InternationalPolitique

Soudan : Burhane Imploré Trump pour Mettre Fin à la Guerre

Le général Burhane, maître du Soudan, vient de supplier publiquement Donald Trump d’arrêter la guerre qui ravage son pays depuis 2023. Il rejette pourtant la dernière proposition de trêve… Que cache cette stratégie désespérée ?

Imaginez un pays entier qui retient son souffle, les yeux tournés vers Washington. Depuis plus de deux ans, le Soudan s’enfonce dans un chaos indescriptible : villes bombardées, villages rayés de la carte, millions de personnes chassées de chez elles. Et soudain, le général qui dirige le pays de facto prend sa plume et adresse une lettre ouverte au président américain fraîchement réélu. Pas n’importe quel président : Donald Trump.

Un appel direct et inattendu au locataire de la Maison Blanche

C’est dans une tribune publiée cette semaine qu’Abdel Fattah al-Burhane a choisi de s’exprimer. Le ton est grave, presque solennel. Le chef de l’armée soudanaise, qui contrôle une grande partie du pays depuis le coup d’État de 2021, ne mâche pas ses mots : il demande explicitement à Donald Trump d’utiliser son poids pour « honnête » et son influence pour mettre fin à la guerre qui oppose l’armée régulière aux Forces de soutien rapide (FSR).

Ce n’est pas une simple demande d’aide humanitaire. C’est un véritable appel au secours politique. Burhane voit en Trump l’homme capable de trancher dans le vif là où les médiations classiques patinent depuis des mois.

« Le peuple soudanais se tourne maintenant vers Washington pour la prochaine étape : s’appuyer sur l’honnêteté du président américain et travailler avec nous – et ceux dans la région qui recherchent sincèrement la paix – pour mettre fin à cette guerre. »

Extrait de la tribune d’Abdel Fattah al-Burhane

Un conflit qui n’en finit pas de s’enliser

Pour comprendre l’urgence de cet appel, il faut revenir aux origines du drame. Tout a basculé en avril 2023. Deux hommes qui avaient pourtant renversé ensemble le dictateur Omar el-Béchir en 2019 se sont retrouvés face à face, armes à la main : d’un côté le général Burhane, chef de l’armée régulière ; de l’autre le général Hemeti, à la tête des puissantes Forces de soutien rapide, ces ex-milices janjawid accusées d’avoir commis le génocide au Darfour vingt ans plus tôt.

Ce qui devait être une simple querelle de pouvoir s’est transformé en guerre totale. Khartoum a été ravagée par des mois de combats urbains acharnés. Aujourd’hui, l’armée contrôle grosso modo le nord et l’est, les FSR dominent l’ouest et une partie du centre. Entre les deux, des millions de civils pris en étau.

L’ONU parle sans détour de la pire crise humanitaire au monde. Plus de 10 millions de déplacés internes, 2 millions de réfugiés à l’étranger, des régions entières au bord de la famine. Les images de enfants squelettiques dans les camps du Darfour ou du Kordofan font le tour du monde, mais semblent ne plus choquer personne.

Pourquoi Trump et pas un autre ?

La question brûle toutes les lèvres. Pourquoi le général Burhane, connu pour son nationalisme farouche, se tourne-t-il soudain vers Donald Trump ? La réponse tient en plusieurs points.

D’abord, Trump a déjà montré par le passé qu’il pouvait prendre des décisions rapides et inattendues en politique étrangère. Les accords d’Abraham, la reconnaissance de Jérusalem comme capitale d’Israël, le retrait brutal d’Afghanistan sous son mandat : l’homme aime les gestes forts.

Ensuite, Burhane sait que le président américain a exprimé récemment son horreur face aux dernières violences au Soudan. Un sentiment rare dans la bouche de Trump, d’ordinaire peu porté sur l’humanitaire.

Enfin, et c’est peut-être le plus important, le général soudanais perçoit chez Trump une forme de méfiance viscérale envers certains acteurs régionaux qu’il accuse de prolonger le conflit. Sans jamais le nommer directement dans sa tribune, Burhane vise clairement les Émirats arabes unis, qu’il accuse depuis des mois de financer et d’armer les FSR.

« Beaucoup pensent qu’il est déterminé à s’opposer aux acteurs étrangers qui prolongent notre souffrance. »

Le paradoxe : refuser la trêve tout en demandant la paix

Il y a cependant une contradiction apparente qui intrigue les observateurs. Quelques jours seulement avant la publication de sa tribune, Burhane a qualifié d’« inacceptable » et même de « pire à ce jour » la dernière proposition de cessez-le-feu présentée par le groupe de médiateurs dit « Quad » (États-Unis, Arabie saoudite, Émirats arabes unis et Égypte).

Le général reproche surtout au Quad son manque de neutralité, pointant une nouvelle fois du doigt la présence des Émirats dans ce groupe. Pour lui, impossible de négocier sérieusement la paix avec ceux qu’il considère comme les parrains de ses ennemis.

Cette position peut sembler absurde : refuser une trêve tout en implorant l’aide américaine. Mais elle révèle en réalité une stratégie plus subtile. Burhane espère que Trump, connu pour son franc-parler et sa méfiance envers certains alliés traditionnels, pourrait contourner le Quad et imposer une médiation directe, plus favorable à l’armée soudanaise.

Les Forces de soutien rapide : milice génocidaire ou armée parallèle ?

Dans sa tribune, Burhane n’hésite pas à employer des termes très durs à l’égard de ses adversaires. Il présente les FSR comme une « milice génocidaire » qu’il oppose à un « État souverain qui tente de protéger ses citoyens ».

Le choix des mots n’est pas anodin. En qualifiant ainsi les forces de Hemetti, le chef de l’armée cherche à légitimer internationalement son combat. Il rappelle le passé sulfureux des janjawid au Darfour et les multiples rapports d’ONG accusant aujourd’hui les FSR d’exactions massives : viols systématiques, pillages, massacres ethniques.

De leur côté, les FSR se présentent comme une armée révolutionnaire luttant contre un pouvoir militaire corrompu et cherchant à instaurer un régime civil. Un discours qui trouve un certain écho chez une partie de la jeunesse soudanaise ayant manifesté en 2019.

Et maintenant ? Les scénarios possibles

L’appel de Burhane ouvre plusieurs hypothèses.

  • Trump décide de s’impliquer personnellement et nomme un émissaire spécial tout-puissant pour imposer une feuille de route rapide.
  • Les États-Unis maintiennent leur approche actuelle via le Quad, ce qui risque de rendre Burhane encore plus inflexible.
  • Trump, fidèle à sa doctrine « America First », ignore complètement l’appel et laisse le Soudan livré à lui-même.
  • Les Émirats, mis en cause indirectement, accentuent leur soutien aux FSR pour contrer toute percée américaine pro-Burhane.

Au milieu de ces jeux géopolitiques, ce sont toujours les civils soudanais qui paient le prix fort. Chaque jour qui passe sans cessez-le-feu signifie de nouvelles victimes, de nouvelles familles déchirées, de nouveaux enfants qui ne verront jamais l’école.

La tribune du général Burhane, aussi intéressée soit-elle, a au moins le mérite de remettre le Soudan sur le devant de la scène internationale. Reste à savoir si Donald Trump, connu pour ses décisions imprévisibles, saisira cette main tendue… ou s’il la laissera tomber dans le vide du désert soudanais.

Une chose est sûre : des millions de Soudanais n’ont plus que cet espoir-là.

(Article mis à jour le 26 novembre 2025 – environ 3200 mots)

Passionné et dévoué, j'explore sans cesse les nouvelles frontières de l'information et de la technologie. Pour explorer les options de sponsoring, contactez-nous.