Imaginez vivre au 25e étage et voir, en quelques minutes seulement, les flammes lécher les façades voisines alors que d’épaisses fumées noires envahissent déjà votre couloir. Mercredi après-midi, à Hong Kong, ce cauchemar est devenu réalité pour des milliers d’habitants du complexe Wang Fuk Court.
En l’espace de quelques heures, ce qui devait être une simple rénovation de routine s’est transformé en l’un des pires drames incendiaires qu’ait connu la mégalopole depuis des décennies.
Un bilan tragique qui ne cesse de s’alourdir
Jeudi matin, le chef de l’exécutif John Lee annonçait encore 279 personnes portées disparues. Si certaines ont été retrouvées entre-temps, le bilan humain reste effroyable : au moins 44 morts, dont un pompier et deux employés de maison indonésiens. Soixante-et-une personnes sont toujours hospitalisées, quinze dans un état critique.
Dans ce territoire de 7,5 millions d’habitants où la densité peut dépasser 20 000 personnes au kilomètre carré, un incendie de cette ampleur fait immédiatement craindre le pire. Et le pire est arrivé.
Comment le feu a-t-il pu se propager aussi vite ?
L’incendie a éclaté peu avant 15 heures dans le district de Tai Po, au nord de la ville. Les travaux de rénovation en cours sur les huit tours de 31 étages construits en 1983 ont joué un rôle déterminant.
Les traditionnels échafaudages en bambou, encore très utilisés à Hong Kong, et les bâches plastiques ont agi comme des accélérateurs. En quelques minutes, sept des huit immeubles étaient la proie des flammes.
« Le feu s’est propagé si vite. J’ai vu une lance à incendie tenter de sauver plusieurs bâtiments, et j’ai trouvé cela beaucoup trop lent »
témoin du nom de Suen
La police a rapidement arrêté trois hommes soupçonnés de « grossière négligence ». Des matériaux hautement inflammables auraient été abandonnés sur les échafaudages, favorisant une propagation fulgurante.
L’enfer dans les étages
Pour les habitants, l’évacuation a relevé du parcours du combattant. Beaucoup de résidents sont des personnes âgées à mobilité réduite, vivant parfois seules.
M. Yuen, 65 ans et habitant du complexe depuis plus de quarante ans, raconte que certains n’ont été alertés que par téléphone, alors que les couloirs étaient déjà envahis par la fumée.
Frapper aux portes, crier dans les escaliers, guider les voisins paniqués : c’est ainsi que beaucoup ont tenté de sauver ce qui pouvait encore l’être.
Les chiffres qui donnent le vertige
- 8 immeubles de 31 étages
- 1 984 logements concernés
- Plus de 1 200 secouristes mobilisés
- 44 morts confirmés dont 1 pompier
- 61 blessés hospitalisés, 15 en état critique
- Plus de 900 personnes accueillies dans des abris d’urgence
La solidarité, l’autre visage de Hong Kong
Malgré l’horreur, une chaîne de solidarité impressionnante s’est mise en place dès les premières heures. Des centaines de volontaires ont convergé vers le quartier sinistré.
Stone Ngai, 38 ans, coordinateur d’un poste de secours improvisé, résume l’esprit qui anime la ville : « Quand quelqu’un est en difficulté, tout le monde lui apporte son soutien ».
Dans les gymnases transformés en abris, on apporte couvertures, repas chauds, mais surtout une présence. Des familles entières passent la nuit à scruter leur téléphone, espérant un signe de vie.
Un réveil brutal pour la sécurité des immeubles anciens
Ce drame remet brutalement en lumière le défi que représente la rénovation du parc immobilier vieillissant de Hong Kong. Des milliers de tours construites dans les années 70-80 arrivent en fin de cycle et nécessitent des travaux lourds.
John Lee a d’ores et déjà annoncé l’inspection systématique de tous les grands chantiers de rénovation en cours. Un signal fort après des années où la sécurité incendie semblait pourtant avoir progressé.
Car paradoxalement, les incendies mortels étaient devenus rares dans la ville grâce au renforcement des normes. Mais la densité extrême et l’utilisation encore massive d’échafaudages en bambou restent des facteurs de risque majeurs.
Réactions au plus haut niveau
Le président chinois Xi Jinping a présenté ses condoléances et demandé que tout soit fait pour éteindre l’incendie et minimiser les pertes humaines.
Sur le terrain, les pompiers continuaient jeudi à arroser les carcasses encore fumantes des immeubles, sous une chaleur écrasante et dans des conditions extrêmement difficiles.
Le directeur adjoint des sapeurs-pompiers, Derek Armstrong Chan, a souligné la complexité des interventions dans des températures infernales et l’accès rendu quasiment impossible à certains niveaux.
Et maintenant ?
Alors que les recherches se poursuivent et que les enquêteurs tentent de comprendre l’enchaînement fatal, Hong Kong retient son souffle.
Ce drame va sans doute marquer un tournant dans la gestion des rénovations d’immeubles anciens. Mais surtout, il laisse une ville entière en deuil, entre tristesse infinie et admiration pour cette solidarité spontanée qui, une fois de plus, a montré le vrai visage de Hong Kong.
Dans les jours qui viennent, chaque nouvelle retrouvée, chaque histoire de courage ou de perte viendra rappeler que derrière les chiffres, il y a des vies brisées et des héros ordinaires qui, face à l’impensable, ont choisi d’aider plutôt que de fuir.









