Vous êtes-vous déjà demandé ce que signifie vivre sans électricité stable dans une ville de plus d’un million d’habitants ? À Aden, deuxième plus grande ville du Yémen et siège provisoire du gouvernement reconnu internationalement, c’est le quotidien depuis des années. Des pannes qui durent parfois plusieurs jours, des générateurs qui rugissent nuit et jour, des enfants qui font leurs devoirs à la bougie… Et soudain, une annonce qui pourrait tout bouleverser : les Émirats Arabes Unis promettent un milliard de dollars pour reconstruire entièrement le secteur énergétique du pays.
Un Milliard de Dollars pour Redonner la Lumière au Yémen
Cette somme colossale, annoncée lors d’un forum dédié à l’énergie tenu à Aden, n’est pas une simple aide humanitaire ponctuelle. Il s’agit d’un programme structuré et ambitieux qui vise à la fois la production, le transport et la distribution d’électricité dans toutes les zones contrôlées par le gouvernement légal. Un engagement qui marque un tournant dans les relations entre Abou Dhabi et le sud du Yémen.
L’ambassadeur émirati au Yémen, Mohammed Hamad al-Zaabi, a été clair : son pays financera la construction de nouvelles centrales, solaires, éoliennes et même au mazout pour répondre aux besoins immédiats. Le Premier ministre yéménite, Salem ben Brik, a salué un « soutien stratégique » décisif pour Aden et les autres provinces libérées des rebelles houthis.
Pourquoi le Yémen Vit-il Encore dans l’Obscurité en 2025 ?
Avant même le début du conflit en 2014, seulement deux tiers de la population yéménite avait accès au réseau public. La guerre a achevé de détruire ce qui fonctionnait encore à peu près. Bombardements, manque d’entretien, vols de carburant, corruption : tout a contribué à l’effondrement total du système électrique.
Aujourd’hui, dans les zones gouvernementales, la majorité des habitants dépendent de générateurs privés hors de prix ou de panneaux solaires bricolés. À Aden, les coupures peuvent atteindre 20 heures par jour. Les hôpitaux fonctionnent au ralenti, les entreprises ferment, les écoles s’arrêtent. L’électricité n’est plus un confort : elle est devenue une question de survie.
« L’électricité représente un problème chronique, accumulé au fil de longues années en raison de l’absence de planification, de la faiblesse de la gestion, de la dégradation des infrastructures et de la mauvaise gouvernance »
Salem ben Brik, Premier ministre yéménite
Que Contient Concrètement ce Programme à Un Milliard ?
Le projet ne se limite pas à poser quelques panneaux solaires pour la forme. Les responsables parlent d’une refonte complète du réseau :
- Construction de grandes centrales solaires et éoliennes pour une énergie durable
- Installation de centrales thermiques au mazout pour couvrir les pics de consommation
- Rénovation et extension des lignes de transport haute tension
- Modernisation des postes de distribution dans les quartiers
- Formation de techniciens locaux pour assurer la maintenance
Ali Alshimmari, dirigeant de Global South Utilities, l’entreprise émiratie chargée de la mise en œuvre, insiste : l’objectif n’est pas seulement de produire plus d’électricité, mais surtout de faire en sorte qu’elle arrive réellement jusqu’aux foyers. Un défi technique et logistique énorme dans un pays encore partiellement en guerre.
Derrière l’Argent, une Stratégie Géopolitique
Il serait naïf de voir cette aide comme purement altruiste. Les Émirats Arabes Unis soutiennent depuis 2015 le Conseil de Transition du Sud (CTS), mouvement séparatiste qui contrôle de facto une large partie du territoire annoncé comme bénéficiaire de ces investissements. Ce milliard renforce leur influence dans le sud yéménite face à l’Arabie saoudite, qui soutient plutôt le gouvernement officiel d’Aden.
Cette rivalité entre les deux grands frères du Golfe n’est un secret pour personne. Chaque projet d’infrastructure devient un levier d’influence. Mais pour la population épuisée, peu importe la couleur du drapeau qui ramène la lumière : l’important, c’est qu’elle revienne.
Les Défis qui Restent Immenses
Un milliard de dollars, c’est énorme. Mais est-ce suffisant ? Les besoins du Yémen en reconstruction énergétique sont estimés à plusieurs dizaines de milliards. Et surtout, les zones tenues par les Houthis, dans le nord et l’ouest du pays, ne bénéficieront pas de ce programme. Le pays reste coupé en deux réseaux électriques distincts, reflet de sa division politique.
Autres obstacles :
- La sécurité : les chantiers seront-ils protégés des sabotages ?
- La gouvernance : l’argent sera-t-il utilisé à bon escient ou détourné ?
- Le carburant : les nouvelles centrales au mazout auront besoin d’un approvisionnement régulier
- Le climat : les tempêtes de sable et la chaleur extrême mettent les équipements à rude épreuve
Malgré tout, ce milliard représente le plus important projet énergétique annoncé depuis la fin officielle des grandes offensives. Un signal fort que certains acteurs du Golfe n’ont pas abandonné le Yémen à son sort.
Et les Habitants, Qu’en Pensent-Ils ?
À Aden, la nouvelle a été accueillie avec un mélange d’espoir et de scepticisme. Beaucoup se souviennent des promesses passées qui n’ont jamais abouti. D’autres craignent que l’électricité ne revienne que dans certains quartiers favorisés. Mais globalement, on sent une lueur – c’est le cas de le dire – dans les yeux des habitants quand on évoque la possibilité de retrouver une vie normale.
Une mère de famille rencontrée dans le quartier de Crater résumait bien le sentiment général : « Si demain mes enfants peuvent réviser avec une ampoule au-dessus de leur tête au lieu d’une bougie, je remercierai Dieu et tous ceux qui auront rendu ça possible, peu importe leur nationalité. »
Vers une Reconstruction Plus Large ?
Ce programme énergétique pourrait être le premier domino d’une reconstruction plus ambitieuse. Quand l’électricité revient, les hôpitaux fonctionnent mieux, les usines redémarrent, les pompes à eau tournent, les écoles rouvrent le soir. L’effet multiplicateur est énorme dans un pays où tout est à rebâtir.
Certains observateurs y voient le début d’un « plan Marshall » à la yéménite, financé par les pétromonarchies du Golfe. D’autres restent prudents : tant que la guerre n’est pas totalement terminée et qu’un accord politique global n’est pas trouvé, chaque projet reste fragile.
Mais pour la première fois depuis longtemps, des grues pourraient bientôt remplacer les drones au-dessus d’Aden. Et des panneaux solaires briller sous le soleil écrasant du sud-Yémen au lieu des flammes des générateurs.
Un milliard de dollars ne résoudra pas tous les problèmes du Yémen. Loin de là. Mais il peut rallumer la lumière. Et parfois, c’est déjà un début de miracle.
En résumé : Les Émirats Arabes Unis débloquent un milliard de dollars pour reconstruire le secteur énergétique dans les zones gouvernementales du Yémen. Centrales solaires, éoliennes, thermiques, réseaux de distribution : tout y passe. Un espoir immense pour des millions de Yéménites épuisés par dix ans de guerre et d’obscurité. Reste à transformer cette promesse en réalité sur le terrain.









