Imaginez commander une robe à 9 euros et recevoir, sans le savoir un produit qui relève de la pédopornographie. Ce cauchemar est devenu réalité pour certains clients européens de Shein ces dernières semaines.
Shein, le géant chinois qui vacille sous les coups de l’Europe
Ce qui n’était au départ qu’une affaire française est en train de prendre une dimension continentale explosive. L’Union européenne vient d’ouvrir officiellement une procédure contre Shein pour « risque systémique » envers les consommateurs. Un terme rarement employé et qui peut mener à des sanctions très lourdes.
Qu’est-ce qu’un « risque systémique » selon Bruxelles ?
Dans le jargon du Digital Services Act (DSA), ce terme désigne une plateforme dont les dysfonctionnements répétés mettent en danger l’ensemble des citoyens européens. Concrètement, la Commission soupçonne Shein de ne pas être capable d’empêcher la diffusion massive de contenus ou produits illégaux.
La différence avec une simple amende ? Un risque systémique peut justifier la suspension temporaire, voire définitive, de la plateforme sur tout le territoire de l’UE.
« La Commission demande désormais formellement à la plateforme des informations précises et des documents internes »
Communiqué officiel de la Commission européenne
Bruxelles veut savoir exactement comment Shein vérifie l’âge de ses utilisateurs et comment elle empêche la mise en ligne de produits manifestement interdits. Et elle a donné un délai très court pour répondre.
Retour sur le scandale qui a tout déclenché
Tout a commencé fin octobre. Des associations et des particuliers découvrent sur le site français de Shein des poupées sexuelles à l’apparence clairement enfantine. Les photos de présentation laissent peu de place au doute : proportions juvéniles, vêtements d’écolière, poses suggestives.
Pire : certaines fiches produits mentionnaient même des tailles « enfant ». En parallèle, des armes blanches de catégorie A (interdites à la vente aux particuliers) étaient proposées librement.
Le gouvernement français a réagi immédiatement en saisissant la justice pour obtenir la suspension du site pendant au minimum trois mois. Une audience était prévue mais a été reportée au 5 décembre.
Les eurodéputés veulent durcir le ton
Mercredi, le Parlement européen a adopté une résolution non contraignante mais au ton très ferme. Les élus demandent que la suspension d’une plateforme de e-commerce devienne une mesure « simple et rapide » en cas de violations graves et répétées.
Ils vont même plus loin : selon eux, l’affaire Shein ne relève pas d’« incidents isolés » mais d’un système défaillant dans son ensemble. Retirer quelques produits et présenter des excuses ne suffit plus.
Ce que demandent concrètement les eurodéputés :
- Suspension temporaire possible dès la première violation grave confirmée
- Procédure accélérée sans attendre des mois de justice
- Possibilité pour chaque État membre de déclencher seul la mesure (avec validation rapide de la Commission)
- Amendes pouvant atteindre 6 % du chiffre d’affaires mondial
Shein n’est plus seul dans le collimateur
La France a annoncé qu’elle lancerait « dans les prochains jours » la même procédure de suspension contre AliExpress et Joom, pour les mêmes motifs : présence de poupées à caractère pédopornographique.
Par ailleurs, eBay, Temu et Wish ont été signalés au parquet pour vente de produits illégaux divers (jouets dangereux, cosmétiques interdits, etc.). Une vague sans précédent.
Le DSA, l’arme fatale de l’Europe
Depuis avril 2024, Shein fait partie des 23 très grandes plateformes soumises aux obligations renforcées du Digital Services Act. Cela signifie :
- Analyse de risques systémiques tous les ans
- Obligation de transparence sur les algorithmes de recommandation
- Mise en place de systèmes efficaces de signalement
- Coopération immédiate avec les autorités
Or, selon Bruxelles, Shein n’aurait pas respecté ces obligations, d’où l’ouverture de cette enquête formelle.
Quelles conséquences possibles pour les consommateurs ?
Si Shein était suspendu en Europe, même temporairement, ce serait un séisme. Des millions de clients se retrouveraient sans accès à leurs commandes en cours et à leurs comptes.
Mais beaucoup estiment que le jeu en vaut la chandelle : mieux vaut perdre quelques colis que laisser circuler des produits relevant de la pédopornographie.
Des associations de protection de l’enfance saluent d’ailleurs cette fermeté inédite des institutions européennes.
Et maintenant ?
Shein a désormais quelques semaines pour fournir les documents demandés. Si les réponses sont jugées insuffisantes, la Commission pourra ouvrir une procédure pouvant mener à des sanctions financières colossales, voire à la suspension pure et simple.
En parallèle, l’audience française du 5 décembre et les procédures contre AliExpress et Joom risquent de créer une jurisprudence très dure pour toutes les plateformes low-cost asiatiques.
Une chose est sûre : l’époque où ces géants pouvaient vendre n’importe quoi en toute impunité en Europe semble bel et bien révolue.
À suivre dans les prochains jours :
– Réponse officielle de Shein à la Commission
– Décision du tribunal de Paris le 5 décembre
– Lancement des procédures contre AliExpress et Joom
L’Europe vient d’envoyer un message clair : la protection des consommateurs, et surtout des mineurs, n’est pas négociable. Même quand il s’agit de robes à 5 euros.









