Imaginez : vous avez été innocenté après des semaines de procès médiatisé, les caméras du monde entier braquées sur vous, et pourtant, trois ans plus tard, on vous annonce que tout va recommencer. C’est exactement ce qui arrive à Kevin Spacey.
Un nouveau chapitre judiciaire s’ouvre à Londres
Mercredi, la Haute Cour de Londres a fixé une date : octobre 2026. À cette période, l’acteur américain de 66 ans devra répondre devant un tribunal civil des accusations de trois hommes qui l’accusent d’agressions sexuelles commises entre 2004 et 2015.
Ce n’est pas un nouveau procès pénal. Cette fois, il s’agit d’une procédure civile, où la charge de la preuve est moins lourde et où les plaignants cherchent avant tout une reconnaissance du préjudice et, souvent, des dommages et intérêts.
Des visages déjà connus et un nouvel accusateur
Parmi les trois plaignants, deux étaient déjà présents lors du procès pénal de 2023. Ces hommes, qui avaient témoigné sous couvert d’anonymat à l’époque, ont décidé de franchir le pas du civil malgré l’acquittement de l’acteur.
Le troisième plaignant change la donne : il s’agit de l’acteur britannique Ruari Cannon, qui a volontairement renoncé à son droit à l’anonymat. À 21 ans, en 2013, il affirme avoir été touché de manière inappropriée par Kevin Spacey, alors âgé de 53 ans, lors d’un événement public à Londres.
« Je veux que les gens sachent qui je suis et ce que j’ai vécu »
Ruari Cannon, dans le documentaire Spacey Unmasked (2024)
Cette décision de révéler son identité marque un tournant. Elle donne un visage et une voix publique à une accusation qui, jusqu’ici, restait protégée par l’anonymat.
Retour sur le contexte : l’Old Vic et l’ère #MeToo
Les faits reprochés se seraient tous déroulés alors que Kevin Spacey occupait le prestigieux poste de directeur artistique du théâtre Old Vic à Londres, de 2004 à 2015. Une période où il était au sommet de sa gloire, auréolé de deux Oscars (Usual Suspects et American Beauty).
C’est en 2017, avec l’explosion du mouvement #MeToo, que les premières accusations publiques ont émergé. Plus d’une trentaine d’hommes ont, depuis, accusé l’acteur de comportements inappropriés ou d’agressions sexuelles. La quasi-totalité de ces affaires ont été classées ou ont abouti à des acquittements.
Mais au civil, le combat continue.
Procédure civile vs procédure pénale : quelles différences ?
Beaucoup de gens confondent les deux. Voici, en clair, ce qui change :
- Au pénal → il faut prouver « hors de tout doute raisonnable » que l’accusé est coupable. L’État poursuit.
- Au civil → il suffit d’une « prépondérance des probabilités » (plus de 50 % de chances que les faits soient vrais). Ce sont les victimes qui poursuivent pour obtenir réparation.
- Les peines possibles au pénal : prison. Au civil : indemnisation financière et reconnaissance publique du préjudice.
C’est pour cette raison que de nombreuses victimes d’agressions sexuelles, même après un acquittement pénal, choisissent la voie civile. O.J. Simpson, par exemple, a été acquitté au pénal en 1995… mais condamné au civil en 1997 à payer 33,5 millions de dollars aux familles des victimes.
Ruari Cannon poursuit aussi… le théâtre Old Vic
Petit détail qui a son importance : Ruari Cannon ne s’en prend pas seulement à Kevin Spacey. Il a également assigné en justice le théâtre Old Vic lui-même, estimant que l’établissement n’a pas suffisamment protégé les jeunes acteurs et employés présents sur place à l’époque.
Une stratégie qui pourrait ouvrir la porte à d’autres plaintes contre des institutions culturelles accusées d’avoir fermé les yeux.
Un calendrier judiciaire déjà chargé
Octobre 2026 semble loin, mais plusieurs audiences préliminaires sont déjà prévues d’ici là. La juge Christina Lambert devra notamment trancher une question clé : les trois dossiers seront-ils jugés ensemble ou séparément ?
Juger ensemble permettrait de gagner du temps et d’avoir une vision globale. Mais cela pourrait aussi compliquer la défense de Kevin Spacey, chaque histoire étant différente.
La carrière de Kevin Spacey : un avant et un après 2017
Avant les accusations, Kevin Spacey était l’un des acteurs les plus respectés d’Hollywood. Doublement oscarisé, star de House of Cards, metteur en scène admiré…
Depuis 2017 :
- Retiré de House of Cards en cours de saison 6
- Effacé numériquement du film All the Money in the World (remplacé par Christopher Plummer)
- Plus aucun grand rôle au cinéma ou à la télévision
- Quelques apparitions dans des productions indépendantes à petit budget
Aujourd’hui, à 66 ans, il tente un timide retour avec des projets auto-produits, mais le public reste méfiant.
Que faut-il retenir de cette nouvelle étape ?
Ce futur procès civil ne dira pas si Kevin Spacey est « coupable » au sens pénal du terme – cela a déjà été tranché en 2023. En revanche, il pourrait :
- Forcer l’acteur à payer des millions en indemnisation
- Donner une forme de closure aux plaignants
- Relancer le débat sur la responsabilité des institutions face aux comportements de leurs dirigeants
- Montrer, une fois de plus, que #MeToo continue d’avoir des répercussions près de dix ans après
Octobre 2026. Notez la date. Car cette affaire, que certains pensaient close, est loin d’avoir livré son dernier rebondissement.
Quelle que soit l’issue de ce futur procès civil, une chose est sûre : le nom de Kevin Spacey restera associé, pour longtemps encore, aux mots « accusations » et « scandale ». Une chute aussi brutale que spectaculaire pour l’un des plus grands acteurs de sa génération.









