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Angoulême : Mortiers dans un Lycée, une Surveillante Blessée

Angoulême : trois jeunes majeurs tirent des mortiers dans le foyer d’un lycée et blessent une surveillante au pied. L’un dit vouloir « dénoncer l’insécurité »… Il écope de 6 mois avec sursis. Et si c’était votre enfant dans ce lycée ?

Imaginez le foyer de votre lycée, cet endroit censé être un refuge entre deux cours. Des éclats de rire, des tables où l’on révise à la dernière minute, une odeur de café froid. Et soudain, des détonations assourdissantes, des gerbes d’étincelles qui fusent dans tous les sens, la fumée qui pique les yeux. Une surveillante s’effondre, touchée au pied. Ce n’est pas une scène de film d’action. C’est ce qui s’est passé en mai dernier au lycée Marguerite-de-Valois à Angoulême.

Une soirée qui tourne au cauchemar

Ce soir-là, trois jeunes hommes de 18 ans, Kamron, Farès et Yanis, tous majeurs, décident de faire « parler la poudre ». Munis de mortiers d’artifice, ils pénètrent dans le foyer du lycée et tirent à plusieurs reprises. Les vidéos qu’ils filment eux-mêmes pour immortaliser leur exploit circulent encore. On y voit la panique générale, les élèves qui se jettent au sol ou courent vers les sorties. Au milieu de ce chaos, une surveillante est touchée au pied. La douleur est vive, la peur encore plus.

Le plus sidérant ? L’un des auteurs, Kamron, explique tranquillement aux enquêteurs qu’il voulait « dénoncer l’insécurité » dans l’établissement. Utiliser des engins pyrotechniques dangereux au milieu d’adolescents pour « alerter » sur l’insécurité, voilà une méthode pour le moins… explosive.

Des peines qui font bondir

Six mois plus tard, le tribunal correctionnel d’Angoulême rend son verdict. Kamron et Yanis écopent de six mois de prison… avec sursis probatoire. Farès, lui, s’en sort avec un simple stage de citoyenneté. À titre de comparaison, la peine maximale encourue pour mise en danger de la vie d’autrui avec une arme par destination était de sept ans de prison ferme. Sept ans possibles, six mois avec sursis prononcés.

Dans la salle d’audience, les visages se figent. Les personnels éducatifs, déjà épuisés par des années de violences en tout genre, ont le sentiment que plus rien ne les protège. Une surveillante blessée, des dizaines d’élèves traumatisés, et au final, presque rien. Comme si balancer des mortiers dans un lycée relevait d’une simple « bêtise de jeunesse ».

L’insécurité scolaire n’est plus une impression

Ce n’est pas un cas isolé. Dans de nombreux établissements, les équipes éducatives tirent la sonnette d’alarme depuis des années. Intrusions, trafics en tout genre, menaces, coups, insultes quotidiennes… Le métier de professeur ou de surveillant est devenu, dans certains endroits, une activité à risque.

À Angoulême même, les exemples se multiplient. Récemment, des enseignants du collège Pierre-Bodet ont exercé leur droit de retrait après la dégradation du logement de fonction de leur principale. Agressions, dégradations, climat de peur permanent : la liste est longue et douloureuse.

« On a l’impression que l’école n’est plus un sanctuaire. Quand on vient travailler, on ne sait jamais si on va rentrer chez soi entier. »

Un professeur d’un collège charentais, sous couvert d’anonymat

Pourquoi une telle clémence répétée ?

La question brûle toutes les lèvres. Comment expliquer que des actes aussi graves soient sanctionnés aussi légèrement ? Plusieurs facteurs se croisent.

  • La jeunesse des auteurs : à 18 ans, on est majeur pénalement, mais certains magistrats continuent d’appliquer une forme « d’excuse de minorité » tardive.
  • Le casier judiciaire encore vierge ou peu chargé pour certains.
  • Une tendance nationale à éviter la prison pour les primo-délinquants, même quand les faits sont graves.
  • Et surtout, une surcharge des tribunaux qui pousse parfois à « vider » les dossiers rapidement.

Résultat : le message envoyé est clair. On peut mettre en danger la vie de dizaines de personnes, blesser quelqu’un, et repartir presque comme si de rien n’était. Le sentiment d’impunité, déjà bien ancré chez certains, ne risque pas de s’arranger.

Les surveillants et professeurs en première ligne

Ce sont eux qui absorbent les chocs au quotidien. La surveillante blessée ce soir-là n’est pas un cas isolé. Coups de cutter, chaises lancées, menaces de mort, crachats… Le répertoire des violences subies par le personnel éducatif est terrifiant.

Et pourtant, quand ils osent parler, on leur reproche parfois de « stigmatiser » ou d’« exagérer ». Comme si reconnaître la réalité revenait à trahir une forme d’idéal républicain. Pendant ce temps, les arrêts maladie explosent, les vocations s’effondrent, et les parents se demandent s’ils peuvent encore envoyer leurs enfants à l’école en toute sérénité.

Et les élèves dans tout ça ?

Ce sont les grands oubliés. Ceux qui étaient présents ce soir-là se souviendront longtemps des détonations, de la fumée, de la peur viscérale. Certains ont développé des troubles du sommeil, d’autres refusent de revenir dans le foyer. L’école, qui devrait être un lieu d’apprentissage et d’épanouissement, devient pour certains un endroit anxiogène.

Et que leur dit-on ? Que les auteurs s’en sortent avec une tape sur les doigts. Difficile dans ces conditions de leur apprendre le respect de l’autorité, des règles, des autres.

Vers une prise de conscience collective ?

Des voix s’élèvent de plus en plus fort. Des syndicats enseignants aux associations de parents d’élèves, en passant par certains responsables politiques locaux, tout le monde ou presque réclame des sanctions plus fermes et une véritable politique de sécurité dans les établissements.

  • Renforcer les équipes mobiles de sécurité dans les zones sensibles.
  • Installer des portiques de détection ou des caméras (même si cela pose débat).
  • Appliquer des peines plancher pour les violences commises dans l’enceinte scolaire.
  • Et surtout, redonner aux chefs d’établissement les moyens d’exclure définitivement les élèves violents.

Car tant que l’impunité régnera, la spirale ne s’arrêtera pas. L’affaire des mortiers d’Angoulême n’est qu’un symptôme parmi d’autres d’un mal plus profond. Un mal que l’on refuse parfois de nommer, par peur des mots ou des amalgames. Mais que l’on paie chaque jour un peu plus cher.

Au final, la question est simple : jusqu’à quand fermera-t-on les yeux ?

À lire aussi : Ces dernières années, les faits divers dans les établissements scolaires se multiplient à une vitesse inquiétante. Du couteau brandi en classe à l’intrusion armée, en passant par les rixes mortelles aux abords des lycées, le constat est là : l’école n’est plus épargnée par la violence qui ronge certains territoires. Et les réponses, elles, peinent à suivre.

Il est temps que la République retrouve toute son autorité. Pas par la répression aveugle, mais par la fermeté juste. Parce qu’une école sans sécurité n’est plus une école. C’est un champ de bataille où plus personne ne gagne.

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