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Jakarta Interdit la Viande de Chien : Tradition ou Cruauté ?

À Jakarta, la viande de chien est désormais interdite. Pour certains, c’est une tradition sacrée qui soigne même la dengue. Pour d’autres, c’est une menace sanitaire majeure. Alors, qui a raison ? La réponse risque de vous surprendre…

Imaginez-vous attablé dans une ruelle animée de Jakarta, une assiette fumante devant vous, et cette phrase qui résonne : « Dieu l’a créé pour être mangé. » C’est ce que défendent encore certains habitants face à une décision qui vient de bouleverser leurs habitudes. Depuis cette semaine, la capitale indonésienne a franchi un cap symbolique : la vente et la consommation de viande de chien y sont officiellement interdites.

Une interdiction qui ne passe pas inaperçue

Le gouverneur Pramono Anung a signé le texte lundi. Il prohibe la viande de chien, de chat et de tout animal susceptible de transmettre la rage. Une période transitoire de six mois est accordée avant l’application effective des sanctions. Mais déjà, les réactions fusent des deux côtés.

Pour les défenseurs des animaux, c’est une victoire historique. Pour une partie de la population, c’est une attaque contre la culture et même contre la volonté divine. Le débat est lancé, et il est loin d’être anodin.

Une pratique ancrée dans certaines communautés

En Indonésie, pays majoritairement musulman, la grande majorité de la population ne touche pas à la viande de chien. Pourtant, dans certaines minorités ethniques, particulièrement chez les Batak ou certains groupes de Sulawesi et de Java, ce mets reste apprécié.

On lui prête même des vertus médicinales. Beaucoup sont convaincus qu’elle augmente le taux de plaquettes sanguines et constitue un remède naturel contre la dengue, cette fièvre hémorragique qui terrifie chaque saison des pluies.

« Dieu a créé le chien pour être mangé. Ne regardez pas seulement le négatif, voyez aussi les bienfaits ! »

Alfindo Hutagaol, 36 ans, consommateur régulier

Ce genre de déclaration résume parfaitement le fossé culturel qui sépare les parties. Pour certains, interdire la viande de chien revient à nier une partie de leur identité.

Des chiffres qui donnent le vertige

En 2022, environ 9 500 chiens étaient transportés chaque mois vers Jakarta pour y être abattus. La plupart venaient de régions où la rage reste endémique, notamment Java occidental.

Ces animaux étaient souvent capturés dans la rue, parfois empoisonnés, parfois volés à leurs propriétaires. Le trajet jusqu’à la capitale durait des heures, dans des conditions effroyables.

À savoir : Jakarta est officiellement exempte de rage depuis 2004. Importer des chiens depuis des zones à risque représentait donc une menace directe pour ce statut sanitaire précieux.

La coalition qui a fait bouger les lignes

Depuis des années, la coalition Dog Meat Free Indonesia mène campagne. Sondages, vidéos choc, actions sur le terrain : tout y passe. En 2021, un sondage réalisé pour leur compte révélait que 93 % des Indonésiens souhaitaient la fin de ce commerce.

Ce chiffre a pesé lourd dans la balance. Plusieurs villes avaient déjà montré l’exemple : Semarang, dans le centre de Java, avait interdit la pratique dès 2022. D’autres municipalités pourraient suivre.

Un commerce déjà en voie de disparition… ou presque

Paradoxalement, avant même l’interdiction officielle, trouver de la viande de chien à Jakarta relevait du parcours du combattant. Les contrôles renforcés avaient poussé les vendeurs dans la clandestinité.

Les restaurants qui l’affichaient ouvertement sur leur menu ont retiré les pancartes. Les clients devaient désormais être des habitués, recommandés par d’autres. Le prix a explosé : plus cher que le bœuf dans certains cas.

« Acheter de la viande de chien, c’était déjà comme chercher de la drogue. »

Sunggul Sagala, 43 ans

Cette phrase résume la situation. L’interdiction ne fait qu’entériner une réalité qui existait déjà dans l’ombre.

Et maintenant ? Les risques d’un marché noir

Mais beaucoup s’inquiètent des effets pervers. Sans plan clair pour les animaux invendus, sans accompagnement des commerçants, l’interdiction pourrait simplement déplacer le problème.

Certains prédisent une recrudescence des captures de chiens errants dans les rues. D’autres imaginent un trafic encore plus discret, plus violent, moins contrôlable.

À Semarang, après l’interdiction de 2022, un camion transportant plus de 200 chiens vers l’abattoir avait été intercepté. Cinq personnes avaient été arrêtées. Le commerce n’a pas disparu pour autant, il s’est juste caché.

Un changement de culture possible ?

Les autorités le reconnaissent elles-mêmes : changer une habitude, parfois perçue comme une tradition millénaire, ne se fait pas en un jour. L’objectif affiché est double : protéger la santé publique et promouvoir le bien-être animal.

Jakarta veut devenir une ville exemplaire en la matière. Reste à savoir si la population suivra, ou si cette interdiction deviendra le symbole d’un fossé grandissant entre modernité imposée et traditions défendues bec et ongles.

Une chose est sûre : le sujet ne laisse personne indifférent. Et vous, où vous situez-vous dans ce débat ?

La question n’est plus seulement de savoir si l’on peut manger du chien, mais jusqu’où une société a le droit d’imposer ses valeurs aux minorités qui la composent.

Dans les mois qui viennent, Jakarta sera un laboratoire grandeur nature. Entre répression, sensibilisation et possibles dérives, tous les scénarios restent ouverts.

Une certitude : cette petite assiette de viande grillée, autrefois banale dans certaines ruelles, est devenue le symbole d’un Indonésie en pleine mutation.

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