Et si la prochaine crise mondiale se jouait, en ce moment même, entre Paris et Téhéran ? Mercredi, la France a haussé le ton comme rarement ces dernières années : elle exige que l’Iran revienne sans délai à la table des négociations pour conclure un accord « robuste et durable » qui empêcherait définitivement Téhéran de se doter de l’arme nucléaire.
Un appel solennel lancé depuis le Quai d’Orsay
La rencontre entre Jean-Noël Barrot et Abbas Araghchi n’a duré que quelques heures, mais elle pourrait peser lourd dans les mois à venir. À l’issue de cet entretien, le ministère français des Affaires étrangères a publié un communiqué sans ambiguïté : Paris, aux côtés de ses partenaires européens et américains, reste attaché à une solution exclusivement diplomatique… à condition que l’Iran joue le jeu.
Ce message intervient dans un contexte particulièrement explosif, six mois après l’offensive israélienne massive du 13 juin et les frappes américaines ciblées sur trois sites nucléaires iraniens. Un conflit éclair de douze jours qui a changé la donne et gelé tous les pourparlers.
Que s’est-il réellement passé en juin dernier ?
Retour en arrière. Le 13 juin, Israël lance l’opération la plus ambitieuse de son histoire contre l’Iran : plusieurs centaines de missiles et de drones frappent des installations militaires et nucléaires. Téhéran riposte. Pendant douze jours, le Moyen-Orient retient son souffle.
Dans ce chaos, les États-Unis interviennent directement et détruisent trois sites jugés critiques pour le programme iranien. Bilan : des centrifugeuses hors service, des stocks d’uranium endommagés, et surtout une confiance déjà fragile réduite à néant.
Depuis, plus aucun négociateur occidental n’a remis les pieds dans les salles omanaises où se déroulaient pourtant, depuis avril, des discussions indirectes prometteuses entre Iraniens et Américains.
Le retour des sanctions : l’arme européenne
En septembre, le Conseil de sécurité des Nations unies a réactivé, à l’initiative des Européens, l’ensemble du régime de sanctions levées en 2015 avec l’accord JCPOA. Un retour en arrière brutal.
Ces sanctions touchent :
- Le secteur pétrolier (embargo total)
- Le système bancaire (déconnexion Swift)
- Les compagnies maritimes iraniennes
- Des centaines d’individus et d’entités liées aux Gardiens de la Révolution
Pour Paris, Londres et Berlin, c’était la seule réponse possible face à l’enrichissement continu d’uranium par Téhéran, bien au-delà des limites autorisées par l’accord de Vienne.
L’Iran possède-t-il déjà assez de matière pour une bombe ?
C’est la question qui hante toutes les chancelleries. Selon les derniers rapports de l’Agence internationale de l’énergie atomique, l’Iran a accumulé plusieurs tonnes d’uranium enrichi à des niveaux très élevés – certains proches de 60 %, alors que l’usage civil nécessite moins de 5 %.
Les experts estiment qu’à ce rythme, Téhéran pourrait, en théorie, produire la matière fissile nécessaire à une arme en quelques semaines seulement. Reste la question de la weaponisation : assembler une bombe fonctionnelle demande encore du temps et des compétences que l’Iran affirme ne pas rechercher.
« Nous développons le nucléaire exclusivement à des fins civiles »
Position officielle répétée par Téhéran depuis vingt ans
Mais les faits contredisent parfois les déclarations. Les stocks actuels dépassent de très loin les besoins d’un programme civil, même ambitieux.
Abbas Araghchi : « On n’est pas pressé »
Invité sur une chaîne française, le ministre iranien des Affaires étrangères a adopté un ton calme, presque détaché. « On attend que les Américains soient prêts pour une vraie négociation, et non pas seulement pour exiger toujours plus », a-t-il déclaré.
Il a également justifié les difficultés de coopération avec l’AIEA : approcher des sites bombardés en juin reste dangereux à cause des contaminations possibles. Un argument technique qui masque difficilement la volonté politique de ralentir les inspections.
L’Europe entre le marteau et l’enclume
Paris, Berlin et Londres se retrouvent dans une position délicate. D’un côté, ils refusent la logique de confrontation totale prônée par Israël et une partie du Congrès américain. De l’autre, ils ne peuvent ignorer les avancées iraniennes.
Le groupe E3 (France, Allemagne, Royaume-Uni) a donc choisi la voie d’une pression maximale tout en gardant la porte diplomatique entrouverte. C’est tout le sens du message français : « Revenez négocier, mais avec un accord bien plus strict que celui de 2015 ».
Parmi les exigences probables :
- Réduction drastique des centrifugeuses avancées
- Exportation de la quasi-totalité des stocks enrichis
- Inspections renforcées et permanentes, y compris sur les sites militaires
- Limitation à long terme (20 à 25 ans) du programme









