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Fraude Géante à la TVA : 78 Millions Volés à l’Europe

Six arrestations en Croatie, 33 millions d'euros gelés en Italie, voitures de luxe et bijoux saisis… Une immense fraude à la TVA vient d'être stoppée net. Mais comment ce réseau a-t-il pu détourner plus de 78 millions sans être détecté plus tôt ? La réponse va vous surprendre.

Imaginez un manège qui tourne sans jamais s’arrêter, où des palettes de produits électroniques et d’articles d’hygiène traversent les frontières européennes… mais n’existent que sur le papier. Chaque tour rapporte des millions en remboursement de TVA que personne n’a jamais payée. Ce n’est pas un film, c’est ce qui vient d’être démantelé entre la Croatie et l’Italie.

Une fraude à 78 millions d’euros stoppée net

Mercredi, le parquet européen a annoncé une opération coup de poing : six arrestations en Croatie et le gel de plusieurs dizaines de millions d’euros d’avoirs en Italie. Au cœur de l’affaire, un réseau sophistiqué de sociétés écrans qui simulait des livraisons intracommunautaires pour détourner la TVA à grande échelle.

Le préjudice ? Plus de 78 millions d’euros de taxe jamais reversée aux États. Un montant qui donne le vertige quand on sait que ce type de fraude, appelé « carrousel », coûte chaque année plusieurs dizaines de milliards à l’Union européenne.

Comment fonctionne la fraude carrousel ?

Le mécanisme est aussi ingénieux que cynique. Une société A, basée dans un pays membre, « vend » des marchandises à une société B dans un autre pays de l’UE. Cette vente intracommunautaire est exonérée de TVA. La société B revend ensuite à une société C… qui disparaît sans payer la taxe qu’elle aurait dû reverser.

Entre-temps, la société A a déjà demandé le remboursement de la TVA qu’elle prétend avoir avancée. Résultat : l’État rembourse une taxe qui n’a jamais été encaissée. Et le manège recommence avec de nouvelles sociétés écrans.

« Ils exploitaient un réseau de sociétés écrans pour enregistrer des mouvements fictifs de marchandises vers des opérateurs en Italie et dans d’autres États membres »

Communiqué du Parquet européen

Des produits qui n’ont jamais existé

Dans cette affaire précise, les marchandises fantômes étaient des produits électroniques et des articles d’hygiène. Téléviseurs, smartphones, gels douche, masques… Tout était déclaré, facturé, expédié sur le papier. Mais en réalité, aucune palette n’a jamais franché la moindre frontière.

Les enquêteurs ont reconstitué des dizaines de milliers de transactions fictives. Des bons de livraison impeccables, des déclarations douanières en règle, des numéros de TVA valides… Tout était conçu pour tromper les administrations fiscales.

Le rôle central de Naples

En Italie, l’enquête a abouti à une décision spectaculaire : un juge de Naples a ordonné le gel de 33 millions d’euros d’avoirs appartenant à sept suspects et aux 23 sociétés qu’ils contrôlaient.

Mercredi matin, les forces de l’ordre ont saisi :

  • Des appartements et villas de luxe
  • Des voitures haut de gamme (Porsche, Ferrari…)
  • Des bijoux de grande valeur
  • Plus d’un million d’euros en espèces

Des images qui rappellent les grandes saisies antimafia, mais cette fois dans le domaine de la criminalité financière en col blanc.

Le parquet européen, ce nouvel acteur redouté

Créé en juin 2021, le Parquet européen (EPPO) dispose d’un pouvoir inédit : enquêter et poursuivre directement au-delà des frontières nationales quand les intérêts financiers de l’UE sont en jeu.

En à peine quatre ans, il s’est imposé comme le cauchemar des fraudeurs. Cette opération conjointe avec la Croatie et l’Italie montre qu’il commence à porter ses fruits. Et ce n’est probablement qu’un début.

Pourquoi cette fraude est si difficile à détecter

Plusieurs raisons expliquent la longévité de ces réseaux :

  1. La complexité des échanges intracommunautaires (plus de 3 millions d’opérations par jour)
  2. La disparité des systèmes fiscaux nationaux
  3. La rapidité avec laquelle les sociétés écrans peuvent être créées et dissoutes
  4. L’utilisation de prête-noms et de paradis fiscaux internes à l’UE

Il aura fallu des mois d’investigations croisées, d’analyse de flux bancaires et de surveillance pour remonter jusqu’aux vrais bénéficiaires.

Et demain ?

Cette affaire pose une question cruciale : combien de réseaux similaires opèrent encore en toute impunité ? Europol estime que la fraude carrousel représente entre 40 et 60 milliards d’euros de pertes annuelles pour les budgets européens.

Avec la numérisation croissante des déclarations et l’arrivée de l’intelligence artificielle dans la détection des anomalies, les fraudeurs vont devoir redoubler d’ingéniosité. Mais le message envoyé par le parquet européen est clair : la fête est finie.

En attendant, quelque part entre Zagreb et Naples, six personnes passent leur première nuit en détention, et sept autres savent que les menottes ne sont plus très loin. Quant aux voitures de luxe et aux lingots saisis, ils rappellent que le crime, même en col blanc, finit souvent par payer… très cher.

À retenir : La fraude à la TVA carrousel n’est pas une petite délinquance fiscale. C’est une criminalité organisée qui prive les États de ressources essentielles pour les écoles, les hôpitaux, les retraites. Chaque euro détourné est un euro qui manque à la collectivité.

Derrière les chiffres et les mécanismes techniques, il y a une réalité humaine : celle de citoyens qui paient leurs impôts tandis que d’autres s’enrichissent en toute impunité. Cette opération montre que l’Europe commence enfin à se doter des outils pour rétablir l’équité.

Et vous, saviez-vous que votre téléviseur ou votre gel douche pouvait, sur le papier, traverser dix pays en une semaine sans jamais quitter un entrepôt ? Bienvenue dans le monde fascinant… et inquiétant de la fraude carrousel.

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