Imaginez-vous marcher tranquillement dans une petite ville côtière d’Irlande du Nord et tomber sur une pancarte « Prince Andrew Way ». Il y a encore quelques jours, cela existait bel et bien à Carrickfergus. Aujourd’hui, cette rue est en train de vivre un bouleversement symbolique fort : son nom va purement et simplement disparaître.
Carrickfergus, première ville à tourner la page Andrew
Lundi soir, le conseil municipal de Mid and East Antrim, qui regroupe notamment la ville de Carrickfergus et ses 27 000 habitants, a voté à l’unanimité le débaptême de la rue autrefois dédiée au duc d’York. Une décision rare, lourde de sens, et qui marque un tournant dans la perception publique du frère cadet du roi Charles III.
Aaron Skinner, l’élu à l’origine de la proposition, l’a justifié sans détour : « Andrew Mountbatten ne représente plus les valeurs de Carrickfergus ». Des mots forts qui résonnent bien au-delà des frontières de cette petite commune.
Pourquoi maintenant ? Le timing n’est pas anodin
Depuis 2022 et l’accord financier conclu avec Virginia Giuffre pour éviter un procès très médiatisé aux États-Unis, le prince Andrew vit en retrait total de la vie publique. Il a été déchu de ses titres militaires, de son prédicat d’Altesse Royale et de toute fonction officielle. Pourtant, certaines traces de son ancienne gloire persistaient encore dans le paysage urbain britannique.
Le conseiller Skinner explique que les mesures prises par le Palais ont fini de convaincre les élus locaux. Quand Buckingham a officiellement rayé Andrew de la carte royale, Carrickfergus a jugé qu’il était temps de faire de même sur la sienne.
« Avec les mesures prises par le Palais pour retirer certains des titres, nous avons estimé que le moment était venu de le faire. »
Aaron Skinner, conseiller municipal
Les habitants approuvent massivement la décision
Dans les rues de Carrickfergus, la nouvelle a été accueillie avec satisfaction, voire avec soulagement. Lesley Rockett, travailleuse sociale et habitante de longue date, ne cache pas son émotion. La lecture des mémoires posthumes de Virginia Giuffre l’a profondément marquée.
Elle confie qu’elle trouve le livre accablant pour le prince Andrew et estime que la rue aurait dû être renommée bien plus tôt, dès la sortie de ces témoignages. Pour elle, conserver ce nom revenait à fermer les yeux sur des faits graves.
D’autres habitants croisés dans le centre-ville partagent le même sentiment. Une retraitée explique qu’elle passait devant la pancarte tous les jours en allant faire ses courses et que cela lui laissait « un goût amer » depuis des années.
Virginia Giuffre, la voix qui continue de peser
Même après le décès de Jeffrey Epstein et la conclusion d’un accord financier, les accusations de Virginia Giuffre n’ont jamais été rétractées. Dans ses mémoires publiés à titre posthume, elle maintient avoir été contrainte à trois rapports sexuels avec le prince Andrew alors qu’elle était mineure et sous l’emprise du réseau Epstein.
Le prince a toujours nié fermement ces allégations. Il a néanmoins préféré régler l’affaire à l’amiable en 2022 plutôt que de risquer un procès public qui aurait pu être dévastateur pour l’image de la monarchie.
Cet accord, dont le montant exact reste confidentiel mais estimé à plusieurs millions de livres, a été perçu par beaucoup comme un aveu implicite. Il a définitivement scellé la chute du duc d’York aux yeux du public.
Et maintenant, quel nouveau nom pour la rue ?
Si la suppression du nom « Prince Andrew Way » est actée, le choix du nouveau nom reste en suspens. Plusieurs pistes circulent déjà parmi les élus et les habitants.
Certains proposent Princess Catherine Way, en hommage à Kate Middleton, très appréciée du public britannique. D’autres préfèreraient un nom plus neutre et intemporel comme Elizabeth II Way, en mémoire de la reine défunte dont le règne a marqué des générations.
Une consultation publique pourrait être organisée dans les prochaines semaines afin que les habitants aient leur mot à dire. Quoi qu’il en soit, le message est clair : la page Andrew est bel et bien tournée.
Un précédent qui pourrait faire école
Carrickfergus n’est pas la plus grande ville du Royaume-Uni, loin de là. Pourtant, son geste symbolique pourrait inspirer d’autres municipalités. Plusieurs localités possèdent encore des rues, des jardins ou des bâtiments portant le nom du duc d’York datant d’une époque où il incarnait encore l’image du héros de la guerre des Malouines et du play-boy royal.
Des élus de villes plus importantes observent déjà la situation de près. Le vent tourne, et ce qui était encore impensable il y a cinq ans devient aujourd’hui une réalité concrète.
Dans un contexte où la monarchie cherche à se moderniser et à regagner la confiance d’une partie de l’opinion publique, effacer les traces d’un membre aussi controversé apparaît comme une évidence pour certains.
Un symbole fort dans une petite ville chargée d’histoire
Carrickfergus n’a pas été choisie au hasard pour porter autrefois le nom du prince Andrew. Cette ville fortifiée, avec son imposant château normand du XIIe siècle, a toujours entretenu des liens étroits avec la Couronne britannique.
La rue en question avait été baptisée en 2003 pour marquer le mariage du prince avec Sarah Ferguson et son rôle de représentant commercial du Royaume-Uni à l’étranger. Vingt ans plus tard, l’histoire a pris une tournure radicalement différente.
Le château de Carrickfergus, qui domine toujours la ville, a vu passer des rois, des reines et des batailles historiques. Aujourd’hui, il est témoin d’un nouveau chapitre : celui du rejet public d’un membre de la famille royale tombé en disgrâce.
Cette décision, bien que locale, résonne comme un écho lointain des grandes purges historiques où les noms des puissants déchus étaient effacés des frontons et des plaques.
La monarchie à l’épreuve de l’opinion publique
Ce débaptême intervient dans un contexte particulier pour la Couronne britannique. Entre les soucis de santé du roi Charles III, l’absence prolongée de Kate Middleton et les frasques passées d’autres membres de la famille, l’institution traverse une zone de turbulences.
Le fait qu’une petite ville d’Irlande du Nord prenne les devants en dit long sur le fossé qui s’est creusé entre une partie de la population et certains membres de la famille royale. Ce n’est plus seulement Londres ou les grands médias qui dictent le tempo : les collectivités locales aussi ont leur mot à dire.
Et quand une décision est prise à l’unanimité, sans opposition politique ni débat houleux, cela en dit long sur le consensus qui s’est formé autour de la figure du prince Andrew.
Dans les prochains mois, d’autres rues, d’autres plaques, d’autres hommages pourraient connaître le même sort. Carrickfergus n’a peut-être fait qu’ouvrir la voie.
Une chose est sûre : le nom du duc d’York, autrefois fièrement affiché, appartient désormais au passé. Et dans une petite ville d’Irlande du Nord, on vient de le graver dans le bitume… en l’effaçant définitivement.









