypre et la Slovénie
Un évasion qui n’arrive pas seule
Cette fuite fait écho à une autre, survenue quelques jours plus tôt à Rennes-Vézin. Là, un détenu avait profité d’une sortie culturelle au planétarium pour prendre la poudre d’escampette sous les yeux de ses surveillants. Deux évasions en si peu de temps, c’est un signal d’alarme que personne ne peut ignorer.
Mercredi, trois organisations de directeurs de prison ont publié un communiqué cinglant. Elles reprochent au ministre de la Justice de concentrer tous les moyens sur les nouveaux quartiers de haute sécurité destinés aux narcotrafiquants, au détriment des établissements classiques déjà à bout de souffle.
Que risque-t-on maintenant ?
Une enquête pour « évasion en bande organisée » a été ouverte. Les deux hommes, toujours en fuite au moment où nous écrivons ces lignes, sont activement recherchés. Leur profil – l’un très jeune et déjà impliqué dans des faits très graves, l’autre connu pour des violences conjugales – inquiète les autorités.
Mais au-delà de la traque, c’est tout le système qui est montré du doigt. Combien d’évasions faudra-t-il encore pour que les alertes lancées depuis des années soient enfin entendues ? Les surveillants, épuisés, le savent : quand la prison craque de partout, ce n’est qu’une question de temps avant la prochaine fuite.
À Dijon, les draps abandonnés pendent encore comme un drapeau blanc de la détresse carcérale. Ils nous rappellent que derrière les murs, la situation est bien plus critique qu’on ne veut l’admettre. Et que la prochaine évasion, malheureusement, ne sera peut-être pas la dernière.
(Article mis à jour le 27 novembre 2025 – les deux fugitifs étaient toujours recherchés à l’heure où nous publions)









